Le Coran est l'une des sources d'Ijtihad. Est-ce que le jurisconsulte religieux ( Faghih) peut se référer et avoir recours au Coran, sans aucun préjugé. Si la réponse est négative, quels sont les préjugés qu'il doit prendre en considération avant d'avoir recours au Coran ?
Question
Le Coran est l'une des sources d'Ijtihad. Est-ce que le jurisconsulte religieux ( Faghih) peut se référer et avoir recours au Coran, sans aucun préjugé. Si la réponse est négative, quels sont les préjugés qu'il doit prendre en considération avant d'avoir recours au Coran ?
Résumé de la réponse
Ce qu'on peut apporter, brièvement, comme réponse à cette question, c'est que :
1- Le Coran est la principale source de la Charia et la principale source de référence pour extraire des décrets religieux.
2- L'usage du Coran ne sera pas crédible à moins que deux principes essentiels, c'est-à-dire la preuve textuelle et la preuve réglementaire du Coran soient prouvés ?
3- Les fondements, admis par le jurisconsulte religieux (Faghih), pour l'interprétation et la conception du noble coran se divisent en deux catégories, textuelle et réglementaire.
4- Les fondements textuels du Coran sont :
A- Le Coran est révélé par Dieu.
B- Le Coran est à l'abri de toute sorte d'altération et de défauts et d'omissions.
C- La révélation est à l'abri de toute faute.
D- Le prophète de l'islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), fut à l'abri de toute erreur intentionnelle ou non intentionnelle, dans la conception de la révélation ainsi que dans sa transmission.
5- Les fondements réglementaires du Coran sont :
A- Dieu a voulu accorder des sens particuliers aux mots des Coran.
B- Pour l'expression des intentions divines, au moins dans les prescriptions secondaires, la méthode générale de la conception ainsi que celle des sages n'a pas été ignorée sans pour autant faire usage des expressions mystérieuses ni des paraboles.
C- La possibilité de la compréhension des versets du Coran existait pour les sages, au moment de la révélation des versets.
D- Les prescriptions divines sont universelles et n'appartiennent pas à un cas ni à une position particulière, à moins que leur nullité ou leur muabilité soient prouvée.
Réponse détaillée
Du point de toutes les confessions et écoles islamiques, le Coran est la première et la plus importante source, reconnue, en Islam. Et tout le monde s'accorde à reconnaître et à avouer que la première source de la Charia à se référer pour extraire des avis de l'Islam dans divers domaines, est le noble coran, livre céleste, un miracle que le messager de Dieu (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) nous a laissé comme en dépôt.
En effet, partant de ces deux principes de conception et d'interprétation du noble coran, il est admis que :
1- Le Coran est un document divin et une preuve de Dieu révélée à l'homme. Le "Coran" auquel a, actuellement, accès tout le monde, est le même coran révélé par Dieu et aucun élément non divin n'y pas introduit, soit intentionnellement, soit par erreur. Autrement dit, le Coran qui existe, actuellement, possède une preuve textuelle.
2- Le message du Coran est accessible et on peut s'y référer pour acquérir et obtenir un avis religieux; autrement dit, le Coran, outre sa preuve textuelle, dispose, également, d'une preuve réglementaire.
Par conséquent, lorsque le jurisconsulte religieux consulte le noble coran, en tant que principale source d'Ijtihad, pour extraire des prescriptions religieuses, il prend, avant de s'y référer, un ensemble des fondements qui portent, à la fois, sur l'émanation du noble coran et le sens qu'il comporte. Car, en cas du moindre doute sur l'émanation ou sur le sens argumentaire du noble coran, le jurisconsulte ne peut pas adapter ses avis au Coran ni à la révélation. Il ne peut pas attribuer, ainsi, les avis qu'il retire du coran, ni à Dieu ni à sa religion. Les fondements textuels qui concernent l'émanation du Coran sont :
1- Avant toute chose, le jurisconsulte religieux admet que le Coran est révélé de la part de Dieu. Car, si le coran n'émanait pas de la part de Dieu, il serait hors question pour le jurisconsulte religieux de s'y adresser pour extraire et obtenir un avis de la religion. Lorsqu'on dit que le Coran est révélé par Dieu, cela veut dire que :
A- Les dispositions dont contient le Coran, proviennent de Dieu.
