II- DE LA PRESCRIPTION DE DROIT DE PREEMPTION
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108- Le droit de préemption se trouve prescrit par le défaut de la demande, quand l'intéressé a été informé du fait de la vente, et qu'il n'a eu aucun motif plausible d’empêchement. Quelques légistes sont d’avis que la prescription n’a lieu qu’après la déclaration formelle de l'intéressé, quelle que soit, d'ailleurs, la durée du délai qu'il aura pris pour se pro­noncer. Mais la première opinion est préférable. (Art. 68, 56-6 1.)

109- La renonciation au droit de préemption, avant la vente de la part du copropriétaire, est nulle et sans effet, parce qu'elle constitue l’abandon d'un droit non encore acquis. Ce point est contesté.

110- La disposition précédente s'applique encore au cas où l'intéressé a assisté à la vente en qualité de témoin, s'il a félicité le vendeur ou l'acquéreur, ou s'il a autorisé ce dernier à conclure l'achat. La prescription est encore contestée dans ces différents cas, parce qu'ils ne constituent pas une évidence plus authentique que la renonciation du préempteur avant 1 conclusion de la vente.

111- Si l'intéressé a été informé de la vente de manière qu'il ne puisse arguer d'ignorance, par exemple 'si l'information lui a été donnée par plusieurs témoins, mais à divers intervalles, ou à la fois par deux témoins de bonnes mœurs, le droit sera prescrit, si l'intéressé n'a pas formé d'opposition. Lors même qu'il déclarerait ne pas avoir ajouté foi aux témoi­gnages, cette excuse ne sera pas admise. (Voir Témoignage.)

112- Si, dans le cas précédent, l'avis a été donné par un mineur ou par plusieurs individus de mœurs déréglées, le droit de préemption ne sera pas prescrit, et l'intéressé sera admis à faire valoir ses excuses. (Voir Témoignage)

113- La disposition précédente s'applique aussi dans le cas où l'avis de la vente a été donné par un témoin unique, fût-il de bonnes mœurs; l'in­téressé sera admis à faire valoir ses excuses, parce que le témoignage d'un seul témoin ne fait pas foi en justice. (Voir Témoignage.)

114- Si l'acquéreur et l'intéressé ont ignoré le prix de la vente, le droit de préemption se trouve prescrit, à cause de l'impossibilité, pour l'in­téressé, de livrer la somme convenue. (Art. 5o et 82.)

115- Le droit de préemption sera prescrit si l'intéressé, se trouvant dans un lieu éloigné de celui où se trouve la chose vendue et étant informé de la vente, a attendu, pour se prononcer, qu'il se fût rendu sur le lieu où est située la propriété indivise. (Art. 58 et 61.)

116- S'il appert que la quotité du prix de la chose vendue appartenait à un autre que l'acquéreur, il n'y aura pas lieu d'exercer le droit de préemption, l'acte en vertu duquel il peut être exercé étant annulé. (Art. 77 et 78.)

117- Il n'y aura pas non plus lieu d'exercer le droit de préemption, si l’intéressé et l’acquéreur avouent, ou si l’intéressé seul avoue, que la quotité du prix de vente a été dérobée à autrui, ou si cette quotité vient à périr aux mains de l’acquéreur, avant la remise au vendeur. (Art. 77 et 78 Voir Détention Injuste).

118- Parmi les fraudes qui peuvent être employées pour mettre obstacle à l’exercice du droit de préemption, il en est quelques-unes qui sont autorisées ; par exemple : le copropriétaire peut stipuler un prix plus élevé que la valeur réelle de la part vendue et se contenter de recevoir une quotité inférieure à celle qui est convenue ; le vendeur peut stipuler un prix plus élevé que la valeur réelle de la chose vendue, se contenter d’en recevoir une partie et faire remise gratuite du reste ; le vendeur peut simuler une donation ou tout mode de transfert autre que la vente.

Dans les deux premiers exemples, si l’intéressé accuse le copropriétaire d’avoir conclu une vente secrète, et si ce dernier, avouant le fait, déclare avoir oublié le montant du prix convenu, le serment lui sera déféré sur ce point, et s’il le prête, il n’y aura pas lieu d’exercer le droit de préemption[1].Mais si le vendeur déclare ignorer le prix de vente, il sera mis en demeure de s’expliquer et de le déclarer, cette excuse n’étant point admissible. Le Cheikh Toussi est d’avis que, dans ce dernier cas, le serment doit être déféré à l’intéressé. (Art. 50-53-82- et 114- Voir Procédure)

CHAPITRE V
DES CONTESTATIONS AU SUJET DE LA PREEMPTION


119. En cas de contestation, entre le préempteur et l’acquéreur, sur le montant du prix de vente, et à défaut de preuves, l’acquéreur sera cru sur son serment, qui lui sera déféré, parce que la plainte à pour but de lui enlever la chose qui est en sa possession.

120- La preuve, si elle a lieu, sera admise en faveur de la partie qui la fournira.

