L'Imam Hussein ibn 'Ali,(as) Le maître des Martyrs
  • Titre: L'Imam Hussein ibn 'Ali,(as) Le maître des Martyrs
  • écrivain: imamalmahdi.com
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  • Date de sortie: 20:45:12 1-9-1403


L'Imam Hussein ibn 'Ali,(as)

Le maître des Martyrs

Le Prophète (saw) : le premier à pleurer le martyr d'al-Hussein.

L'Imam Ali , cité par Ahmad ibn Hanbal a raconté : " Un jour, en entrant chez le Messager de Dieu, j'ai vu que ses yeux débordaient de larmes. Aussi lui demandai-je: - Qu'est-ce qui te fait pleurer Ô Messager de Dieu? -L Ange Gabriel, dit-il, vient de me quitter. I1 m'a informé qu'al-Hussein serait tué près de l'Euphrate. Et me demandant, "veux-tu sentir la terre où il sera tué"?, il tendit sa main, ramassa une poignée de terre et me la donna. Je n'ai pu alors empêcher mes yeux de déborder de larmes". cité par Ibn Kathir

L'Imam Hussein (as) (Sayyidous-Shohadâ <<Le seigneur des martyrs>>) le deuxième fils d'Ali et Fâtima, est né le 3 Cha'bane en l'an 4 de l'Hégire; après le martyre de son frère, l'Imam Hassan al-Modjtabâ, il devint Imam par Ordre divin et selon la volonté de son frère. L'Imam Hussein fut Imam pour une période de dix ans, dont la totalité, excepté les six derniers mois, coïncida avec le califat de Mo'awiyah .

L'Imam Hussein est le fils d'Ali et Fatima-Zahra(as). Le Prophète(saw) fut ravi lors de cette naissance, dés qu'il en eut connaissance, il accourut auprès de sa fille lorsqu'elle eut accouché de ce deuxième enfant.

Comme pour son aîné al Hassan , al Hussein(as) eut comme mentor le Prophète(sas) ainsi que ses parents, le meilleur des entourages possibles pour une parfaite éducation. C'est Mohammed(saw) lui-même qui récita les premières invocations à l'oreille de son petit-fils al Hussein(as) tout comme il l'avait fait auparavant à al Hassan(as). Le septième jour de sa naissance, l'Imam Ali(as) fit le sacrifice du mouton et distribua la viande aux pauvres et aux orphelins.

Al Hussein(as) passa ses 6 premières années avec son grand-Père, malgré son jeune âge, il apprit toute la morale du sceau de la prophétie jusqu'au jour où Allah décida de reprendre son dernier Messager auprès de lui.

Après cela, al Hussein (as) passa 30 ans dans l'ombre de l'Imamat de son père Ali(as) et endurait avec lui et son frère l'injustice des musulmans. Par la suite, il allait participer pleinement au grand sacrifice qui tentera de préserver l'unité de l'Islam.

Son frère aîné al Hassan(as) devint Imam après le décès de son père. Al Hassan(as) fut assassiné sous l'ordre de Mo'awiyah ibn abou Soufiane, qui voulait par ce crime créer le vide spirituel et politique, afin de faciliter l'accession future de son fils Yazid au pouvoir de l'Islam.

Après le martyr de son frère, al Hussein(as) devint Imam pour une période de dix ans. Durant ces 10 ans Mo'awiyah resta Calife excepté les 6 derniers mois, qui coïncideront à l'accession de Yazid l'inique au Califat. A la fin de ces 6 derniers mois, al Hussein (as) allait devenir le maître des martyrs.

L'Imam Hussein (as) vécut dans des conditions de répression et de persécution des plus pénibles. Ceci parce que les lois religieuses avaient perdu beaucoup de leur poids et de leur crédit, alors que les édits du gouvernement omeyyade avaient acquis une puissance et une autorité totale. De plus, Mo'awiyah et ses collaborateurs utilisèrent tous les moyens possibles pour écarter définitivement du pouvoir la famille du Prophète et les chi'ites, et supprimer ainsi le nom d'Ali et celui de sa famille. Par-dessus tout, Mu'awiyah voulait renforcer l'assise du califat de son fils, Yazid, auquel un important groupe de musulmans était défavorable, en raison de son manque de principes et de scrupules. Afin d'écraser toute opposition, Mo'awiyah prit de nouvelles mesures plus sévères. L'Imam Hussein (as) dut endurer toutes sortes d'humiliations de la part de Mo'awiyah et de ses collaborateurs; jusqu'à ce qu'au milieu de l'année 60, Mo'awiyah mourut et que son fils Yazid prit sa place.

Prêter allégeance (bay'ah) était une vieille pratique arabe accomplie dans les occasions importantes, telles que l'intronisation d'un nouveau roi. Ceux qui étaient gouvernés, et surtout les plus connus d'entre eux, donnaient leurs mains en signe d'allégeance, de consentement et d'obéissance à leur prince ou leur roi, leur manifestant ainsi leur approbation. Le désaccord après l'allégeance était considéré comme un déshonneur pour une tribu de même que résilier un contrat après l'avoir signé officiellement était considéré comme un crime. Suivant l'exemple du Prophète, les gens pensaient que l'allégeance, quand elle était prêtée librement et non par force, faisait autorité . Mo'awiyah demanda aux notables de prêter allégeance à Yazid mais n'imposa pas cette requête à l'Imam Hussein(as), Il avait dit à Yazid dans ses dernières volontés, que si Hussein (as) refusait de prêter allégeance il devait faire comme si de rien n'était, car il avait bien compris les conséquences désastreuses du recours à la force.

Mais à cause de son égoïsme et de sa témérité, Yazid négligea le conseil de son père et, immédiatement après la mort de ce dernier, ordonna au gouverneur de Médine d'obtenir de force un serment d'allégeance de l'Imam Hussein (as), ou alors d'envoyer sa tête à Damas.

Après que le gouvernement de Médine eût informé l'Imam Hussein (as) de cette demande, ce dernier demanda un délai de réflexion avant de répondre et partit dans la nuit avec sa famille vers la Mecque. Il chercha refuge dans le sanctuaire de Dieu, lieu officiel de refuge et de sécurité. Cet événement advint vers la fin du mois de Radjab et le début de Sha'bân de l'an 60 de l'Hégire. Pendant près de quatre mois l'Imam Hussein (as) demeura à la Mecque, en réfugié. Cette nouvelle se répandit à travers tout le monde islamique. D'une part, beaucoup de personnes qui étaient lasses des iniquités de Mo'awiyah et encore plus mécontentes lorsque Yazid devint calife, écrivirent à l'Imam Hussein (as) et lui exprimèrent leur sympathie. D'autre part, un torrent de lettres commença à affluer, spécialement de l'Iraq et surtout de la ville de Kufa, invitant l'Imam (as) à aller en Iraq et à accepter de prendre la tête de la population locale dans le but de provoquer un soulèvement et de réprimer l'injustice et l'iniquité. Une telle situation était certainement dangereuse pour Yazid.

Le séjour de l'Imam Hussein (as) à la Mecque se prolongea jusqu'à l'époque du pèlerinage, alors que des musulmans de toutes les régions du monde arrivaient par groupes pour accomplir les rites du Hadjdj . L'Imam découvrit que quelques uns des partisans de Yazid étaient entrés à la Mecque comme pèlerins, avec mission de le tuer pendant les rites du Hajj, à l'aide d'armes cachées sous leurs habits de pèlerins (ihràm).

L'Imam (as) abrégea les rites du pèlerinage et décida de partir. Il se dressa au milieu de la grande foule des pèlerins et, en un bref discours, annonça qu'il s'apprêtait à partir pour l'Iraq. Dans ce discours, il déclara également qu'il tombera en martyr et demanda aux musulmans de l'aider à atteindre le but qu'il s'était fixé et d'offrir leurs vies sur le chemin de Dieu. Le jour suivant, il partit avec sa famille et un groupe de ses compagnons pour l'Iraq.

L'Imam Hussein (as) était déterminé à ne pas prêter serment d'allégeance à Yazid et savait très bien qu'il serai tué. Il était conscient que sa mort était inévitable en face de la puissance militaire effrayante des Omeyyades, favorisée par la corruption dans certains secteurs, le déclin spirituel, le manque de volonté dans le peuple, surtout en Iraq.

Certaines des personnes en vue de la Mecque se tinrent sur le chemin de l'Imam pour le mettre en garde des dangers que comportait son voyage. Il répondit qu'il refusait de prêter allégeance et d'approuver un gouvernement injuste et tyrannique. Il ajouta qu'il savait que, où qu'il aille, il serait assassiné et qu'il quittait la Mecque pour préserver la Maison de Dieu et éviter que son sang y soit versé.

Sur le chemin de Kufa et à quelques jours de marche de la ville, il reçut la nouvelle que l'agent de Yazid à Kufa avait exécuté le représentant de l'Imam dans la cité ainsi que l'un de ses sympathisants bien connu à Kufa. Leurs pieds avaient été attachés et ils furent traînés dans les rues. La ville et les environs avaient été placés sous stricte surveillance et d'innombrables soldats de l'ennemi attendaient Hussein. Il n'y avait pas d'autre choix pour lui que d'avancer vers la mort. Ce fut là que l'Imam exprima sa ferme détermination à aller de l'avant et à mourir en martyr.

A soixante dix kilomètres de Kufa dans un désert nommé Karbala, l'Imam et son entourage furent encerclés par l'armée de Yazid : Pendant huit jours, ils demeurèrent là, alors que l'encerclement se rétrécissait et que le nombre des ennemis augmentait. Finalement l'Imam, avec sa famille et un petit nombre de ses compagnons furent encerclés par une armée de trente mille soldats.

Durant ces jours, l'Imam (as) fortifia sa position et fit une sélection parmi ses compagnons. La nuit, il appela ses compagnons et, en une brève allocution déclara qu'il n'y avait rien à espérer sinon la mort et le martyre; il ajouta que, puisque l'ennemi n'était intéressé qu'à sa propre personne, il les libérait de toute obligation afin que, s'ils désiraient fuir dans l'obscurité de la nuit ils puissent sauver leur vie.

Ensuite, il ordonna d'éteindre les lumières et la plupart de ses compagnons, qui l'avaient rejoint par intérêt personnel, se dispersèrent. Seuls restèrent une poignée de ceux qui aimaient la vérité - environ quarante parmi ses proches collaborateurs - et quelques uns des Banou Hâchim. De nouveau, l'Imam (as) rassembla ceux qui restèrent et les soumit à une épreuve. Il s'adressa à eux, compagnons et proches hâchimites, leur répétant que l'ennemi ne s'intéressait qu'à sa personne . Chacun pouvait tirer avantage de l'obscurité de la nuit et échapper au danger. Mais cette fois, les fidèles compagnons de l'Imam répondirent, chacun à sa manière, qu'ils ne dévieraient pas un seul instant du chemin de la vérité dont l'Imam était le guide et qu'ils ne l'abandonneraient jamais. Ils dirent qu'ils défendraient sa famille jusqu'à leur dernière goutte de sang et aussi longtemps qu'ils pourraient tenir un sabre à la main.