B- Les expressions impaires et les compositions, inclues, dans le noble Coran, proviennent de Dieu, autrement dit, les expressions, les compositions, bref les versets sont révélés par Dieu.
C- Cette façon de l'arrangement des verts, juxtaposés les uns à coté des autres, qui forment les sourates, ainsi que la juxtaposition des sourates aussi relèvent de la révélation.
2- Le jurisconsulte admet que le Coran actuel est le même coran qui existait aux premiers temps de l'apparition de l'islam et il admet que tous les versets du Coran sont de la révélation divine, c'est-à-dire que rien n'y a ni ajouté ni omis. Par conséquent, la base actuelle peut servir à la fois pour le débat portant sur l'altération et la question de la continuité et de la transmission du Coran.
3- Le jurisconsulte religieux admet que la révélation est à l'abri de toute faute, c'est-à-dire que la science divine est transmise au prophète de l'islam (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), sans aucun changement ni aucune omission, autrement dit, dans son intégralité. Ici, on ne veut dire que le noble prophète n'a pas transmis que ce que lui avait été révélé ou de dire qu'il n'avait pas commis une erreur dans la conception de la révélation, mais, on veut dire que aucune erreur n'avait eu lieu, dans la transmission, via la révélation, de la science divine au prophète (que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants).
4- Le jurisconsulte admet que le messager de Dieu ( que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants), n'a commis, soit intentionnellement, soit non intentionnellement, aucune erreur. En d'autres termes, la révélation était, elle-même, à l'abri de toute faute, et le prophète aussi n'a commis aucune erreur intentionnelle ou non intentionnelle ni dans réception, ni dans la conception et ni dans la transmission du Coran.
Les fondements réglementaires sont :
1- Le jurisconsulte se réfère au Coran, tout en croyant que Dieu a voulu donner des sens particulier aux mots, inclus, dans le Coran. Ce fondement, quoiqu'il a apparaît tout à fait évident, mais, il peut faire être, sérieusement, contesté par certaines écoles de pensée occidentales.
Certains croient à Herméneutique, l'art d'interpréter.[1] Ils disent : Lorsqu'un peintre dessine un tableau, les uns peuvent dire qu'il y exprime son chagrin, les autres peuvent dire qu'il exprime sa joie et ou qu'il y montre sa colère. Laquelle de ces interprétations est juste ? Pour répondre à cette question, il faut dire : " Tous ces points de vue s'avèrent justes et exacts. Chacun a eu sa propre conception du sens et de la signification de ce qui est représenté dans le tableau, une conception et une interprétation, d'ailleurs, admissibles.
Une telle croyance signifie que ce tableau ne comporte pas un message particulier pour mesurer le niveau de compréhension de l'autrui. Le peintre a dessiné quelque chose qui manque d'un sens définitif et chacun en retire un sens qui est conforme à sa mentalité, compatible avec sa tradition et sa culture particulière.
Partant de là, toute exégèse qu'on apporte aux textes religieux est soumise à la tradition et à la culture particulière de son auteur. [2] la compréhension religieuse est une compréhension périodique et elle est liée à la mentalité des exégètes. Parfois, on en entend ceux parmi les penseurs islamiques dire qu'il n'existe un pas derrière les versets coraniques, un sens particulier à rechercher et à découvrir, mais, que c'est un vaste espace où il y de grandes possibilités de compréhensions et le sens que tout un chacun retire des versets coraniques est juste et exacte.
