Le Sermon de Ghadîr Khum
Faisant ses adieux à sa ville natale, le Prophète quitta la Mecque pour Médine le 14 Thilhaj. Sur la route, le 18 Thilhaj, il ordonna qu'on fasse halte à Ghadîr Khum, une région aride aux abords de la vallée de Johfa, à trois étapes de Médine, après avoir reçu la révélation suivante:
Ô Prophète! Fais connaître ce qui t'a été révélé par ton Seigneur. Si tu ne le fais pas, tu n'auras pas fait connaître Son Message. Dieu te protégera contre les hommes; Dieu ne dirige pas le peuple incrédule.
(Sourate al-Mâ'idah, 5: 67)
On affirme que le Prophète avait déjà reçu l'ordre de proclamer 'Alî son successeur et avait remis à une occasion plus appropriée l'annonce de cette nomination pour éviter qu'elle soit mal prise.
A présent, ayant reçu ce Commandement, il décida de l'annoncer sans aucun retard. Aussi fit-il halte sur le lieu même où il reçut le rappel. Le terrain étant déblayé, une chaire fut formée de selles de chevaux, et Bilâl, le Muezzin, s écria à haute voix:
Hayya 'Alâ Khayr-il-'Amal
(Ô gens, accourez à la meilleure des actions)
Et une fois les gens rassemblés autour de la chaire, le Prophète se leva prenant à sa droite Ali, dont le turban noir à deux bouts suspendus sur ses épaules avait été arrangé par le Prophète lui-même. Le Prophète loua tout d'abord Dieu, puis s'adressant à la foule, il dit:
- Vous croyez qu'il n'y a de dieu que Dieu, que Mohammad est Son Messager et Son Prophète, que le Paradis et l'Enfer sont des vérités, que la mort et la Résurrection sont certaines, n'est-ce pas?
Ils répondirent tous Oui, nous le croyons. I
l les informa alors qu'il serait rappelé bientôt par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration:
Je vous laisse deux grands préceptes dont chacun dépasse 1'autre par sa grandeur: ce sont le Saint Coran et ma sainte progéniture (dont les membres inéchangeables sont: 'Ali, Fdtimah, Hassan et Hussayn). Prenez garde dans votre conduite envers eux après ma disparition. Ils ne se sépareront pas 1'un de l'autre jusqu'à ce qu'ils reviennent auprès de moi, au Ciel, à la Fontaine de Kawthar.
Et d'ajouter:
Dieu est mon Gardien et je suis le gardien de tous les croyants
'Alî Déclaré Successeur du Prophète
Ce disant, il prit la main de 'Alî dans sa main, et la levant haut, il s'écria:
Celui dont je suis le maître, 'Ali aussi est son maître. Que Dieu soutienne ceux qui viennent en aide à 'Ali et qu'IL soit l'ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de 'Ali.
Ayant répété cette proclamation trois fois, il descendit de la plate-forme dressée et fit asseoir 'Alî dans sa tente où les gens vinrent le féliciter. 'Omar Ibn al-Khattâb fut le premier à congratuler 'Alî et à le reconnaître comme le "Tuteur de tous les croyants".
Après les hommes, toutes les femmes du Prophète ainsi que les autres dames vinrent féliciter 'Alî. A la fin de cette cérémonie d'installation, le célèbre verset suivant du Coran fut révélé au Prophète:
Aujourd'hui, j'ai perfectionné votre religion et j'ai parachevé Ma Grâce sur vous; j'agrée l'Islam comme étant votre Religion.
(Sourate al-Mâ'idah, 5: 3).
Le prophète se prosterna en signe de gratitude.
La Signification d'Ahl-ul-Bayt Expliquée
L'expression "ma progéniture" mentionnée dans l'Adjuration signifie les saintes personnes désignées par le verset coranique suivant:
(Ô Prophète!) Je ne vous demande aucun salaire pour cela, si ce n'est votre affection envers mes proches
(Sourate al-Chûrâ, 42: 23).
A la révélation de ce verset on avait demandé au Prophète de nommer les personnes dont l'amour était commandé. Il nomma: 'Alî, Fâtimah, al-Hassan, al-Hussayn. Les gens le soupçonnèrent alors d'avoir nommé ses chers proches afin qu'ils soient considérés avec la crainte et le respect dus après sa mort.
C'est à propos de la fidélité, de l'amour et l'obéissance envers ces personnes-là que les gens seront interrogés le Jour du Jugement, lorsqu'il sera demandé à chacun comment il s'est conduit envers elles, comment il a défendu leur cause et comment il a soutenu leurs intérêts.