Au neuvième jour du mois, un dernier ultimatum l'invitant à choisir entre " prêter serment d'allégeance ou la guerre " fut adressé à l'Imam par l'ennemi. L'Imam (as) demanda un délai pour prier toute la nuit et se détermina à entrer dans la bataille le jour suivant. Au dixième jour de Moharram de l'an 61 (680), l'Imam s'aligna en face de l'ennemi avec son petit groupe de fidèles, de moins de quatre vingt dix personnes se composant de quarante de ses compagnons, et de trente membres de l'armée ennemie qui l'avaient rejoint pendant la nuit et le jour de la bataille ainsi que de sa famille hâchimite: enfants, frères, neveux, nièces et cousins.

Ce jour là, ils se battirent jusqu'à leur dernier souffle, et l'Imam, les jeunes hâchimites et ses compagnons tombèrent tous en martyrs. Parmi ceux qui furent tués figuraient deux enfants de l'Imam Hassan, qui n'étaient âgée que de treize et onze ans, ainsi qu'un enfant de cinq ans et un nourrisson, tous deux fils de l'Imam Hussein.

L'armée de l'ennemi, après la fin de la bataille, pilla le harem de l'Imam et brûla ses tentes. Elle décapita les corps des martyrs, les dévêtit et les jeta sur le sol sans les enterrer. Ensuite, elle emmena les membres du harem - des femmes et des filles sans défense - ainsi que les têtes des martyrs, à Kufa Parmi les prisonniers, il y avait trois hommes de la famille de l'Imam : un de ses fils, âgé de vingt deux ans, qui était très malade et incapable de bouger, Ali Ibn Hussein, le futur quatrième Imam, le fils de ce dernier, alors âgé de quatre ans, Mohammad Ben Ali, qui devait devenir le cinquième Imam et enfin Hassan Moçannâ, le fils du deuxième Imam qui était également le beau-fils de l'Imam Hussein et gisait blessé pendant la bataille, parmi les morts. Il fut trouvé presque mourant et grâce à l'intervention d'un général ne fut pas décapité. On l'emmena plutôt avec les prisonniers à Kufa et de là à Damas pour paraître devant Yazid.

L'événement de Karbala, la capture des femmes et des enfants de la Maison du Prophète, leur déplacement de ville en ville comme prisonniers et prisonnières et les discours prononcés par Zaynab, la fille d'Ali, ainsi que par le quatrième Imam, tous deux au nombre des prisonniers, provoquèrent la disgrâce des Omeyyades. De tels abus envers la famille du Prophète neutralisèrent la propagande soutenue par Mo'awiyah depuis des années. L'affaire prit de telles proportions que Yazid désavoua et condamna publiquement les actions de ses agents.

L'événement de Karbala joua un rôle majeur dans le renversement du gouvernement omeyyade, bien que son effet fut retardé. Il renforça également les racines du chi'isme. Comme conséquence immédiate, il y eut les révoltes et les guerres sanglantes qui se poursuivirent pendant douze années. Parmi ceux qui causèrent la mort de l'Imam, aucun ne put échapper à la vengeance punitive.

Quiconque étudie attentivement la vie de l'Imam Hussein et de Yazid et les conditions régnant à l'époque, se convaincra que l'Imam Hussein n'avait d'autre choix que de se faire martyriser. Jurer serment d'allégeance à Yazid aurait signifié une démonstration publique de mépris envers l'Islam, chose impossible pour l'Imam. Car Yazid, non seulement ne manifestait aucun respect pour l'Islam et ses commandements mais encore, foulait publiquement aux pieds, sans la moindre pudeur, ses fondements et ses lois. Les prédécesseurs, même s'ils s'opposaient aux règles religieuses, le faisaient toujours en conservant les apparences de la religion: ils respectaient la religion au moins dans ses formes extérieures. Ils s'enorgueillissaient d'être des Compagnons du Prophète et des autres saints personnages en lesquels le peuple avait confiance. De ceci, on peut conclure du caractère erroné de l'opinion de certains interprètes de ces événements selon qui les deux frères Hassan et Hussein, avaient des goûts différents, l'un choisissant la voie de la paix et l'autre la voie de la guerre, de sorte que l'un des frères fit la paix avec Mou'awiyah tout en étant fort d'une armée de quarante mille hommes, alors que l'autre partit en guerre contre Yazid avec une armée de quarante hommes. Nous voyons que le même Imam Hussein qui refusa de prêter serment à Yazid pour un jour, vécut pendant dix ans sous le gouvernement de Mou'awiyah de la même manière que son frère qui endura aussi pendant dix ans le règne de Mo'awiyah, sans s'opposer à lui.

Ses qualités sont innombrables. Il est «la fleur du Prophète» comme l'a dit le prophète lui-même de lui et de son frère Hassan (P) : «Ils sont mes fleurs dans le monde». En outre, le Prophète déclara : «Hussein est de moi et je suis de Hussein», en ajoutant : «Hassan et Hussein sont des Imams, qu'ils soient debout ou assis».

Il fut un grand érudit et un vrai adorateur d'Allah. Il avait l'habitude d'accomplir des dizaines et des dizaines de rak'ah par jour, comme son père Amir al-Mouminîn, l'Imam Ali (P).

Un exemple de sa générosité est sa façon de se conduire envers un Arabe qui, voulant obtenir la satisfaction de ses besoins, vint auprès de lui (de l'Imam) et composa ce poème à sa louange: «Personne n'est jamais revenu bredouille, après avoir frappé à ta porte, en espérant et souhaitant obtenir quelque chose de toi ; tu es généreux et quelqu'un sur qui on peut compter ; ton père fut le Traqueur des méchants (les ennemis d'Allah). Si nous n'avions pas eu tout ce que nous avons reçu de vos ancêtres, nous aurions été écrasés par le feu de l' Enfer".Lorsqu'il entendit ces mots, l'Imam Hussein (P) lui donna quatre mille dinars, en s'excusant dans ces termes versifiés : «Prends cela, je te demande pardon. Sois assuré que je sympathise avec toi. Si- nous possédions le bâton (du pouvoir), nos pluies seraient tombées à verse sur vous (si l'État islamique avait été entre nos mains, nous vous aurions donné encore davantage), mais les temps nous ont trahi et ma main ne tient que peu ».

Les credo islamiques et la religion de son grand-père ont survécu grâce à sa position courageuse et incomparable. En réalité, il a permis, par cette position, au monde entier de survivre jusqu'à la Fin. Il est le Maître des martyrs et le meilleur de tous après son frère.

L’Imam al-Hossein (P) a dit : " Je me suis soulevé pour réaliser Al-Amr bil mâ-ruf (ordonner le bien), pour revivifier la foi et pour lutter contre la corruption. Mon mouvement est islamique et vise la réforme. "

Le père de Ach’ath Ibn Samih a dit : " J’ai entendu le Messager de Dieu dire : " Mon fils (c’est à dire Al-Hossein (P) ) sera assassiné sur une terre nommé Karbala : Quiconque l’y verra, qu’il le soutienne "

On dit aussi : " Il n’y a pas dans le genre humain un seul exemple de courage qui puisse équivaloir au courage de cœur dont a fait preuve l’Imam Al-Hossein (P) à Karbala. "

 

QUELQUES PAROLES DE L'Imam AL HUSSEIN(as)

-Je ne vois en la mort qu'un bonheur et en la vie parmi les injustes qu'une angoisse.

-Les gens sont les esclaves de cette vie alors qu'ils tâtent à peine la religion. Ils continuent à garder cette dernière tant qu'elle leur rapporte du bien, mais dés qu'ils sont touchés par l'épreuve, les religieux deviennent rares.

-Si vous n'arrivez pas à être de bons croyants alors au moins soyez des hommes libres.

-«Nous sommes le Parti de Dieu, lequel sera vainqueur, et nous sommes les plus proches parents du Messager de Dieu et les membres pieux de sa famille. Nous formons l'un des Deux Poids, ceux-là mêmes que le Prophète a placés après le Livre de Dieu...».

 

-«Dieu est content de celui dont nous sommes contents, nous les Ahl al-Bayt (la famille du Prophète)... Car nous savons patienter devant l'épreuve à laquelle IL nous soumet..., et IL nous en récompense de la récompense que méritent ceux qui savent patienter».

 

-Se rendant au tombeau du Prophète avant de quitter Médine par refus de prêter serment d'allégeance au Califat illégal de Yazid, l'Imam al-Hussein dit : «Ô mon Dieu! ici se trouve le tombeau de Ton Prophète, et je suis le fils de la fille de Ton Prophète. Tu sais ce qu'il m' arrive. Ô mon Dieu! J'aime le bien et je renie le mal. Je Te demande, Ô Toi qui es plein de majesté et de munificence, par ce tombeau et celui qui y gît, de ne me faire faire que ce qui Te satisfait et satisfait Ton Prophète».

-«Nous sommes la famille du Prophète, le métal du Message et le lieu de fréquentation des Anges. C'est par nous que Dieu a débuté (le Message) et c'est par nous qu'IL (l') a parachevé. Par contre, Yazid est un libertin qui ne cache pas son libertinage, un alcoolique et un assassin de l'âme innocente que Dieu a interdit de tuer. Quelqu'un comme moi ne saurait donc prêter serment d'allégeance à quelqu'un comme lui».

-Rappelant aux Musulmans leur devoir de s'opposer à Yazid, l'Imam al-Hussein dit : «Ô gens! Le Messager de Dieu a dit: Celui qui voit un Sultan injuste qui rend légal ce que Dieu a interdit, qui transgresse le pacte qu'il a conclu devant Dieu, qui dévie la Sunna du Messager de Dieu, qui agresse les Musulmans et commet des péchés contre eux, sans qu'il s'oppose à lui (à ce sultan) ni par une parole ni par une action, Dieu lui réservera obligatoirement le même traitement qu'IL réserve à ce sultan».

- L'Imam al-Hussein rappelant les qualités requises pour le dirigeant Musulman : «J'en jure par ma religion : L'Imam ne peut être que celui qui gouverne selon le Livre, qui établit, l'équité qui a pour religion la Religion Vraie, qui s'en tient scrupuleusement aux prescriptions de Dieu...»