Par conséquent, le jurisconsulte part de ce principe irréfutable, selon lequel Dieu a voulu donner des sens particuliers aux versets du Coran, pour en extraire une interprétation, autrement dit, le jurisconsulte déploie au maximum son effort pour extraire, via les versets coraniques, des prescriptions religieuses, tout en étant bien conscient du fait que Dieu voulait transmettre, au moyen de ces mots et de ces expressions, des sens particuliers. Et il sera récompense pour cet effort.[3]
2- Le Coran n'a pas fait usage, des moyens d'expressions telles que des paraboles au moins pour des prescriptions secondaires qui concernent la pratique des Soumis aux obligations de Dieu.[4] En fait, c'est la même méthode, employée par des sages, qui a été utilisée. Autrement dit, Dieu a choisi la même méthode des sages pour exprimer ses intentions.
Dans la science des principes, on explique, en ces termes, la preuve des apparences " L'apparence des mots est une preuve"; autrement dit ce qu'on comprend de l'apparence de la parole d'un théologien ( Mutakallim), est le même sens dont les sages endossent la responsabilité et l'engagement sur le théologien lui-même. Mais, en quoi concerne cette question, le législateur ? Comment et selon quel fondement, peut-on tenir le législateur comme responsable de l'apparence de ses expressions ? Cette question peut concerner le législateur, si nous admettons que Dieu, dans le noble Coran, ainsi que le prophète de l'islam( que le salut de Dieu soit sur lui et sur ses descendants) et les imams infaillibles ( bénis soient-ils), se sont exprimés, de la même façon que les sages, et n'ont pas employé un style d'expression distinct. En général, étendre les prescriptions portant sur les pourparlers coutumiers aux paroles du législateur repose sur l'acceptation du fondement selon lequel, le législateur s'est exprimé, de la même manière que les sages.
3- La possibilité de la compréhension du sens des versets coraniques, existait, au moment de leur révélation, pour les sages, au moins dans le domaine des prescriptions en matière de jurisprudence islamique. Autrement dit, les versets étaient de nature de permettre aux gens de cette époque-là d'en extraire le sens divin et d'en avoir une compréhension juste. Et s'ils n'y ont réussi, cela n'était, généralement, pas dû à l'absence du domaine de la compréhension ni au fait que la culture de cette époque-là ne permettait pas d'y avoir accès, mais, au contraire, cela était dû leur erreur mentale ou à leur mal compréhension.
A titre d'exemple, s'agissant d'un hadith relaté de l'imam infaillible (béni soi-il), il arrive, parfois, qu'un jurisconsulte de notre époque en retire une conception différente de celle extraite par un rapporteur du Hadith, qui vivait sous l'époque de l'imam. Et si proteste contre ce jurisconsulte religieux pour avoir présenté l'ancienne compréhension du hadith pour en présenter une nouvelle, il peut répondre : J'ai retiré ce sens du hadith, qui était compréhensible, à cette époque-là aussi. L'Imam (béni soit-il) voulait véhiculer la même chose, mais, le Rapporteur du hadith en a fait une male compréhension. Le jurisconsulte religieux ne dit pas que ce qu'il a compris, aujourd'hui, appartient à ce temps, et non pas au tems de l'émanation des hadiths. Il ne veut pas remplacer la compréhension extraite dans le passé des hadiths par la sienne.
Il ne se soumet pas à la compréhension volatile et variable. S'il arrive à une compréhension différente de ses prédécesseurs, il contredit, généralement, les principes de compréhension de ses prédécesseurs qui n'ont pas, selon, compris le sens et la signification des hadiths concernés. Le Jurisconsulte n'est jamais soumis à l'évolution de la compréhension religieuse. Il considère, en substance, comme juste, chaque compréhension, mais non pas conforme aux intentions du législateur. Il croit que le contenu de la religion est immuable, mais, ce qui ce que Dieu, son messager et les imams voulaient transmettre, via les versets et les hadiths, ont un sens particulier que le jurisconsulte pourrait ou pas obtenir.
