Hadith du Prophète de l’Islam, « Le paradis se trouve sous les pieds des mères »
Dans la société iranienne d’aujourd’hui, les femmes occupent une place de choix. Elles sont présentes partout, à presque tous les niveaux de la scène sociale et économique du pays. Professeure, médecin et ingénieure depuis longtemps, mais aussi, depuis peu, femme d’affaires et gérante d’entreprise, chef de cabinet et directrice de département à l’université, mais aussi doyenne de faculté, ministre et vice-ministre, occupant d’importantes fonctions comme celui de porte-parole de la diplomatie et d’ambassadrice.
Fini le temps où les femmes iraniennes étaient, il y a moins d’un siècle, confinées chez leurs parents, ou chez leurs maris auxquels elles étaient mariées très souvent par force ou de façon précoce. Fini donc le temps où elles n’avaient pas d’accès public à l’école, sans parler des universités et établissements d’enseignement supérieur. L’époque où, victimes de strictes règles patriarcales et de traditions, leur rôle se limitait à être épouse et mère est révolue.
Selon un hadith du Prophète de l’Islam, « le paradis se trouve sous les pieds des mères ». Or, la différence entre une mère analphabète ou peu instruite et une mère savante et bien éduquée est évidente. Cependant, même de nos jours, au cours de la seconde décennie du XXIe siècle, des extrémistes sunnites comme les Talibans, qui sont pour une interprétation étroite du canon et de la tradition religieuse, ne laissent pas les filles aller à l’école (les maktabs traditionnelles) dans les régions afghanes sous leur contrôle, tout comme à l’époque où ils gouvernaient l’ensemble du pays.
Dès l’instauration de l’école moderne suite à la Révolution constitutionnaliste de 1905 à 1911, la société iranienne a autorisé les jeunes filles tout comme les jeunes garçons à participer au système éducatif. A la suite de la Révolution islamique de 1979 et parallèlement au vaste mouvement lancé en faveur de l’alphabétisation de la société et de la jeunesse, les jeunes filles iraniennes sont arrivées en masse à l’université pour étudier en divers domaines et disciplines académiques. Les formations techniques et médicales, les sections juridiques et artistiques, les sciences sociales et humaines… toutes ont été témoins d’une forte augmentation de la présence féminine, non seulement parmi les étudiants, mais également au sein du corps professoral.
A l’heure actuelle, les femmes constituent un peu plus de la moitié (environ 51%) de la population des étudiants d’université, tandis qu’elles représentent 49% de la population totale de la société. En outre et par conséquent, le nombre de femmes diplômées est en nette augmentation par rapport aux hommes, jusqu’ici dominants en nombre. Cependant, il existe encore un fossé considérable entre le nombre d’étudiantes et diplômées d’une part, et le nombre de celles qui trouvent un emploi (à temps partiel ou complet) d’autre part ; surtout celles qui sont recrutées à titre définitif, en particulier dans le secteur public (fonctionnaires d’Etat). En vue de réduire cet écart conséquent, le gouvernement du Président Rohani est en train d’adopter des mesures permettant à un nombre croissant d’Iraniennes à trouver un emploi à plein-temps et à intégrer le marché du travail.
Au-delà de cet aperçu contemporain, cet article vise à se pencher sur les circonstances dans lesquelles vivaient et travaillaient les femmes de l’Antiquité persane. Est-ce que les femmes de la période préislamique ont eu, tel que le prétendent certain(e)s chercheurs (ses) souvent féministes et/ou pan-iranistes, des droits et privilèges égaux aux hommes de l’époque en question ?
La présence féminine dans la mythologie persane
Plusieurs récits mythologiques perses tendent à présenter les femmes comme ayant un poids égal aux hommes au sein de la société. Dans le Shâhnâmeh (Livre des Rois), le grand poète épique persan Ferdowsi accorde une place importante aux femmes. Une vingtaine de femmes sont les héroïnes et parmi les personnalités centrales de ses nombreux récits. Ainsi en est-il de Roudâbeh, la mère du grand héros légendaire iranien Rostam, ou encore de Tahmineh, son épouse et la mère de Sohrâb.