- Consterné par l'attitude passive des Musulmans face à la situation corrompue sous le califat de Yazid, I'Imam al-Hussayn affirma à ses compagnons sa détermination de poursuivre jusqu'au bout sa Révolution : «Il nous est arrivé ce que vous pouvez vous-mêmes constater. Le monde a changé, s'est renié, et le bien s'est éclipsé... Il n'en reste que quelques égouttures pareilles aux égouttures d'un verre d'eau vidé, et la vilenie, comme dans un pâturage insalubre. Ne voyez-vous donc pas qu'on néglige le vrai et qu'on ne s'interdit plus réciproquement le faux? Que le fidèle pieux s'attache à rencontrer son Seigneur en étant sur le bon chemin. Car je ne vois la mort que comme un bonheur, et la vie avec les injustes que comme une source d'ennui et de lassitude».

- Al-Hussein, arrivé sur le lieu prédit de son martyre, dit à ses compagnons : «Ô mon Dieu! je me protège auprès de Toi du KARB (affliction) et du BALÂ' (malheur).

Et d'ajouter : «C'est un lieu d'affliction et de malheur. Descendez de vos montures. C'est ici le terme de notre voyage, le lieu de l'effusion de notre sang et la place de nos tombeaux. C'est ce que m'a dit mon grand-père, le Messager de Dieu».

- L'Imam al-Hussein, abandonné par les Kûfites et encerclé par l'armée omayyade : «Ô mon Dieu! Toi à qui je me confie chaque fois que je subis une affliction, et en qui je mets mon espoir chaque fois que je suis dans l'adversité. Je me suis confié à Toi pour toutes les épreuves que j 'ai subies. Combien de soucis - devant lesquels le coeur s'affaissait, les solutions manquaient, l'ami s'éclipsait et l'ennemi se réjouissait - que je t'avais confiés (parce que mon amour est dirigé vers Toi exclusivement) n'as-Tu pas dissipés? Tu es donc pour moi, le Maître de tout bienfait, l'auteur de toute bienfaisance et l'objet de tout désir».

-Préférant la mort à la soumission au pouvoir déviationniste de Yazid, l'Imam al-Hussein s'écria au visage de ses bourreaux : «Par Dieu je ne me rends pas à vous comme un humilié, ni ne me soumets comme un esclave».

- «Les gens sont les esclaves de ce bas-monde. La religion n'est qu'un objet de flatterie sur leur langue. Ils la couvent tant que leurs moyens de subsistance sont assurés aisément. Mais, dès qu'ils sont soumis à l'épreuve, les vrais pratiquants se font rares».

 

- «La véracité est puissance, le mensonge est impuissance, la confidence est Dépôt, le voisinage est parenté, le secours est aumône, le travail est expérience, le bon caractère est culte, le silence est ornement, l'avarice est pauvreté, la générosité est richesse, la compassion est quintessence».

- «La raison ne se perfectionne qu'en suivant le vrai».

                 Tombeau de l'Imam Hussein.(as)

 

Histoire de Kerbala en récit

 
– 1 –


Le récit commence en Iraq, dans la ville de Koufa, qui est alors une des deux métropoles du pays. Nous sommes dans les derniers jours de l’an 60 de l’Hégire, 682 de l’ère chrétienne, moins de cinquante ans après la douloureuse disparition du Prophète Mohammad, Dieu le bénisse lui et les siens et leur donne la Paix.

« Habitants de Koufa ! Ayez pitié de vous-mêmes ! Dispersez-vous ! Voilà les troupes de Syrie envoyées en renfort ! Dispersez-vous avant qu’elles n’entrent dans la ville ! Abandonnez cette rébellion insensée ! Abandonnez Moslim fils de ‘Aqîl et rejoignez nos rangs, ‘Obaydollâh fils de Ziyâd saura vous en récompenser ! Moslim est un homme mort et quiconque le soutiendra d’une façon ou d’une autre sera exécuté et ses biens confisqués ! Habitants de Koufa, n’attirez pas le malheur sur vos têtes ! »

Le héraut qui, du toit de la citadelle, avait crié ces mots se tut. Toute la journée, déjà, les agents du gouverneur s’étaient succédés auprès des diverses tribus pour les décourager et les amener à changer de camp. Moslim vit peu à peu les rangs se dégarnir autour de lui. De tous côtés, les femmes elles-mêmes venaient chercher leurs hommes : c’était à qui ramènerait un fils, un frère ou un mari.

Quand l’appel à la Prière du soir s’éleva des minarets, Moslim entra dans la mosquée avec la trentaine d’hommes qui lui restaient. Il leva les mains pour le Takbir d’entrée dans la Prière : Allâhu akbar…

Après avoir fini sa Prière et les invocations qui y font suite, il se retourna et vit la mosquée vide : les derniers fidèles s’éclipsaient l’un après l’autre…

Lâ hawla wa lâ qouw-wata il-la bi-Llâhi l-‘aliy-yi l-‘azîm ! Point de force ni de puissance hormis par Dieu le Très-Haut et l’Immense !

Moslim sortit, seul, dans les rues de Koufa, errant sans savoir où aller dans cette ville où il n’était plus qu’un étranger indésirable, un rebelle recherché par les hommes de main du gouverneur ‘Obaydollâh fils de Ziyâd. Où trouver seulement un abri pour y passer la nuit ?

Au détour d’une ruelle, il vit une femme debout devant sa porte.
« O servante de Dieu, j’ai soif ! Peux-tu m’offrir de l’eau ? »

La femme rentra dans la maison, puis ressortit avec un bol plein d’eau qu’elle tendit à Moslim. Celui-ci remercia et but. La femme rapporta le bol à l’intérieur et, revenant sur le pas de la porte, trouva Moslim assis sur le seuil, immobile.

« O serviteur de Dieu, n’as-tu pas bu à ta soif ?  

— Si, mère.

— Alors, rentre chez toi ! »

L’homme ne répondit pas. Elle répéta ses paroles, mais l’homme restait silencieux. Une troisième fois, elle insista, mais l’homme, toujours, ne disait rien.

« Pureté à Dieu ! O serviteur de Dieu, rentre donc chez les tiens, car il n’est pas convenable que tu sois à ma porte à cette heure de la nuit ! Je ne le permettrai pas. »

L’homme se leva et dit : « O servante de Dieu, je n’ai pas de foyer dans cette ville, ni de proche, pas même des amis… Etranger, je ne sais où aller… Ferais-tu œuvre de bien en m’hébergeant cette nuit, je pourrais t’en être reconnaissant au jour de la Résurrection.

— Qui es-tu ? Que fais-tu ici ?

— Je suis Moslim fils de ‘Aqîl, je viens de la ville du Messager de Dieu. Les habitants de Koufa n’ont cessé d’envoyer des lettres à mon seigneur et maître, Hossayn fils de ‘Ali, pour l’inviter à prendre la tête du soulèvement contre le calife Yazîd fils de Mo‘âwiya, jusqu’à ce qu’il m’envoie comme émissaire. Ils étaient des milliers à m’acclamer quand je suis arrivé. Aujourd’hui, pas un seul n’accepterait de me donner abri...

— Tu es Moslim, le cousin et l’émissaire du petit-fils de l’Envoyé de Dieu ! Entre vite dans ma maison ! Entre, te dis-je ! Comment pourrais-je affronter Fatima la Resplendissante, au jour du Jugement, quand elle me dira : “Taw‘a, l’envoyé de mon Hossayn est venu vers toi, pourchassé par les hommes de Yazîd, sans ami, sans défenseur, et tu l’as repoussé...”
Entre te cacher chez moi, mon fils ! »  

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Moslim entra et s’installa dans la pièce que Taw‘a venait de préparer pour lui. Il repassait dans sa mémoire les événements des derniers mois.

La mort du calife usurpateur Mo‘âwiya qui, au lieu de remettre le califat à l’Imam Hossayn, comme il s’était engagé à le faire lors du traité qu’il avait signé avec l’Imam Hassan, avait fait reconnaître son fils Yazîd, cet ivrogne invétéré et dépravé notoire, comme calife de l’islam, comme « successeur du Messager de Dieu ».

Le refus de l’Imam Hossayn de prêter allégeance devant les représentants de Yazîd et son départ pour La Mecque, accompagné de toute sa famille, afin d’y trouver refuge à l’ombre de la Sainte Kaaba, en ce lieu saint où il est interdit de faire couler le sang.

Les lettres des habitants de Koufa assurant l’Imam de leur dévouement et de leur fidélité. La méfiance de l’Imam devant ces appels, venant d’une ville qui avait déjà trahi son père, l’Imam ‘Alî, et son frère, l’Imam Hassan. L’insistance des missives se succédant les unes après les autres, portant les signatures de toutes les personnalités de la ville et de toutes les tribus.

Que dire devant les hommes ? Que répondre au jour du Jugement ? Les fidèles semblaient prêts, la victoire à portée de main, pourquoi alors n’avoir pas répondu à l’appel ? Bien que sachant fort bien à quoi s’en tenir, l’Imam ne pouvait plus refuser.

Et voilà que Koufa trahissait à nouveau.

Comme s’il pressentait que cette nuit serait pour lui la dernière, Moslim décida de la veiller en prière…
  – 2 –


Quand le fils de Taw‘a rentra à la maison, il remarqua les va-et-vient inhabituels de sa mère vers la pièce où elle avait caché Moslim. Il chercha à savoir de quoi il retournait et, finalement, après qu’il ait juré de ne rien dire, sa mère lui révéla qu’elle avait offert asile à celui que tous les hommes du gouverneur recherchaient. Puis ils allèrent dormir, tandis que Moslim, seul avec Dieu, passait la nuit en prière.

A l’aube, ‘Obaydollâh fils de Ziyâd fit proclamer dans toute la ville l’ordre de venir assister en sa présence à la Prière de l’aube. Quiconque, parmi les chefs de tribus et notables de la ville, ne se rendrait pas à la mosquée sera exécuté et ses biens confisqués.

Après la Prière, le gouverneur monta en chaire et annonça que celui qui donnait abri à Moslim fils de ‘Aqîl le payerait de sa vie et de ses biens, tandis que toute personne qui aiderait à sa capture se verrait largement récompensé.

Le fils de Taw‘a se leva alors pour livrer Moslim, et une troupe de soixante-dix hommes fut envoyée pour l’arrêter.

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Lorsqu’il entendit le bruit de chevaux qui s’approchaient, Moslim comprit ce qui se passait.

Innâ li-Llâh wa innâ ilayhi râdji‘ûn ! En vérité nous sommes à Dieu et en vérité c’est vers Lui que nous retournons !

Il se leva d’un bond, l’épée à la main, et se précipita vers la porte. Taw‘ah aussi avait entendu, et elle avait compris que son fils les avait trahis. Elle supplia Moslim de ne pas douter d’elle, et il la rassura :

« Tu as fait tout ce que tu pouvais faire, Taw‘a, et tu bénéficieras de l’intercession du Messager de Dieu. Cette nuit, ajouta-t-il, à un moment où je m’étais assoupi, j’ai vu mon oncle, le Commandeur des fidèles, l’Imam ‘Alî fils d’Abou Tâlib, que la Paix soit avec lui. Il m’a promis : “Demain, tu seras auprès de moi !” »

Moslim bondit dans la ruelle et se retrouva face aux hommes de main de ‘Obaydollah. Il se battit comme un lion, en tuant et blessant beaucoup. Malgré leur nombre, ils ne parvenaient pas à prendre le dessus. Ils eurent beau promettre à Moslim la vie sauve : que pouvait bien valoir la parole d’un homme de Koufa ?