Si le jurisconsulte dit que la compréhension qu'il a acquise, aujourd'hui, et le résultat du progrès de la science et qu'une telle compréhension n'était pas possible au temps de la révélation du Coran, un tel argument et une telle compréhension seront, certainement, dépourvus de toute crédibilité et de toute valeur. Le secret de la parole réside dans le fait que Dieu a envoyé ces prescriptions pour tous les humains les enjoignant, tous, à s'en acquitter. Autrement, on ne peut dire que certaines prescriptions sont destinées à des peuples qui mettent le pied dans le monde plus de 1000 ans plus tard et que certaines prescriptions ne s'adressaient qu'aux peuples qui vivaient, 1000 ans plutôt. En d'autres termes, on ne peut pas dire que Dieu voulait exprimer, via une action particulière,[5] plusieurs volontés canoniques, qui soient, d'ailleurs, liées à l'évolution de l'histoire, des traditions, des cultures et de la modification des compréhensions.
Aujourd'hui, nous avons besoin plus que par le passé, de la science des principes, car nous sommes loin de l'époque de la diffusion des hadiths et nous ne sommes pas contemporains du Législateur, une époque où on a compris tout ce que devait être, généralement, compris. Aujourd'hui, il n'y a pas un lien direct entre le Législateur et l'Oumma. Or, pour comprendre les versets et les hadiths, énoncés, il y a plus de 1000 ans, nous n'avons d'autre choix que d'avoir recours aux clés générales de la compréhension des mots, n'appartenant pas à un temps particulier, afin de prouver que la compréhension qu'on retire aujourd'hui, des versets et des hadiths est, générale, celle qui a été extraite, au moment de leur émanation. Et c'est le même fait qu'on aborde dans le débat sur les termes de la science des principes.[6]
4- Les versets coraniques n'appartiennent pas aux cas de la descente. Quoiqu'il ait des versets dont la descente est propre à une situation particulière, mais le jurisconsulte religieux les utilise pour répondre à ses questions et ne les considère pas comme des versets dont la date de consommation est expirée. Car, il a accepté ce principe que ces versets concernent touts les temps et tous les endroits et leur contenu reste toujours valable. Autrement dit, les versets et les prescriptions coraniques sont universels. Une vision profonde, assortie d'une assiduité en la matière a suscité le débat portant sur " la muabilité et l'immuabilité" ce qui est considéré, dans les expressions du vénéré imam Khomeiny( que sa demeure soit au paradis), comme le rôle du temps et de l'endroit dans l'Ijtihad. On en déduit que les prescriptions muables et conjoncturelles aussi sont issues, en quelque sorte, des prescriptions immuables et universelles, car elles sont émises, selon la base des critères immuables et dans des conditions particulières.
Le débat portant sur " la muabilité ou l'immuabilité" existait, également, parmi les anciens jurisconsultes religieux. Et les prescriptions muables ont été admises, d'une manière générale. Cependant, puisque la majorité d'entre eux considérait comme immuables les prescriptions de la religion, ils ont accepté le principe selon lequel " les pressions religieuses sont immuables à moins que le contraire soit prouvé, tout en le considérant comme le critère de leur action.[7]
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[1] - On appelle herméneutique cette recherche du sens, de la signification et (éventuellement) de la portée des textes.
[2] La tradition
[3] Il recevra deux primes s'il parvient au sens véritable des versets et une s'il n'y réussit pas.
[4] On insiste qu'il en est ainsi, au moins pour des prescriptions religieuses. Car, certains croient que dans les débats en dehors du cercle de la jurisprudence religieuse et des prescriptions religieuses, Dieu utilise des paraboles pour s'adresser, avec un langage particulier, à ses créatures, par exemple, pour l'expression des hautes connaissances et des profonds sens philosophiques et mystiques dans le domaine des idées et des convictions.
[5] Les versets coraniques sont destinés pour les temps, toutes les époques et tous les endroits. Or les interprétations et les conceptions qu'ont faites certains mystiques de quelques versets coraniques ne sont pas appuyées sur aucune raison religieuse, ne pouvant pas, donc, transmettre le sens divin des versets.
[6] R.F, Sadr, Seyyed Mohammad Bagher, Al-Moalem Al-Jadidah, p. 51-54
[7] Hadavi Teherani, Les fondements de l'Ijtihad, p. 33-41, l'Institut culturel, Khaneh Kherad, Qom, première édition, 1998.