Dans la mythologie persane de l’Antiquité, presque la moitié des dieux sont des déesses. Parmi elles, Anâhitâ est la plus importante, consacrée par un culte qui s’est diffusé sur l’ensemble du vaste territoire de l’Empire perse. Déesse des eaux, elle est aussi la divinité de la fertilité, de l’amour et de la maternité, ainsi que de la victoire. De nombreux temples étaient dédiés à la consécration de cette déesse dans différentes régions de la Perse. Anâhitâ, Anâhid, ou encore Nâhid, est assimilable à la divinité sémitique Ishtar. Son culte, associé à celui de Mithra, a atteint son apogée sous les Achéménides, avant que les Sassanides n’établissent la religion zoroastrienne comme religion officielle et obligatoire de l’Empire, rassemblant tous les dieux et déesses du passé dans le panthéon zoroastrien et interdisant, sous peine de mort, les cultes liés au mithraïsme, manichéisme, ainsi que d’autres cultes comme celui de Mazdak et d’Anahita.
Dans le zoroastrisme, le nombre des dieux et des déesses, ainsi que celui des saints et des saintes est égal. Parmi les six anges gardiens d’Ahourâ-Mazdâ (Amshâsepandân), Dieu dans le zoroastrisme, trois sont de sexe masculin (Bahman, Ordibehesht et Shahrivar) et trois de sexe féminin (Sepandârmaz, Khordâd et Amordâd). Parmi les dieux, Bahrâm et Tishtar sont masculins et deux déesses importantes, Anâhita et Din sont des femmes. Comme Mithra n’a pas de sexe particulier (il est plutôt neutre), on voit alors que l’égalité des sexes est respectée, du moins dans les cultes dans la religion zoroastrienne. Par ailleurs, une déesse importante comme Tschistâ, divinité de la sagesse et de la science, est de sexe féminin.
La place des femmes sous le règne des Sassanides
Contrairement aux idées reçues, les femmes ne semblaient pas occuper de place privilégiée au sein de la société. En outre, selon une norme zoroastrienne, lorsqu’elles étaient en état de menstruation, on les qualifiait de dashtân et, alors considérées comme impures et sources de maladie, on les enfermait dans de petites cabanes en bois à l’extérieur de la maison, pour qu’elles restent loin des autres membres de la famille jusqu’à la fin de leur période menstruelle. Les vestiges de ces cabanes, nommées dashtânestân, se trouvent encore dans certains villages zoroastriens du sud-est de l’Iran (provinces de Yazd et de Kermân).
Dans la Perse antique, la polygamie était pratiquée, mais le plus souvent dans les grandes familles et surtout la famille royale, dans laquelle l’endogamie et même l’inceste avaient lieu afin de préserver le sang royal, la race pure des dieux. C’était plus rarement le cas pour les gens ordinaires, appartenant aux classes populaires (non-religieuse et non-militaire), paysans et artisans, notamment car leurs moyens financiers ne permettaient pas aux hommes simples d’envisager avoir plusieurs épouses. Dans la famille royale, la présence d’une ou plusieurs concubines était au contraire autorisée ou du moins tolérée. Cependant, c’était la reine mère du prince héritier qui, au côté de la mère du roi, avait le dernier mot sur toutes les affaires concernant le sérail. Cette tradition est restée en vigueur jusqu’à très récemment, sous la dynastie qâdjâre et pahlavi.
Nous avons évoqué en haut les temples d’Anâhitâ, mais il faut aussi souligner qu’après la conquête musulmane de la Perse et l’islamisation du pays, ces lieux saints n’ont pas totalement disparu : des vestiges en sont restés, comme les temples de Mithra. Ces édifices ont été appelés Ghal’eh-Dokhtar (forteresse de jeune fille) ou Pol-e Dokhtar (pont de jeune fille). Notons qu’à l’époque sassanide, Pourândokht, fille du roi Khosrô II, a régné environ deux ans sur tout le territoire impérial de la Perse.
Concernant la période achéménide, aucune image de femme ni d’animal femelle n’a été retrouvée à Persépolis. Cependant, des tablettes élamites qui ont été retrouvées sur le site, attestent de la présence des femmes aux côtés des hommes pour réaliser certaines tâches au sein de la société. De plus, une partie non-négligeable du site de Persépolis a été détruite par Alexandre le Grand ou altérée par le temps. Rappelons juste que des sceaux et des gemmes de cette époque (retrouvés sur d’autres sites) contiennent de nombreuses représentations féminines. A titre d’exemple, il existe une représentation sur pierre conservée aujourd’hui au musée du Louvre et appartenant à cette période, où figure une femme de haut rang, maquillée et assise sur un tabouret, éventée par une servante. Cet objet, en bon état de conservation, montre l’importance que revêt de l’esthétique chez les femmes de l’époque achéménide. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si les Iraniennes actuelles sont parmi les plus grandes consommatrices de produits cosmétiques au monde, occupant le second ou le troisième rang...