Ils en vinrent à le lapider du haut des toits et à le bombarder d’objets enflammés, jusqu’à ce que, épuisé, couvert de blessures, Moslim s’écroule, frappé d’un coup de lance dans le dos.

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Les soudards s’emparèrent de lui, le chargèrent sur une mule et l’emmenèrent vers la citadelle.

Moslim ne pouvait retenir ses larmes, et ces hommes qui venaient d’être témoins de son courage s’en étonnaient :

« Pourquoi pleurer ainsi ? Redouterais-tu la mort ?

— Ce n’est pas pour moi que je pleure, mais pour mon seigneur et maître, l’Imam Hossayn fils de ‘Alî, ainsi que sa famille, traîtreusement appelés par tous ces hypocrites. Le voilà qui a quitté les lieux saints et se dirige vers nous, et ces pleutres, maintenant, l’abandonnent lâchement. Innâ li-Llâh wa innâ ilayhi râdji‘ûn ! En vérité nous sommes à Dieu et en vérité c’est vers Lui que nous retournons… »

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Moslim fût conduit à la citadelle. ‘Obaydollah ordonna qu’on le mène sur le toit et que là, devant la foule rassemblée, on lui tranche la tête.

C’était le 9e jour du mois de Dhu l-Hidjdja, le mois du Pèlerinage à La Mecque, ce jour où tous les pèlerins venus des contrées les plus lointaines sont rassemblés dans la plaine de ‘Arafât et réunis autour du Mont de Miséricorde.

La tête du premier martyr du soulèvement de l’Imam Hossayn tomba et roula aux pieds de la foule atterrée, puis son corps fut jeté du haut de la citadelle.

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Hânî, l’un de ceux qui avait hébergé Moslim avant d’être dénoncé et arrêté par les hommes du gouverneur, fut conduit au marché aux moutons pour y être lui aussi décapité. Hânî était l’un des chefs de la tribu de Madh-hadj et il pouvait se vanter de pouvoir lever quatre milles cavaliers en armes parmi les siens et trente milles autres parmi les tribus alliées. Il appela donc les membres de sa tribu :

« A moi les Madh-hadj ! Je suis Hânî fils de ‘Orwah, votre chef ! N’y a-t-il donc plus de Madhhadj aujourd’hui pour venir me défendre ? »

Mais le climat de terreur que ‘Obaydollah avait réussi à répandre dans la ville était tel que pas un seul Madh-hadj ne vint au secours de Hânî.

Et la tête de Hânî fut tranchée.

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D’autres personnalités connues pour avoir soutenu Moslim furent encore arrêtées et exécutées.

Les corps de Moslim et de Hânî furent attelés à des chevaux et traînés à travers les rues de Koufa, pour terroriser encore davantage la population, puis il furent pendus à une potence sur le marché au moutons. Quand à leurs têtes, elles furent le premier cadeau que ‘Obaydollâh fils de Ziyâd envoya à Damas pour réjouir Yazîd fils de Mo‘âwiya, le Calife omeyyade.

Ce dernier fut fort satisfait de l’œuvre de son gouverneur. Il ordonna de suspendre les têtes aux portes de Damas et envoya une lettre pleine d’éloges, de remerciements… et de conseils :

« J’ai ouï dire que Hossayn fils de ‘Alî se dirige vers l’Iraq : surveille donc toutes les routes, emploie tous les moyens possibles pour t’emparer de lui et surtout tue-le. Et informe-moi chaque jour de tout ce que tu fais. »

 
– 3 –


La veille de ce jour, à La Mecque, l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, se mettait en route pour l’Iraq. Avant d’être trahi, Moslim avait envoyé des lettres encourageantes à son cousin à propos de la situation à Koufa. Des milliers de personnes, dont les principaux notables et chefs de tribus, ne lui avaient-ils pas fait allégeance en tant que représentant et homme de confiance de l’Imam ?

Cela faisait maintenant quatre mois que Hossayn fils de ‘Alî, que la Paix soit avec eux, vivait à l’ombre de la Sainte Kaaba, se consacrant à l’adoration de Dieu et aux pratiques spirituelles. Des fidèles, venus du Hidjâz et de Basra avaient commencé à se rassembler autour de ce seigneur. Au début du mois du Pèlerinage, l’Imam prit l’intention de faire le Hadj, le grand Pèlerinage, et prononça les formules de consécration :

Labbayka Llâhumma labbayk ! Labbayka Llâhumma labbayk ! Inna l-hamda wa n-ni‘mata laka wa l-mulk, lâ sharîka laka, labbayk !

Me voici tout à Toi, ô mon Dieu, me voici tout à Toi ! La louange et la grâce en vérité sont Tiennes ainsi que le royaume, sans le moindre associé, me voici tout à Toi !

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A la veille du grand rassemblement de ‘Arafât, autour du Mont de Miséricorde, un hôte imprévu fit son apparition : ‘Amr fils de Sa‘îd fils de ‘As, ce rejeton d’une famille dont l’hypocrisie ne parvenait pas à dissimuler la haine pour la religion de Dieu et qui s’était bien mal illustrée dans les précédents affrontements entre les omeyyades et la Sainte Famille du Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens ; ‘Amr fils de Sa‘îd fils de ‘As arriva à La Mecque avec une forte escorte, manifestant l’intention de faire le Pèlerinage.

L’Imam n’était pas dupe. Il savait bien qu’il était lui-même l’agneau que ces hommes rêvaient d’offrir en sacrifice, non pas à Dieu, mais au pouvoir omeyyade, leur nouvelle idole. Mais il savait aussi, lui, que le lieu où il devait être sacrifié n’était pas le sanctuaire de La Mecque ni son Territoire Sacré… Il savait, lui, que l’heure de son immolation n’était pas le dixième jour du mois sacré du Pèlerinage, mais un autre dixième jour d’un autre mois sacré… Il savait ce qu’il devait faire maintenant pour aller vers l’autel de son sacrifice, un autel qui avait pour nom Affliction (karb) et Epreuve (balâ’)…

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Ainsi, à la veille de ce grand jour du Pèlerinage, l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, accomplit, à la surprise de tous, les rites de désacralisation : il tourna sept fois autour de la Kaaba, axe spirituel du monde, tandis que son cœur tournait autour du Trône divin, et il parcourut sept fois l’esplanade entre les collines de Safâ et Marwa, entre le mont de la crainte et celui de l’espérance, ces deux ailes de la foi…

Il pouvait maintenant quitter le Territoire Sacré. Il se leva et, après avoir loué Dieu et prié pour son Messager, que les Bénédictions et la Paix divines soient sur lui et les siens, il harangua la foule :

« O gens, la mort est suspendue au cou des fils d’Adam comme un collier au cou des jeunes femmes. Je suis épris de revoir tous mes chers disparus tout comme l’était Jacob de revoir son Joseph.

Il faut m’acheminer à la rencontre de la mort et du trépas qui furent choisis pour moi. Je vois déjà les jointures de mes os déchiquetées par les loups du désert dans une terre du nom de Karbalâ, terre d’Epreuve et d’Affliction, pour repaître le ventre vide de leurs vains espoirs.

On n’élude ni ne fuit ce que la plume du destin a tracé pour chacun, et nous, Gens de la Demeure prophétique, nous avons acquiescé, pleinement satisfait, à tout décret de Dieu et affrontons avec belle patience chacune de Ses épreuves. […]

Maintenant, ceux qui ne se font pas souci d’offrir leur vie dans notre voie et ne rechignent pas au sacrifice de soi en vue de rencontrer la Vérité suprême, qu’ils plient armes et bagages et se joignent à moi, car demain la caravane se mettra en route ! »

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L’Imam ayant ainsi annoncé son départ imminent, son demi-frère, Mohammad Ibn al-Hanafiyya vint le trouver pour l’en dissuader :

« Frère, tu n’ignores pas ce qu’on fait les gens de Koufa avec ton père et ton frère et comment ils les ont trompés et trahis. Je crains qu’il ne fassent de même avec toi. Si, donc, tu décidais de rester à La Mecque, qui est le Sanctuaire de Dieu, tu serais respecté et honoré et personne n’osera porter la main sur toi.

— Frère, répondit l’Imam, je crains fort que Yazîd ne me fasse périr à La Mecque et que cette vénérable Demeure soit ainsi profanée.

— En ce cas, rends-toi donc au Yémen ou bien dirige tes pas vers le désert, afin que nul ne puisse mettre la main sur toi.

— C’est une proposition qui mérite réflexion. »

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A l’aube, cependant, la caravane de l’Imam Hossayn se mit en route en direction de l’Iraq. Dès que Mohammad Ibn al-Hanafiyya eut vent de ce départ, il rejoignit en hâte la caravane et saisit les rênes de la chamelle de l’Imam :

« Frère, ne m’avais-tu pas promis de réfléchir à ma proposition d’hier ?

— Si, je te l’ai promis.

— Alors, pourquoi quitter La Mecque avec autant de précipitation ?

— C’est que, juste après ton départ, le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, est venu me trouver et m’a dit : “Hossayn, va, mets toi en route ! En vérité, Dieu veut te voir tomber dans Sa voie !”

— Innâ li-Llâh wa innâ ilayhi râdji‘ûn ! En vérité nous sommes à Dieu et en vérité c’est vers Lui que nous retournons ! Mais, si ta destination est ainsi le martyre, pourquoi donc emmènes-tu ces femmes avec toi ?

— C’est que Dieu veut les voir captives… »

Le cœur serré d’une détresse immense et les yeux pleins de larmes, Mohammad Ibn al-Hanafiyya fit ses derniers adieux à son frère et Imam, puis rebroussa chemin… La caravane de fidèles et de proches reprit paisiblement sa marche vers son destin grandiose…

 
– 4 –


Plusieurs proches de l’Imam tentèrent de le dissuader de se rendre en Iraq, mais en vain. Son cousin ‘Abd Allâh fils de Dja‘far rejoignit ainsi la caravane, porteur d’un sauf-conduit garantissant la vie sauve et le meilleur traitement à l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, pourvu qu’il renonçât à son entreprise. L’Imam lui répondit :

« J’ai vu le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, dans un songe, et c’est pour me conformer à l’ordre qu’il me donna que je me suis mis en route.

— Raconte-moi ce songe, demanda alors ‘Abd Allâh fils de Dja‘far.

— A ce jour, je ne l’ai raconté à personne et je ne le raconterai pas non plus jusqu’à ce que je m’en aille à la rencontre de mon Seigneur. »

Et l’Imam reprit sa route.

