DU PROPHÈTE (P) À SON CONTINUATEUR, L'IMAM 'Alî(P)
Al-Hassan doit cette personnalité prestigieuse et cette place privilégiée auprès de la Ummah non seulement à l'apport éducatif direct du Prophète, limité aux sept premières années de sa vie, mais aussi et surtout à la continuité de cet apport, continuité assurée par la présence de l'Imam 'Alî à ses côtés durant toutes les phases de développement de sa personnalité.
Si dans la phase de la première enfance d'al-Hassan - où l'éducation consiste en un milieu sain et un climat d'amour, de tendresse et de tolérance dans lequel évolue l'enfant - le Prophète (Ç) et Fâtimah al-Zahrâ' formaient avec l'Imam 'Alî ce milieu et assuraient ce climat; à partir de sa seconde enfance qui coïncida avec le décès de son grand-père et de sa mère (à huit mois d'intervalle)(1) et où commencent les phases de l'apprentissage et de l'acquisition des connaissances(2) (3), l'Imam 'Alî deviendra son principal maître et éducateur et veillera sur sa formation et sur le perfectionnement de sa personnalité et de son expérience jusqu'à l'âge de 37 ans. (4)(5)
Or, quel meilleur maître et quel meilleur continuateur de l'œuvre éducative du Prophète que celui dont le Messager de Dieu (Ç) dit: «Je suis la cité du savoir, 'Alî en est la porte», celui qui fut éduqué lui-même par le Prophète et dans la «Maison de la Révélation», celui enfin à qui ce dernier «n'avait rien à cacher des secrets du Message»: «Vous connaissez ma proche parenté avec le Messager et ma position particulière auprès de lui», rappela l'Imam 'Alî un jour:
«Il me mettait dans son giron lorsque j'étais tout petit. Il me serrait contre sa poitrine, m'entourait dans son lit, me faisant toucher son corps et sentir son odeur. Il mâchait les aliments avant de me les mettre dans la bouche. Il ne m'a jamais entendu mentir, ni ne m'a jamais vu commettre une faute dans mes actes. Chaque jour il m'apprenait davantage de sa morale et m'ordonnait de suivre son exemple. Chaque année il m'amenait à Herâ'(6)(7), où je le voyais alors que personne d'autre n'avait ce privilège. En ces temps-là, l'Islam réunissait sous un même toit, le Messager, Khadijah et moi le troisième. J'y voyais la lumière de la Révélation et du Prophète, et j'y sentais le souffle de la Prophétie». (8)(9)
II n'y aura donc aucune rupture dans l'éducation prophétique de l'Imam al-Hassan après le décès de son grand-père. Ce que le Prophète n'a pas eu le temps d'achever (dans l'éducation d'al-Hassan) l'Imam 'Alî le fera avec d'autant plus de compétence et de pertinence qu'il avait été lui-même éduqué et formé par le Messager et qu'il avait acquis son savoir sous sa direction.
Ainsi, «l'esprit du Message» et le «souffle du Prophète» continueront d'enrichir la personnalité d'al-Hassan et de perfectionner sa formation en vue d'assurer la succession de la Direction de la Ummah après la mort de l'Imam 'Alî.
Entre la mort du Prophète et celle de l'Imam 'Alî, une trentaine d'années s'écouleront pendant lesquelles l'Imam al-Hassan restera toujours présent aux côtés de ce dernier sur l'avant-scène de la direction de l'Etat islamique, et aura de ce fait toutes les occasions de puiser dans l'immense savoir islamique de son père, de manifester ses qualités transmises par le Prophète ou acquises auprès de son père, et d'être rompu aux affaires de la direction de l'Etat islamique.
Sous le Califat d'Abou Bakr et de 'Omar
Sous le Califat d'Abou Bakr et de 'Omar, où al-Hassan traverse sa seconde enfance et son adolescence, les historiens passent souvent sous silence les rapports entre ces deux grands Compagnons et le petit-fils du Prophète. Toutefois comme nous avons déjà pu l'apercevoir çà et là, aussi bien le premier que le second Califes-Bien-Dirigés ont à diverses occasions exprimé leur estime pour celui qui évoquait chez eux le souvenir du Prophète, et rappelé à la Ummah la place privilégiée qu'il occupait auprès du Messager de Dieu.
Sous le Califat de 'Othman
C'est surtout à partir du Califat de 'Othman qu'al-Hassan, déjà mature et dépassant la vingtaine, commence à donner la mesure de sa personnalité et à présenter les signes d'un futur digne successeur du Messager. Jour après jour, les principes et les qualités que lui avaient transmis et inculqués son grand-père et son père devenaient plus évidents.
Auréolé du prestige du Prophète et imprégné du savoir, de l'éloquence et du courage de l'Imam 'Alî, il conquit vite une place de choix dans les premiers rangs des compagnons et des grandes figures de la Ummah. Grand connaisseur de la Chari'a, esprit judicieux, combattant et défenseur intransigeant de l'intégrité du message et de la Sunna du Prophète, il participa par ses actes et ses opinions aux affaires de l'Etat islamique et à la défense de son unité et de son intégralité.
S'il fut souvent présent dans les séances du Calife, il ne manqua pas de s'engager dans les armées islamiques qui s'apprêtaient à traverser le Maghreb et la lointaine Afrique pour le besoin de la cause islamique.
