AVIS JURIDIQUE DU CONSEIL EUROPEEN DE LA FATWA.
Au nom de Dieu le Clément le Miséricordieux. Que la paix et les bénédictions soient sur le Messager de Dieu.
Nous citons ci-dessous l’avis juridique énoncé par le Conseil Européen de la Fatwâ et de la Recherche, réuni en Grande-Bretagne le 29 mars 1997. Le Conseil comprend nombre de savants spécialisés dans les questions relatives aux communautés musulmanes en Europe, et d’autres savants de renommée dans les pays arabo-musulmans. Le Conseil a inauguré ses travaux avec l’affaire importante qui préoccupe les musulmans en Europe de manière générale, et les musulmans en France en particulier, et dont l’ensemble des musulmans dans le monde sont solidaires. Il s’agit de l’affaire du voile à l’école en France, et en Europe de manière générale, et le fait qu’on y interdise aux élèves musulmanes d’observer le port du voile, devoir religieux qui leur incombe, et qu’on les contraigne à abandonner une obligation religieuse vis-à-vis de laquelle la croyante ne peut que dire : "Nous avons entendu le commandement de Dieu et nous avons obéi." comme dans le verset : "Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois que Dieu et Son messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le choix dans leur façon d’agir. Et quiconque désobéit à Dieu et à Son Messager, s’est égaré d’une manière manifeste."
Le hijâb, c’est-à-dire le fait que la femme musulmane cache son corps à l’exception de ses mains et de son visage - et ses pieds selon certaines écoles de jurisprudence -, est une obligation islamique qui ne fait l’objet d’aucune divergence.
Son caractère obligatoire est établi explicitement dans le Coran, dans la Sunnah authentique et par l’unanimité de la Communauté musulmane, toutes écoles confondues. Aucune école de jurisprudence ne s’est distinguée des autres sur cette question, et aucun juriste n’a affiché la moindre différence. La pratique musulmane l’a entériné pendant treize siècles jusqu’à la colonisation des pays musulmans. Cette dernière a alors imposé son lot de conceptions intruses, qui ont dévoyé la pensée des musulmans, et son lot de coutumes étrangères qui ont affecté leur comportement, et ce, jusqu’à l’avénement de l’éveil et du renouveau islamique. Les musulmans et les musulmanes ont alors retrouvé leur confiance en eux-mêmes et en leur religion et sont revenus librement à l’observance du voile par les femmes, jeunes et moins jeunes.
L’avis que le Conseil Européen de Fatwa retient et confirme que :
Il ne fait aucun doute et il n’y a aucune divergence sur le caractère obligatoire du voile, au plan religieux, pour toute musulmane pubère. Suffit à cet effet la Parole de Dieu - Glorifié soit-Il : "Et dis aux croyantes de retenir leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines." ainsi que Sa Parole : "O^ Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux."
Du moment que cela constitue un devoir religieux pour la musulmane, il n’est pas acceptable - du point de vue de la religion, de l’éthique, de la coutume, de la loi et de la constitution - qu’elle soit contrainte de l’enlever, violant ainsi ses convictions et sa conscience.
Et si une telle contrainte était admissible dans quelque pays, cela ne saurait l’être en France, pays dont la révolution avait pour emblème, et dont la république a pour fondement, les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect des droits de l’Homme.
Tout être humain a le droit de respecter ses obligations religieuses, d’oeuvrer pour obtenir l’agrément de son Seigneur et d’obéir à Ses commandements, sans que personne ne lui fasse subir de pression, matérielle ou morale, afin qu’il délaisse ses obligations. Il va sans dire que cela rentre dans le cadre de la liberté religieuse d’une part, et de la liberté individuelle d’autre part. Ces deux libertés font partie des libertés fondamentales spécifiées dans les constitutions modernes, dans les conventions internationales, et dans la déclaration des droits de l’Homme.
Par ailleurs, la laïcité libérale - et chacun le sait - n’est ni hostile, ni favorable aux religions. Elle adopte une position neutre à leur égard. Tout comme personne n’empêche celle qui le souhaite de porter une mini-jupe, une micro-jupe ou tout effet vestimentaire similaire, personne ne doit empêcher celle qui souhaite porter le voile de le faire. Autrement, la civilisation occidentale fonctionnerait avec deux poids et deux mesures, et pratiquerait le double langage.
Il n’y a guère que la laïcité athée qui livre la guerre au sentiment religieux dans son ensemble et considère la religion, quelle qu’elle soit, comme l’opium des peuples.
Enfin, l’affirmation de certains Français, selon qui le voile est un symbole religieux, est totalement fausse : Le symbole est un objet qui n’a pas de fonction propre, il est un emblème et une manifestation, comme l’étoile de David et la kippa pour les Juifs, ou la croix pour les chrétiens. Le voile quant à lui remplit une fonction connue à savoir la couverture du corps et la pudeur.
Malgré cela, personne n’empêche le juif de porter la kippa, ni le chrétien de porter la croix, ni le sikh de porter son turban. Pourquoi empêcherait-on uniquement la musulmane de porter son voile ?
Nous demandons à la France, qui se targue d’être la mère des libertés, de respecter les convictions et les sentiments des musulmans du monde entier, et d’accepter la diversité culturelle et religieuse dans sa société, à l’instar de la civilisation musulmane qui a su faire une place à diverses religions, cultures et appartenances ethniques, chacune d’elles ayant apporté sa pierre à l’édifice comme en atteste l’Histoire.
Nous nous adressons également aux dignitaires musulmans, aux muftis qualifiés, ainsi qu’aux institutions scientifiques et religieuses, et aux instances islamiques reconnues dans les contrées musulmanes afin qu’ils s’expriment franchement sur le statut juridique du voile pour la femme musulmane et qu’ils soient solidaires des musulmans en Europe de manière générale, et en France en particulier, et qu’ils invitent le monde civilisé à être solidaire de nos filles et de les soutenir.