Arrivé à un lieu dit « Dhât al-‘irq », la caravane en croisa une autre, qui venait de l’Iraq. Certains voyageurs s’empressèrent de mettre l’Imam en garde :

« En Iraq, dirent-ils, les cœurs des gens sont avec toi, mais leurs sabres sont du côté des Omeyyades.

— C’est bien vrai, répondit l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui. En vérité, Dieu fait advenir ce qu’Il veut et décide comme Il veut. »

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Lorsqu’ils approchèrent de l’Iraq, l’Imam, que la Paix soit avec lui, envoya son frère de lait comme messager pour annoncer aux gens de Koufa son arrivée prochaine. Mais le messager fut capturé et il lui fut donné à choisir entre mourir de male mort, livrer les noms de tous les rebelles à qui il apportait son message ou bien monter en chaire pour bafouer et outrager publiquement l’Imam Hossayn, son frère l’Imam Hassan et leur père, l’Imam ‘Alî, que la Paix divine soit avec eux.

Le messager refusa de livrer les noms, mais accepta de s’adresser à la population rassemblée dans la grande mosquée. Il monta donc en chaire et là, après avoir loué Dieu et prié pour Son Messager, il redoubla d’éloges et de bénédictions sur tous les membres de la Sainte Famille du Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, maudit les tyrans omeyyades et leurs partisans, puis lança un dernier appel :

« Gens de Koufa, je suis le messager de l’Imam Hossayn que j’ai laissé à tel endroit : que ceux qui veulent lui prêter main forte se hâtent de le rejoindre… »

Le courageux messager ne put aller plus loin. Il fut brutalement ramené à la citadelle pour être précipité vivant du haut de ses remparts.

 

Le courageux messager ne put aller plus loin. Il fut brutalement ramené à la citadelle pour être précipité vivant du haut de ses remparts.

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Des nouvelles sur la réalité de la situation à Koufa commencèrent à parvenir à l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui. Deux hommes de la tribu des Banû Asad, qui avaient accompli le Pèlerinage, avaient ensuite forcé leur marche pour rattraper la caravane de l’Imam. En chemin, ils avaient rencontré un homme de leur tribu qui leur avait raconté la fin tragique de Moslim et de Hâni ainsi que la trahison des gens de Koufa. Ils s’empressèrent alors de rejoindre la caravane, vinrent trouver l’Imam et lui dirent :

« Nous avons une nouvelle à t’annoncer. Si tu le veux, nous la dirons devant tout le monde, et si tu le désires, nous t’en informerons en privé. »

L’Imam porta son regard sur eux, puis sur ses compagnons, et dit :

« Je n’ai rien à cacher à mes compagnons que voici. Dites ce que vous avez à dire. »

Et ils lui annoncèrent donc ce qui était arrivé à Moslim et à Hânî et le prièrent de rebrousser chemin. L’Imam fut profondément touché par cette nouvelle et repéta à plusieurs reprises :

« Innâ li-Llâh wa innâ ilayhi râdji‘ûn ! En vérité nous sommes à Dieu et en vérité c’est vers Lui que nous retournons ! Que Dieu leur fasse miséricorde ! »

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Peu de temps après, d’autres voyageurs apportèrent aussi la nouvelle du martyre du dernier messager de l’Imam Hossayn. Ce dernier s’adressa alors à tous ceux qui l’accompagnaient :

« Grâce au Nom de Dieu le Tout-Miséricordieux et Très-Miséricordieux, certains d’entre eux ont [déjà] trépassé, d’autres attendent [leur tour]… Les nouvelles du martyre de nos compagnons vous sont parvenues. La vérité est que nos partisans nous ont abandonnés. Sachez alors qu’il ne sera pas fait le moindre grief à qui voudrait nous quitter. »

Jamais on entendit le chef d’une armée sur le point de rencontrer l’ennemi faire une telle proposition. On en vit au contraire beaucoup qui coupaient toute voie de retraite à leurs hommes afin de les contraindre au combat. C’est que dans ce soulèvement de l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, il ne s’agissait pas de guerroyer pour un quelconque bénéfice, pour obtenir quelque pouvoir ou ramasser quelque butin. Ce dont il était question, c’est du combat de la vérité et de la justice contre le mensonge et l’iniquité.

Dans ce combat, il ne s’agit pas d’avoir des hommes en quantité afin de gagner par le poids du nombre. La clé de tout, ici, est la conscience de l’homme : c’est à chacun qu’il incombe d’avoir pleinement conscience de la bonne et juste cause, de l’épouser en son âme et conscience et de choisir son camp en toute conscience et en toute liberté. Si quelqu’un n’est pas conscient des raisons de son engagement, mieux vaut qu’il se retire. Et le martyre de ceux qui restent, le martyre d’hommes et de femmes pleinement engagés dans la voie de Dieu et de la réalisation de l’humanité véritable, sera le meilleur exemple pour que les générations futures puissent progresser, si Dieu le veut, dans cette prise de conscience.

De nombreux hommes, dont les motivations étaient faites d’ambitions de ce monde, abandonnèrent l’Imam ce jour-là et seuls restèrent ceux qui n’étaient mus que par la foi et la conviction. Le fils aîné de l’Imam, ‘Alî fils de Hossayn, que la Paix soit avec eux, dit alors :

« Père, ne sommes-nous pas dans le vrai ?

— Si, répondit l’Imam, nous sommes dans le vrai, j’en jure par ce Dieu vers lequel tous les serviteurs s’en retournent.

— Puisque nous sommes dans le vrai, reprit ‘Alî, pourquoi nous inquiéterions-nous de la mort ? »
– 5 –

Au matin, la petite caravane, qui ne comptait plus que quelques proches et fidèles, reprit sa route. Elle ne tarda pas à être interceptée par une troupe de mille cavaliers conduits par Horr fils de Yazîd ar-Riyâhî, noble et illustre guerrier de Koufa. Les deux groupes se faisaient face, sabres aux côtés, sous le soleil brûlant des déserts de l’Iraq…

L’Imam Hossayn vit l’effet de la soif sur les visages de ceux qui lui bloquaient la route. Il donna l’ordre aux siens d’abreuver tous ces hommes ainsi que leurs montures. Lorsque le soleil fut au zénith, l’Imam donna l’ordre d’appeler à la Prière de midi, puis il vint se placer entre les rangs, loua Dieu, bénit Son Prophète et s’adressa aux hommes de Koufa :

« Hommes, je ne suis venu vers vous qu’après avoir reçu de vous lettre après lettre et message après message. Vous me disiez n’avoir ni Guide ni Imam autre que moi et me demandiez de vous rejoindre pour conduire votre soulèvement. Si vous êtes toujours fidèle à votre parole, renouvelez votre pacte avec moi, et si vous avez rompu votre engagement et ne voulez plus de moi, alors je m’en retournerai d’où je viens. »

Personne ne souffla mot. Après la Prière, chacun s’abrita comme il put de la canicule implacable qui faisait régner un silence écrasant.

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Lorsque le soleil déclina, l’Imam ordonna de se préparer au départ et fit appeler à la Prière de l’après-midi. Il s’adressa encore une fois aux hommes de Koufa : « Hommes, si vous craignez Dieu et reconnaissez le juste droit des hommes de Dieu, Dieu se montrera satisfait de vous. Nous sommes les Gens de la Demeure du Prophète et de la Prophétie et nous valons mieux que ce ramassis qui prétend injustement au gouvernement et fait régner parmi vous l’injustice et l’iniquité. Mais si vous êtes enracinés dans votre ignorance et votre égarement, et que vous êtes revenus sur ce que vous m’avez écrit dans vos lettres, peu importe : je m’en retourne. »

Cette fois, Horr répondit : « Je ne sais rien de ces lettres et de ces messagers dont tu parles. »

L’Imam fit alors vider deux sacs pleins des lettres des gens de Koufa. Horr reprit : « Je ne suis pas de ceux-là qui t’ont écrit des lettres. Nous avons reçu l’ordre, au cas où nous te croiserions, de ne pas te laisser partir et de te conduire à Koufa auprès d’Ibn Ziyâd. »

L’Imam se mit en colère : « Tu mourras plutôt que de pouvoir réaliser cela ! »

Et il ordonna de se mettre en route pour retourner vers Médine. Horr et ses mille cavaliers s’interposèrent et coupèrent la route du retour.

« Que ta mère porte ton deuil ! invectiva l’Imam, que la Paix soit avec lui, que veux-tu ? »

— Si un autre que toi avait ainsi mentionné ma mère, j’aurais fait de même avec la sienne, répondit Horr, mais je ne peux évoquer ta mère, la fille bien-aimée du Prophète, qu’avec déférence et vénération.

— Que cherches-tu ? reprit l’Imam.

— Je veux te conduire auprès de l’Emir ‘Obaydollâh.

— Je ne t’y suivrais pas, répondit l’Imam. »

Et leur échange se poursuivit longtemps, jusqu’à ce que Horr dise :

« Je n’ai pas reçu l’ordre de te combattre, mais seulement de ne pas te laisser partir et de te conduire à Koufa. Puisque tu refuses de t’y rendre, choisis donc une voie qui ne mène pas vers Koufa ni ne ramène vers Médine. J’écrirai à Ibn Ziyâd en espérant que l’épreuve de combattre un homme aussi vénérable que toi me sera épargnée. »

Les deux troupes, chevauchant de concert, prirent alors une route qui évitait Koufa.

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Un cavalier arrivait à bride abattue. Il venait de la direction de Koufa. Les deux troupes firent halte et attendirent. L’homme, qui portait un arc sur le dos, ne salua même pas l’Imam Hossayn : il partit droit auprès de Horr, le salua et lui tendit une lettre. C’étaient les ordres d’Ibn Ziyâd :

« Dès réception de ma lettre, fais pression sur Hossayn et les siens et ne le mène que dans un endroit hostile, inhabité et sans eau. J’ai donné ordre à mon messager de ne pas te quitter avant que cela ne soit fait, puis de me le faire savoir. »

Certains compagnons de l’Imam le pressèrent alors de déclencher le combat contre ces hommes avant qu’ils ne soient rejoint par des troupes sans nombre. Mais l’Imam répondit qu’il lui répugnait d’être celui qui ouvre les hostilités. Il réunit tous ses compagnons, se dressa au milieu d’eux, loua Dieu, bénit Son Messager, puis les harangua avec la plus grande éloquence :

« Les choses en sont arrivées là-même où vous voyez : ce monde nous a tourné le dos et nous en sommes à nos dernières gorgées de vie ; les gens ont abandonné le vrai pour s’unir dans l’erreur. Quiconque a foi en Dieu et en le jour du Jugement, qu’il se détourne de ce bas-monde et s’éprenne de passion pour la rencontre de son Seigneur. Tomber martyr pour le droit et la vérité ouvre la porte au bonheur éternel, tandis que vivre sous le joug des iniques n’offre que malheurs et souffrances. »


Zohayr fils de Qayn se leva alors et dit : « O fils du Messager de Dieu, nous avons entendu tes paroles. Pour nous, les choses sont telles que, même si ce monde devait pour nous durer éternellement, nous préférerions mourir avec toi ! »

Nâfi‘ fils de Hilâl se leva ensuite pour ajouter : « J’en jure par Dieu, nous n’avons aucune aversion à mourir dans la voie de Dieu. Nous sommes fermement déterminés et pleinement conscients dans notre voie : nous sommes les amis de tes amis et les ennemis de tes ennemis. »

Enfin, Borayr fils de Khodhayr se leva pour conclure : « J’en jure par Dieu, ô fils du Messager de Dieu, c’est une grâce que Dieu nous fait de combattre avec toi, de voir nos membres séparés de nos corps et de bénéficier ensuite de l’intercession de ton grand-père au jour du Jugement. »
  – 6 –


L’Imam demanda : « Comment se nomme cet endroit ?