A diverses occasions, l'Imam al-Hassan montra en présence de 'Othman et de hauts dignitaires de la Ummah qu'il était un homme d'ijtihâd (jugement personnel déduit des préceptes de la Chari'a) et qu'il avait son mot à dire concernant les grandes affaires de l'Etat islamique. Aussi n'hésitait-il pas à dire son mécontentement de certains de l'entourage du Calife, tels les ex-Tulaqâ' qui passaient souvent outre aux règles de la Chari'a.
Mais ce souci de préserver l'expérience de tout ce qui constituerait un accroc à la morale islamique n'empêchait pas al-Hassan de manifester, sous l'impulsion de son père, et dès les premières années de sa maturité, un autre souci majeur: sauvegarder l'unité de l'Islam.
Aussi son mécontentement à l'égard de l'entourage de 'Othman ne le détourna-t-il pas de son devoir de défendre ce dernier, Calife officiel des Musulmans et symbole de leur unité, et de se tenir à ses côtés, prêt à se sacrifier pour le protéger contre les masses des contestataires qui, exaspérés par la corruption prolongée du gouvernement, s'apprêtaient à attenter à sa vie.
Ainsi, dès la première heure où s'est déclenchée l'émeute qui allait déboucher sur l'assassinat de 'Othman, al-Hassan fut parmi les rares médinois qui se sont battus contre les rebelles.
Lorsque, par la suite, 'Othman se voyant assiégé, écrit à l'Imam 'Alî pour l'informer de la gravité de sa situation, celui-ci malgré sa brouille avec le Calife, dépêcha al-Hassan à la tête d'un groupe de ses partisans et proches, avec armes et munitions, en leur demandant de garder la maison du Calife.
Et s'adressant à ses deux fils, il leur dit: «Prenez vos épées et tenez-vous près de la porte de la maison de 'Othman. Empêchez quiconque de l'atteindre». (10) Ainsi, al-Hassan et les siens furent là encore les premiers à venir au secours du Calife assiégé lorsque le danger commençait à se préciser.
Cette attitude suscita la gêne de quelques Compagnons restés les bras croisés et conduisit certains d'entre eux, tels Talhah et al-Zubayr, à mobiliser leurs fils, pour ne pas être accusés de manquement à la solidarité.
Paré de son épée et de tout un équipement de guerrier, al-Hassan entra chez 'Othman et lui fit savoir sa détermination à le défendre jusqu'au bout. Ce dernier, touché par cette bonne intention, protesta: «Non, rentre chez toi! J'attends que Dieu décide de mon sort».
Mais ayant reçu de son père l'ordre formel de ne quitter 'Othman sous aucun prétexte, al-Hassan se tourna vers les assiégeants et chargea avec ses compagnons pour les disperser.
Le Calife toujours soucieux de ne pas mettre en danger la vie de ses défenseurs cria à leur adresse: «Par Dieu, par Dieu! Vous êtes dégagés de l'obligation de me soutenir. Celui qui croit me devoir obéissance, doit rester chez lui, car les gens en veulent à moi personnellement».
Et voyant al-Hassan s'acharner contre les rebelles malgré sa blessure, il le supplia: «Ô neveu! Ton père doit être en plein chagrin. Je t'adjure d'abandonner ...».
Dans le camp des révoltés les flèches des combattants en colère continuaient à se diriger en direction de la maison de 'Othman. Les assiégeants ayant remarqué la blessure du petit-fils du Prophète et craint par conséquent que cela ne provoque la mobilisation générale des Banî Hâchim(11)s'éloignèrent momentanément.
Le Calife pour sa part resta à la maison et continua à adjurer la poignée d'hommes venus à son secours de se retirer, ce que la plupart d'entre eux finirent par faire. Quant à al-Hassan, ni sa blessure ni les adjurations de 'Othman ne purent entamer sa détermination de veiller à la sécurité du Calife.
Aussi resta-t-il avec quelques autres notables devant la porte du Calife pour barrer la route aux rebelles. Ceux-ci appréhendant un affrontement généralisé avec les Hâchimites, finirent par contourner la maison de 'Othman pour éviter un accrochage risqué avec les défenseurs du Calife, et la pénétrèrent en l'escaladant.
Lorsqu'al-Hassan et son frère, se rendant compte de la manœuvre des assaillants, se précipitèrent à l'intérieur de la maison califale, ils furent consternés en trouvant 'Othman déjà assassiné.
Notes :
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1- Selon certaines sources à trois mois d'intervalle.
2- Voir Etudes dans la psychologie islamique, dans la revue trimestrielle Al-fajr, N°. 3, 1404 h.
3- Voir Etudes dans la psychologie islamique, dans la revue trimestrielle Al-fajr, N°. 3, 1404 h.
4- Lorsque l'Imam 'Alî décéda, l'Imam al-Hassan avait 37 ans.
5- Lorsque l'Imam 'Alî décéda, l'Imam al-Hassan avait 37 ans.
6- La cave de Herâ', c'est le lieu dans lequel le Prophète se retirait pour recevoir la Révélation.
7- La cave de Herâ', c'est le lieu dans lequel le Prophète se retirait pour recevoir la Révélation.
8- Nahj al-Balâghah, cité par M. Bâqir al-Çadr dans Le Chiisme, prolongement naturel de la ligne du Prophète (Titre arabe: Bahthun fil Wilâyah) pp. 63 - 64.
9- Nahj al-Balâghah, cité par M. Bâqir al-Çadr dans Le Chiisme, prolongement naturel de la ligne du Prophète (Titre arabe: Bahthun fil Wilâyah) pp. 63 - 64.
10- Kâmel Sulaymân, op. cit., p. 60.
11- Le clan du Prophète et de l'Imam 'Alî.