Ce sont les personnages déclarés purifiés et exempts de toute impureté. Lorsque le verset coranique: Ô vous, les Gens de la Maison! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement. (Sourate al-Ahzâb, 33: 33) fut révélé au Prophète, il se mit sous un manteau avec 'Alî, Fâtimah, Hassan et Hussayn, et déclara que sa Maison (Famille) consistait en ces personnes seulement. Um Salma, sa femme, dans la maison de laquelle la révélation était descendue, lui demanda d'être incluse dans le groupe sous le manteau, mais elle essuya un refus poli. Depuis ce jour-là ledit groupe reçut le surnom d'Açhab al-Kisaa.
Ce sont ces personnes que le Prophète compara au Bateau de Noé, dans lequel ceux qui avaient embarqué furent sauvés, alors que ceux qui avaient cherché secours ailleurs que dans ce Bateau furent noyés. Ces personnes faisaient partie intégrante de la Lumière Céleste dont fut créé le Prophète.
Ce sont ces personnes pour les actions vertueuses desquelles Mohammad fut félicité par Allah, et en louange desquelles la sourate al-Dahr fut révélée. Rien d'étonnant donc à ce que le Prophète ait mis dans la même balance ces personnalités dépouillées de fautes et de pêchés et le Livre de Dieu - le Coran - et qu'il ait déclaré les deux Poids aussi lourds l'un que l'autre.
'Alî était le seul homme qui pouvait prétendre à une connaissance minutieuse du Coran. Il proclama tout haut qu'il invitait tout un chacun à lui demander quand, où et à quelle occasion chaque verset du Coran avait été révélé au Prophète, et la fameuse déclaration: Je suis la Cité du Savoir, 'Alî en est la Porte ne peut que confirmer cette affirmation de 'Alî. Il en était de même pour al-Hassan, al- Hussayn et Fâtimah. Ce sont ces personnes pieuses qui étaient souvent accompagnées par les anges.
Bien que le Prophète eût informé solennellement les gens que la désignation de 'Alî comme "Le Gardien de tous les croyants", était faite sur Commandement de Dieu, les gens continuèrent à le soupçonner d'avoir attribué à 'Alî cette haute position sans avoir reçu un ordre de Dieu dans ce sens.
Un incident survenu quelque temps après que le Prophète eut fait l'Adjuration mérite d'être mentionné: un homme nommé Hârith B. No'mân Fihrî (ou Nadhr B. Hârith selon un autre hadith) refusa de croire le Prophète et le soupçonna d'avoir fait la proclamation par affection et amour pour 'Alî. Il alla même jusqu'à invoquer sérieusement la descente de la colère du Ciel sur lui-même, si ces soupçons n'étaient pas fondés, prière qui fut rapidement exaucée, lorsqu'une pierre tomba sur sa tête, le tuant sur-le-champ.
Conclusion en Faveur de 'Alî Tirée de la Parole du Prophète
En fait, en plusieurs occasions le Prophète (P) déclara 'Alî son successeur, tout d'abord le jour où il se proclama publiquement Messager de Dieu en disant: «Ô fils de 'Abdul-Muttalib! Dieu n'a jamais envoyé un Messager sans qu'IL ait désigné en même temps son frère, son héritier et son successeur parmi ses proches parents»; et ensuite lorsqu'il déclara que 'Alî «est à lui ce que Harûn fut à Mûsâ».
Ces propos du Prophète n'étaient pas une simple opinion personnelle qu'il exprimait, comme en témoignent ces versets coraniques: Il ne parle pas selon son désir; mais exprime les Commandements qui lui sont révélés. (Sourate al-Najm, 53: 3-4).
Cela signifie que lesdits propos étaient conformes aux Commandements de Dieu. Et cette dernière déclaration faite devant des milliers de gens était conforme aux précédentes déclarations, qui n'avaient jamais été retirées ni abrogées pendant une période d'une vingtaine d'années.
Se fondant sur ce qui précède, une grande partie des Musulmans considéra 'Alî comme étant sans aucun doute le successeur choisi et désigné du Prophète depuis le début de sa mission prophétique. A cette dernière occasion, il eut la distinction d'être pour les Musulmans ce que le Prophète était pour eux: à savoir que 'Alî devait être traité en remplaçant (successeur) du Prophète après sa mort. Chah Hassan Jaisi, un mystique sunnite a bien expliqué la signification du terme "Mawlâ" dans sa stance qui peut se traduire ainsi:
Vous courez ça et là pour chercher le sens de "Mawlâ". Eh bien! 'Alî est "Mawlâ" dans le même sens que le Prophète est "Mawlâ.
Source: Histoire des premiers temps de l’islam, La Cité du Savoir