— Karbalâ, lui dit-on.

— O mon Dieu, s’exclame l’Imam, je prends refuge auprès de Toi contre l’épreuve et l’affliction ! »

C’est qu’en arabe, « affliction » se dit karb et « épreuve » se dit balâ’. Karbalâ, synthèse de karb et de balâ’, est donc le nom prédestiné de cette terre qui devait voir une épreuve comme aucune terre n’en a connue et une affliction qui touchera le ciel lui-même et tous ses habitants.

« C’est ici, reprit l’Imam, le lieu de l’épreuve et de l’affliction, le lieu de la souffrance et du malheur. Descendez des montures, car c’est ici que nos tentes seront dressées et notre sang versé, et c’est ici que nous reposerons. Mon grand-père, le Messager de Dieu, Dieu le bénisse lui et les siens et leur donne la Paix, m’a informé de tout cela. »

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Les compagnons de l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, descendirent de montures et dressèrent le campement. En face, les hommes de Horr firent de même. Le lendemain, ces mille cavaliers furent rejoints par quatre milles autres conduits par ‘Omar fils de Sa‘d Ibn Abî Waqqâs, le maudit qui dirigea toutes les opérations de Karbala.

Peu avant la venue de l’Imam Hossayn en Iraq, ce maudit avait reçu des mains d’Ibn Ziyâd le gouvernement de la ville de Rayy, qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle Téhéran et qui était alors la ville la plus importante de l’Iran. ‘Omar Ibn Sa‘d s’était déjà mis en route pour rejoindre son palais de gouverneur d’une si riche province, lorsque Ibn Ziyâd lui envoya un messager pour lui dire d’aller d’abord combattre Hossayn et de le tuer avant de partir pour Rayy.

Omar Ibn Sa‘d se rendit auprès d’Ibn Ziyâd pour obtenir qu’il le décharge de cette mission. Ce dernier le lui accorda en lui précisant toutefois qu’il le déchargeait par la même occasion du gouvernorat de Rayy. Omar Ibn Sa‘d demanda alors une nuit de réflexion qu’il passa à hésiter entre combattre le petit fils du Prophète et renoncer à la province de Rayy. Finalement, son malheur l’emporta sur son bonheur et l’Enfer sur le Paradis : il accepta de mettre à mort le fils de son Prophète pour quelques jours de règne et de pouvoir, dont d’ailleurs il ne put jamais jouir.

L’Imam ‘Alî, que la Paix soit avec lui, le lui avait d’ailleurs bien prédit :

« Malheur à toi, ô fils de Sa‘d, dans quel état seras-tu lorsque tu auras à choisir entre l’Enfer et le Paradis et que tu choisiras l’Enfer ! »

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Après quelques jours passés à des négociations entre les deux camps et des échanges de lettres avec le gouverneur de Koufa, ‘Omar Ibn Sa‘d reçut d’Ibn Ziyâd un message lui donnant l’ordre de couper tout accès à l’Euphrate aux compagnons de Hossayn afin qu’ils ne puissent trouver la moindre goutte d’eau.

Aussitôt, 'Omar Ibn Sa‘d chargea quelque cinq cents hommes de surveiller les abords du fleuve. Nous étions le 7e jour du mois de moharram, et depuis ce jour, seules quelques interventions miraculeuses permirent à la poignée d’hommes, de femmes et d’enfants qui entouraient l’Imam Hossayn d’obtenir le minimum d’eau nécessaire pour survivre…, survivre jusqu’au martyre… ou jusqu’à la captivité…


Ainsi, pendant trois jours et trois nuits, la caravane de l’Imam Hossayn, ne put se ravitailler en eau ; pendant trois jours et trois nuits, dans la chaleur étouffante des déserts de l’Iraq, ces héros qui, lors de leur première rencontre avec les cavaliers de Horr, avaient abreuvés tous les hommes ainsi que leurs montures, ces héros se trouvèrent spoliés d’une eau dont mêmes les bêtes sauvages n’étaient en rien privées ; pendant trois jours et trois nuits, des femmes privées d’eau en vinrent à n’avoir plus de lait pour allaiter leurs nourrissons ; pendant trois jours et trois nuits, des enfants, considérés comme innocents par toutes les religions et doctrines du monde, n’avaient plus que leurs larmes pour humecter leur langue.

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Depuis l’arrivée de 'Omar Ibn Sa‘d à Karbalâ', des renforts venant de Koufa ne cessaient d’arriver sur cette terre d’épreuve et d’affliction. Au sixième ou septième jour du mois de moharram, quelque vingt à trente milles cavaliers cernaient le petit camp des Gens de la Demeure prophétique et de leurs fidèles.

Une dernière fois, ‘Omar fils de Sa‘d entrevit une issue : Hossayn accepterait, écrivit-il à Ibn Ziyâd, non seulement de retourner d’où il était venu, mais même de partir s’installer dans quelque contrée éloignée des terres d’islam, voire d’être conduit auprès du Calife Yazîd afin qu’il décide de ce qu’il convenait de faire. Quoiqu’il soit fort douteux que l’Imam eut accepté cette dernière solution, elle fut soumise à Ibn Ziyâd et il est alors clair qu’il ne reste aucune excuse à ces gens pour tout ce qu’ils ont fait subir à la Sainte Famille du Prophète et à leurs fidèles.

Ibn Ziyâd faillit d’ailleurs accepter, trop content, comme 'Omar Ibn Sa‘d, de se tirer aussi bien de cette embarrassante situation et de se laver les mains d’un sang aussi compromettant. Mais le maudit parmi les maudits, Shamr fils de Dhî l-djawshan, lui conseilla de n’en rien faire : qui sait ce qui pourrait bien arriver ? Mieux vaut en finir maintenant que Hossayn est dans nos griffes ! Et Ibn Ziyâd se rendit à la raison du pire… Il remit à Shamr une lettre pour Ibn Sa‘d :

« Si Hossayn et ses compagnons se soumettent sans condition, amène-les moi, mais sinon, combats-les jusqu’à la mort, puis mutile-les à titre du châtiment exemplaire qu’ils méritent. Et lorsque Hossayn sera tué, fais fouler son cadavre par les sabots des chevaux. Si tu fais tout ce que je t’ordonne, tu en seras largement récompensé, mais sinon, tu seras destitué du commandement de l’armée et c’est Shamr qui prendra ta place. »

 
– 7 –


Nous sommes le 9e jour du mois de moharram, et le maudit parmi les maudits, Shamr fils de Dhî l-Djawshan, arrive à Karbala porteur de la lettre d’Ibn Ziyâd, qui ne laisse plus aucun espoir quant à l’issue prochaine du drame qui se joue…

‘Omar fils de Sa‘d donna donc l’ordre de se préparer au combat, un combat qui opposerait quelque trente mille cavaliers contre une poignée d’hommes épuisés par un long voyage et tenaillés par la soif.

Shamr s’approcha du campement et appela :

« Où sont les fils de ma sœur ? »

Shamr, en effet, était de la tribu des Banou Kilâb. Or, il se trouve que, après le décès de la noble fille du Prophète, Fâtima la Radieuse, que la Paix divine soit avec elle, l’Imam ‘Alî épousa en secondes noces une femme de cette tribu, réputée pour le courage de ses hommes. Et cette femme lui avait donnée quatre fils, dont le plus noble et le plus courageux, Abou l-Fadl al-‘Abbâs, était le plus proche soutien de l’Imam Hossayn et la colonne vertébrale de toute la petite troupe.

C’était aussi ce « lion » — car tel est le sens de ‘Abbâs en arabe — qui avait trouvé moyen, dans ces dernières nuits, de franchir les lignes ennemies pour ramener un peu d’eau aux assiégés assoiffés. Et c’était encore et toujours ce lion vers qui tous les yeux se tournaient dès qu’il était question d’une mission impossible, d’un secours à porter ou d’une aide à donner.

L’Imam Hossayn donna l’ordre à ‘Abbâs le lion ainsi qu’à ses trois frères de répondre au maudit, en raison du respect qu’il convient d’apporter aux liens de parenté, fussent-ils aussi lointains. C’est que, pour les arabes, appartenir à la même tribu, c’était déjà vraiment être des frères et sœurs.

« Que veux-tu, lança ‘Abbâs à Shamr.

— Fils de ma sœur, j’ai pour vous un sauf-conduit qui vous garantit la vie et la liberté. Ne combattez donc pas avec votre frère Hossayn ! Ecartez-vous de lui et soumettez-vous au Commandeur des fidèles Yazîd !

— Que tes mains soient tranchées et maudit le sauf-conduit que tu portes avec toi ! répliqua ‘Abbâs. Ennemi de Dieu, tu nous ordonnerais d’abandonner notre frère, notre seigneur et maître, Hossayn, le fils de Fâtima, que la Paix soit avec eux, et de nous soumettre à l’autorité usurpée des maudits fils des maudits ! Tu nous donnerais un sauf-conduit et n’en donnerais pas au fils du Messager de Dieu, Dieu le bénisse lui et les siens ! »

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Shamr rejoignit son camp et ‘Omar Ibn Sa‘d donna l’ordre de monter en selle.

Voyant les cavaliers se tenir ainsi prêts à donner l’assaut, l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, envoya son frère ‘Abbas demander ce qui se passait.

« L’ordre est venu, lui fut-il répondu, de vous proposer une rédition sans condition ou de vous combattre sans merci. »

‘Abbâs rapporta la chose à son frère qui le renvoya pour obtenir une trêve d’une nuit :

« Demande-leur de patienter jusqu’à demain et de nous accorder cette nuit afin que je puisse en profiter pour prier, invoquer et demander pardon, car Dieu sait que j’aime prier, réciter le Coran et multiplier les invocations et demandes de pardon. »

Après quelques réticences, Ibn Sa‘d accorda ce délai d’une nuit : à l’aube, il faudrait soit se soumettre, soit s’en remettre au jugement des armes.

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La nuit tombée, l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, fit réunir ses compagnons pour s’adresser à eux. Il commença par louer Dieu et bénir Son Prophète avant de leur dire :

« En vérité, je ne connais pas de compagnons meilleurs et plus fidèles que mes compagnons, ni de famille plus belle que les gens de ma demeure : que Dieu vous récompense au mieux. Maintenant, sachez que je vous défais de tout engagement et de tout pacte envers moi et vous laisse libre de partir où bon vous semblera. Le voile noir de la nuit a recouvert la plaine, profitez-en pour vous esquiver discrètement, car ces gens-là n’en ont qu’après moi et ils ne vous poursuivront point dès lors qu’ils m’auront pris. »

Tous les membres de la famille, frères, fils et neveux, à commencer par ‘Abbâs, le lion, se récrièrent unanimement :

« Pourquoi donc ferions-nous cela ? Pour vivre quelque temps après toi ? Que Dieu ne nous fasse jamais voir cela ! Nous sacrifierons plutôt vies, biens et familles dans ta voie, et combattrons tes ennemis jusqu’à ce que nous arrive cela même qui t’arrivera. Bien sombre serait la vie que nous pourrions connaître après toi ! »

Puis ce fut au tour des compagnons, de ceux qui n’avaient d’autre lien de parenté avec l’Imam que leur amour pour lui. Moslim fils de ‘Awsadja se leva le premier :

« Par Dieu, si je savais devoir être tué, puis ressuscité et à nouveau tué, que l’on me brûle ensuite et disperse mes cendres, tout cela soixante-dix fois de suite, jamais, au grand jamais, je ne me séparerai de toi avant que de mourir tué à ton service ! »

Et Zohayr fils de Qayn de renchérir :

« J’aimerais mieux mourir mille fois plutôt que de voir un malheur te toucher ou atteindre un de ces jeunes de la Sainte Famille du Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens ! »

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Le petit campement des Gens de la Demeure prophétique se prépara à passer une dernière nuit avant de rencontrer la mort.

D’abord, autour des tentes qui étaient le seul abri des femmes et des enfants, les hommes creusèrent un fossé qu’ils remplirent de tout ce qu’ils pouvaient amasser comme bois et broussailles, afin de réduire le champ de bataille à un seul front.

Puis le fils aîné de l’Imam Hossayn, ‘Alî Akbar, emmena une cinquantaine d’hommes dans une expédition risquée pour rapporter de l’Euphrate quelques outres d’eau.

« Buvez en tous, dit l’Imam Hossayn lorsqu’ils revinrent au camp, car ce sont là vos dernières provisions. Puis purifiez-vous et lavez vos vêtements, car ils seront vos linceuls. »

Toute la nuit, alors que du camp omeyyade montait le son des tambours et des danses guerrières, le camp des Gens de la Demeure prophétique demeurait silencieux. On n’y entendait qu’un sourd bourdonnement semblable à celui d’une ruche d’abeilles : le murmure de ces lèvres qui, dans un ultime entretien préparant la rencontre, priaient et imploraient, récitaient du Coran, et confiaient au Seigneur les secrets de leurs cœurs.
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L’aube du dixième jour du mois de moharram pointait à l’horizon. Le campement des Gens de la Demeure prophétique se préparait à rendre une dernière fois l’hommage de la Prière de l’aube. En face, quelque trente milles soudards, ivres de danses guerrières, attendaient impatiemment le signal de l’assaut. C’est un soleil livide qui, ce jour de Ashourâ, se leva, comme s’il en avait honte, sur la plaine de Karbalâ, plaine d’épreuve et d’affliction. La terre entière, semblait-il, n’osait plus respirer…

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L’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, organisa les quelques fidèles compagnons qui, seuls, méritaient pleinement le nom de musulmans, d’hommes « soumis à Dieu » et marchant dans Sa voie, la voie de la justice et de la vérité, la voie qui conduit l’homme vers l’humanité.

Soixante-dix fidèles selon les uns, cent à cent cinquante selon d’autres : autant dire une poignée face aux milliers de lâches, de traîtres, de soudards et de loups, avides de pouvoir et de biens de ce monde, qui osaient encore se prétendre « soumis à Dieu » alors qu’ils s’apprêtaient à massacrer les enfants du Prophète. De leur langue ou du bout de leurs lèvres, ils le qualifiaient bien de Messager de Dieu, mais du fond de leurs cœurs, ils refusaient aux gens de sa famille le respect que mérite le plus humble des hommes.

L’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, confia le commandement de l’aile droite à Zohayr fils de Qayn et celui de l’aile gauche à Habîb fils de Mazâhir, chacun avec quelques dizaines d’hommes. Il remit l’étendard à son frère, Abû l-Fadl al-‘Abbâs, et occupa lui-même le centre avec les hommes qui restaient. Derrière eux, les tentes étaient protégées par le fossé en demi-cercle rempli de bois et de broussailles auxquelles ils mirent le feu.

L’Imam leva alors les mains vers le ciel et fit la prière suivante :

« O mon Dieu, c’est en Toi que je mets ma confiance lors de toute affliction et tu es mon espoir dans toute adversité. […] Combien de détresses dans lesquelles le cœur se trouvait faible et les expédients inutiles, [combien de détresses] dans lesquelles l’ami faisait défaut et l’ennemi jubilait, [combien de détresses] ne T’ai-je pas remises en me plaignant à Toi, me détournant vers Toi de tout autre que Toi, si bien que Tu m’en soulagea et puis les dissipa. C’est Toi qui es le maître de toute grâce comme de tout bienfait, c’est Toi qui es le terme de toute aspiration. »

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Les troupes omeyyades avaient lancé leurs chevaux dans une ronde sauvage autour du campement. En toute impudence, Shamr invectiva :

« Eh ! Hossayn ! Je te trouve bien pressé de rencontrer le Feu avant le Jour dernier. »

Certains compagnons s’apprêtaient à lui décocher une flèche pour lui faire avaler ses propos, mais l’Imam les en empêcha :

« Je répugne, dit-il, à être celui qui engagera les hostilités. »

Des compagnons de l’Imam haranguèrent alors les troupes ennemies pour tenter de les amener à raison, mais en vain. Leurs discours n’avaient pour effet que d’aviver la rage de ces simulacres d’humains qui n’avaient même plus le moindre sens commun.

Finalement, monté sur le destrier du Messager de Dieu, que les Bénédictions et la Paix divines soient sur lui et les siens, l’Imam Hossayn lui-même s’avança vers les rangs ennemis et d’une voix forte leur lança :

« Hommes, ne vous empressez pas de suivre vos passions et écoutez-moi afin que je vous dise ce que j’ai à vous dire et vous fasse connaître mes raisons, car si vous me rendez justice, vous en serez bienheureux. Ressaisissez-vous donc, méditez les tenants et les aboutissants de toute cette affaire jusqu’à ce que rien ne vous soit obscur, puis faites ce que bon vous semble sans me donner sursis. […] »

A ces mots les femmes éclatèrent en pleurs et en lamentations. L’Imam envoya son frère ‘Abbâs et son fils aîné, ‘Alî Akbar, pour les faire taire et leur dire de garder leurs larmes pour les malheurs qui les attendaient…

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« Regardez bien qui je suis, reprit l’Imam, et avec qui je suis apparenté, puis revenez à vous et blâmez-vous de votre conduite ! Me tuer, outrager mon honneur, cela vous paraît-il être chose louable ? […

Ne suis-je pas le fils de l’héritier et cousin du Prophète, celui-là même qui fut le premier des fidèles et le premier à croire à ce qu’il apportait ? […]

N’avez-vous donc point entendu votre Prophète dire, à propos de moi-même et de mon frère Hassan : « Ce sont là les seigneurs des jeunes gens du Paradis » ? […]

Et si vous ne me croyez pas, demandez donc à ceux qui sont parmi vous et qui l’ont entendu de la bouche même du Messager de Dieu, que les Prières divines soient sur lui et les siens ! N’y a-t-il pas là de quoi vous retenir de verser notre sang ?

— Du diable si je comprends quelque chose à tout ce jargon-là ! lança Shamr.

— Si vous avez le moindre doute sur tout ce que je dis, reprit l’Imam, douterez-vous aussi que je suis bien le fils de la fille de votre Prophète ? J’en jure par Dieu, il n’est point aujourd’hui sur la terre, de l’Orient jusqu’à l’Occident, d’autre que moi qui soit fils de la fille d’un Prophète.

Malheur à vous ! aurais-je tué l’un des vôtres pour que vous réclamiez mon sang ? Ou l’aurais-je blessé ou bien détruit vos biens ? […]

Sachez-le : Ibn Ziyâd, adultérin fils d’un adultérin, ne m’a laissé d’autre choix que de mourir le sabre au clair ou de me couvrir d’un vêtement d’opprobre. Loin de nous l’opprobre et la bassesse ! Jamais âme bien née ne choisira l’opprobre des infâmes en place du martyre des grandes âmes nobles. »

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‘Omar Ibn Sa‘d n’en pouvait plus. Il craignait aussi que les propos de l’Imam finissent par faire quelque effet sur ses troupes.

« Qu’attendez-vous ? s’écria-t-il. Suffit de discourir et de tergiverser ! A l’assaut ! Et ne faites qu’une bouchée de Hossayn et des siens ! »

Et l’Imam lança ce dernier appel : « N’y a-t-il donc personne pour nous porter secours pour l’amour de Dieu ? N’y a-t-il donc personne pour prendre la défense de la Sainte Famille du Messager de Dieu ? »
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Lorsqu’il entendit cet appel du petit-fils du Messager de Dieu, que les Bénédictions et la Paix divines soient sur lui et les siens, Horr Ibn Yazîd ar-Riyâhî sentit son cœur se briser de remords.

C’était lui qui avait barré la route à la troupe de l’Imam Hossayn, lui qui les avait empêchés de rebrousser chemin, lui qui les avait contraints à prendre cette voie qui les avait menés ici, à Karbalâ’, terre d’épreuve et d’affliction !

Et ces soudards qui, d’un instant à l’autre, allaient se ruer sur cette poignée d’innocents abandonnés de tous, sur ces fils et petits-fils du Messager de Dieu, dont les visages resplendissaient de la lumière du Prophète disparu, sur ces fidèles compagnons dont tous les faits et gestes embaumaient le parfum de l’islam le plus pur, sur ces filles et ces femmes de la Demeure prophétique dont la détresse aurait fendu le cœur de n’importe quel être humain…

Que dirait-il demain, au jour du Jugement, et comment pourrait-il seulement soutenir le regard du Prophète ?

Horr se dirigea vers ‘Omar Ibn Sa‘d :

« Vraiment, tu combattras cet homme ?

— Oui, et j’en jure par Dieu, le moins qui puisse en être, c’est que les têtes volent et les mains soient tranchées ! »

 
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Horr se mit à l’écart, harcelé de remords. Que pouvait-il bien faire ? Comment se repentir d’une aussi grande faute ? Etait-il encore temps d’obtenir le pardon ?

Perdu dans ses pensées, il avançait lentement vers le campement des gens de foi.

« Eh ! lança un soudard, que veux-tu faire ? Aurais-tu l’intention de lancer un assaut ? »

Horr se mit à trembler et ne répondit mot.

« Je n’y comprends plus rien, dit le soudard. Jamais, par Dieu, dans aucune guerre, je ne t’ai vu ainsi ; et si l’on m’avait demandé qui était le plus courageux des guerriers de Koufa, je n’aurais pu citer personne d’autre que toi. Qu’est donc ce tremblement dont je te vois saisi ?

— Par Dieu, répondit Horr, mon âme doit maintenant choisir le Paradis ou bien l’Enfer, et j’en jure par Dieu, jamais je ne préférerai quoi que ce soit au Paradis, dussé-je être mis en pièce ou bien livré au feu ! »

Et d’un coup d’éperon, il lança son coursier pour s’en aller rejoindre le camp des bienheureux.

 
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La main sur la tête, en signe de repentir, Horr arrivait au campement :

« O mon Dieu, je reviens vers Toi contrit et repentant, alors pardonne-moi, car j’ai rempli d’effroi et d’inquiétude le cœur de Tes amis et des enfants de Ton Prophète ! »

Il se jeta aux pieds de l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui, lui embrassant les mains et les mouillant de larmes :

« O fils du Messager de Dieu, que ma vie soit rançon de la tienne, c’est moi qui ne t’ai pas laissé prendre la route de ton choix, qui ne t’ai pas laissé passer ni retourner, et qui t’ai amené en cette terre d’épreuve ! Jamais, par Dieu, jamais je n’aurais cru qu’on en arrive là, et si je l’avais su, je n’en aurais rien fait ! Maintenant que le remords m’étreint et me tourmente, penses-tu que ce remords a l’agrément de Dieu ?

— Certes, répondit l’Imam, Dieu l’agrée et tu es pardonné. Maintenant lève-toi et prends place parmi nous.

— Je t’en prie, reprit Horr, donne-moi la faveur de partir le premier me battre devant toi comme je fus le premier à être contre toi.

— Que Dieu te fasse miséricorde, Horr. Va et fais comme il te semble bon. »

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Horr s’avança vers les troupes ennemies et se mit à les haranguer :

« … Traîtres, lâches, couards ! Comment osez-vous donc couper l’eau de l’Euphrate à ces femmes et enfants, alors que même les chiens et les pourceaux s’y abreuvent librement ! Voilà que la famille du Prophète se meurt de soif sur la rive du fleuve ! Honte à vous ! Honte à vous !… »

‘Omar Ibn Sa‘d n’en pouvait plus. Il décocha une flèche et hurla :

« Soyez témoins que je fus le premier à tirer sur le camp de Hossayn ! »


Et dire que de grands spécialistes du hadith, comme Ahmad Ibn Hanbal ou Maqdîsî, considèrent cet homme comme un rapporteur digne de foi dont les hadiths sont authentiques! Que Dieu nous préserve d'une pseudo-science qui accepte des hadiths de mains tachées du sang de la Sainte Famille du plus noble Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens.


Une pluie de flèches suivit et l’Imam, que la Paix soit avec lui, s’écria :

« Debout, fidèles compagnons ! Soyez prêts à mourir, car il n’y a point d’autre issue ! Que Dieu vous fasse miséricorde ! Voilà les messagères que ces gens vous envoient. »

Et un premier assaut eut lieu, suivi d’un autre, avec leurs premières moissons de martyrs.

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Après l’assaut, Horr bondit comme un lion vers le champ de bataille pour défier l’adversaire en combat singulier. Fidèle à sa réputation, il tuait, les uns après les autres, ceux qui venaient vers lui. Son cheval, criblé de flèches, se mit à vaciller, mais lui, sautant à terre, continuait de faire voler son sabre et de couper les têtes, jusqu’à ce que, en désespoir de cause, des soudards d’Ibn Sa‘d fondent sur lui en groupe et le fassent succomber.

Mais avant de mourir, Horr eut le temps de voir son Imam en personne venu le conforter dans ses derniers instants, et de l’entendre dire :

« Horr, “homme libre”, ta mère n’a pas eu tort en te donnant ce nom : homme libre, tu l’es, en ce monde et dans l’autre ! »
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Les épreuves s’abattirent, les unes plus lourdes que les autres, sur le campement des Gens de la Demeure prophétique, les pluies de flèches succédant aux combats singuliers et les assauts aux pluies de flèches…

Les uns après les autres, les compagnons les plus fidèles que le monde ait connu, goûtèrent au nectar du martyre, donnant leur vie pour nous montrer le chemin de la foi et de l’humanité :

Horr, l’homme libre en ce monde et dans l’autre ;

Borayr, qui lisait le Coran chaque nuit en entier et pendant quarante ans fit la prière de l’aube sans avoir fermé l’œil ;

Habîb, fils de Mazâhir, le vieux compagnon qui déjà combattait aux côtés de ‘Alî fils d’Abû Tâleb, Commandeur des Fidèles, la Paix soit avec lui ;

et tant d’autres encore dont les noms brillent comme des astres au firmament de l’islam et de l’humanité, l’humanité dont on aurait dit qu’elle s’était toute entière donnée rendez-vous dans cette poignée d’hommes.

C’était comme si toutes les races, toutes les classes sociales, hommes aussi bien que femmes, adultes et enfants, tous avaient voulu offrir leur martyr et dire :

« Nous aussi, nous étions là ; nous aussi, nous pouvons être du peuple de la foi ; nous aussi, nous voulons construire l’humanité de justice et de vérité ; toutes les différences d’âge, de sexe, de race et autres choses s’effacent devant Dieu, et seules restent la foi, la vertu, la valeur intrinsèque qui fait un être humain… »

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Djawn était noir comme l’ébène. Ancien esclave, il avait été affranchi par Abû Dharr al-Ghifârî, le grand compagnon du Prophète, que les Bénédictions et la Paix divines soient sur lui et les siens. De ce jour, il était resté attaché au service de ce fidèle parmi les fidèles, et il avait appris de lui la valeur d’un engagement sincère, d’un engagement auquel on se tient jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix.
Djawn partageait aussi avec son ancien maître l’amour qu’il vouait à la Sainte Famille des Gens de la Demeure prophétique. C’est donc tout naturellement qu’il s’était joint à la caravane de l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui. Maintenant, il voulait lui aussi verser son sang pour le petit-fils du Messager de Dieu. Il s’approcha donc de l’Imam Hossayn :

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« Que la Paix soit avec toi, ô fils du Messager de Dieu, Dieu le bénisse lui et les siens. Permets-moi, mon Seigneur, d’aller à mon tour à la rencontre de la mort.

— Que la Paix soit avec toi, Djawn. O Djawn, tu nous as suivi par amour pour nous, mais en tant qu’affranchi, il ne t’incombe pas de livrer ce combat. Ne te lance pas pour nous dans une épreuve qui sera sans issue. Prends donc, avec ma permission, un chemin qui t’évite ces malheurs.

— O fils du Messager de Dieu, j’ai partagé avec vous vos repas dans les jours d’aise et de bien-être, et je vous laisserais sans partager le calice du martyre à l’heure de l’épreuve ? Mon sang serait-il indigne de se mêler à celui de ces nobles seigneurs des grandes tribus arabes ? Mon seigneur, je t’en prie, ne me prive pas d’entrer au Paradis en votre compagnie. »

L’Imam Hossayn donna sa permission, et Djawn se précipita, plein de joie, vers le champ de bataille.

L’usage des guerriers arabes était alors, avant d’entamer le combat, d’improviser quelques vers dans lesquels ils tiraient gloire de leur lignage et de leur réputation au combat. Djawn, l’ancien esclave affranchi, ne pouvait bien sûr faire valoir ni lignage, ni réputation… mais il pouvait afficher la vérité simple et crue de son choix d’être humain :

Comment les mécréants voient-ils les coups de l’homme noir ?
Des coups de sabres pour protéger les enfants du Prophète ?
Je prendrai leur défense par la langue et la main,
Espérant par cela entrer au Paradis en arrivant là-haut.

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Un jeune adolescent se trouvait, lui aussi, en compagnie de ses parents, parmi les fidèles des Gens de la Demeure prophétique, que la Paix soit avec eux. Son père était déjà tombé martyr et sa mère, maintenant, le poussait à partir à son tour au combat :

« Va, mon tout jeune fils. Va et bas-toi devant le fils du Messager de Dieu, Dieu le bénisse lui et les siens. »

Il s’élança donc vers le champ de bataille, mais l’Imam Hossayn le fit revenir : déjà, son père était martyr, sa mère pouvait ne pas souhaiter perdre celui qui lui restait. Mais l’adolescent fit remarquer que c’était sa mère elle-même qui l’avait poussé à combattre et que lui-même n’en était que plus heureux de pouvoir ainsi aller se sacrifier pour la religion de Dieu et les enfants du Messager de Dieu.

Etant d’origine modeste, il n’avait, comme Djawn, ni lignage, ni réputation à faire valoir dans ses vers. Mais il se rattacha alors au meilleur lignage et à la meilleure réputation qui soient :

Mon Emir est Hossayn : quel excellent Emir :
Il est la joie du cœur du Messager de Dieu !
Ses parents sont Fâtima et puis ‘Alî :
connaissez-vous sur terre quelqu’un qui soit ainsi ?
Son visage est pareil au soleil du matin,
La tache de son front est un vrai clair de lune.

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Lorsqu’il tomba martyr, les hommes de ‘Omar Ibn Sa‘d Ibn Abî Waqqâs le décapitèrent et jetèrent sa tête dans le campement de l’Imam Hossayn, que la Paix soit avec lui. Sa mère la ramassa et la serra contre elle en disant :

« Bravo à toi, mon tout jeune fils ! Bravo à toi, joie de mon cœur ! Bravo, à toi, lumière de mes yeux ! »

Puis elle lança avec fureur la tête décapitée de son fils sur un cavalier ennemi, qui tomba de cheval et mourut. Se saisissant alors d’un pieu, la vieille mère au cœur meurtri se rua sur l’ennemi en déclamant ces vers :

Vieille servante de mon seigneur,
Je suis frêle et chétive, seule et sans plus personne,
Je vous assène des coups pleins de fureur
Pour défendre les enfants de Fatima la noble.
'Ashourâ',
le jour où le sang des martyrs
a vaincu le sabre des injustes

Que la Paix soit avec toi,
Abou 'Abdi-Llâhi l-Hossayn,
Ainsi qu'avec toutes les âmes
Qui prirent place auprès de toi.