121- Le témoignage du vendeur en faveur de l’une ou l’autre partie ne peut etre admis.

122- Dans le cas où chacune des deux parties fournirait également la preuve, celle de l’acquéreur sera seule admise. Cependant, quelques légistes sont d’avis que l’on doit, de préférence, admettre la preuve fournie par le préempteur, parce qu’il n’est point le détendeur de la chose dont le prix est en litige.

123 En cas de contestation, entre le vendeur et l'acquéreur, sur la quotité du prix de vente, la preuve sera en faveur de la partie qui la fournira.

124- Le cheikh Toussi est d'avis que, si le vendeur et l'acquéreur four­nissent tous deux la preuve, il doit être procédé par voie de tirage au sort. Mais cette opinion nous paraît contestable, parce que la décision par la voie du sort n'est admise qu'en cas de doute sur la manière de procéder ce qui n'a pas lieu ici, puisqu'il est reconnu en jurisprudence que, en cas de présomptions égales, le serment doit être déféré au vendeur, tant qu'existe la chose vendue, et que la preuve fournie par l'acquéreur doit faire foi.

125- Une fois que la quotité du prix de vente aura été juridiquement fixée, le préempteur pourra, à son choix, se saisir de la chose vendue moyennant le prix fixé, ou renoncer à l'exercice de son droit.

126- L'auteur du Khélâf est d'avis que, si le copropriétaire d'un bien indivis déclare avoir vendu sa part à un autre que le coassocié, et que cet autre nie, l'associé se trouve, par le fait, en droit d'exercer la préemption, la déclaration du copropriétaire équivalant à un aveu. Cependant ce point est contesté, parce que le droit de préemption ne peut être exercé que sur une chose dont la vente a été formellement conclue. Mais la première opi­nion est, dans ce cas, préférable. (Art. 106 et 109)

127- En cas de contestation entre deux possesseurs d'un bien indivis, l'un prétendant que l'autre a acheté sa part à une époque postérieure à celle de l'achat de la sienne propre, le serment sera déféré au second, s'il nie le fait [2] ; le serment peut encore être déféré à chacune des deux parties sur le point qu'elles n'ont pas réciproquement le droit d'exercer la préemption , sans qu’on soit obligé de le déférer sur le point d’antériorité réciproque de la vente des parts respectives.

128- Si chacun des deux copropriétaires déclare être en droit d’exercer la préemption à l’égard de l’autre, le serment sera, à défaut de preuve, déféré à chacun d’eux, et s’ils le prêtent, la propriétaire du bien indivis leur sera confirmée dans l’état antérieur à la contestation. Si l’un des copropriétaires fournit la preuve de l’achat, mais sans date, étant insuffisante. Si, au contraire, un des copropriétaires prouve l’antériorité de son achat sur l’achat qui a été opéré par l’associé, la partie en faveur de laquelle la preuve est produite sera mise en droit d’exercer la préemption.

129- Si chacune des parties fournit la preuve de l’achat sans date ou à la même date, elles seront renvoyées toutes les deux de la plainte.

130- Si chacune des deux parties fournit la preuve de l’antériorité de l’achat des parts respectives, il sera procédé par la voie du sort. Quelques légistes sont d’avis que, dans ce cas, les parties sont renvoyées de la plainte et confirmées dans la propriété du bien indivis dans l’état où elle se trouvait avant le procès.

131- Dans le cas où le copropriétaire [3]affirme que le possesseur de la part ayant appartenu à l’associé l’a acquise par voie d’achat, tandis que le possesseur affirme qu’elle lui a été acquise par voie de succession, le Cheikh Toussi est d’avis qu’il doit être procédé par voie de tirage au sort, si chaque partie produit la preuve de sa déclaration, à cause de la contradiction des témoignages (Art. 1, 15, et 17- Voir Procédure et Témoignage)

132- Si le copropriétaire intéressé accuse le détenteur de la part de l’associé de l’avoir acquise par voie d’achat, et que le possesseur déclare en être le détenteur à titre de dépôt, la preuve fournie par l’intéressé fera foi, parce que le dépôt ne s’oppose pas à ce que la chose déposée puisse être achetée par le dépositaire. (Art., 1, 15, et 17. Voir Dépôt.)

133- Si, dans le cas précédent, le demandeur fournit la preuve de la vente, et si le défendeur fournit, de son côté, la preuve que la chose dont il est détendeur lui a été remise à titre de dépôt à une époque postérieure à celle de la vente, le cheikh Toussi est d'avis que la preuve du dépôt l'emporte sur celle de la vente, parce qu'elle n'a pour objet que le fait A la propriété de la chose en litige; puis on en référera au déposant et s'il confirme le dire du défendeur, le jugement sera prononcé en faveur de dernier, et le demandeur sera débouté de sa demande en préemption Si au contraire, le déposant infirme la déclaration du défendeur, le jugement sera prononcé en faveur du demandeur.

134- Si, dans le cas précédent, le demandeur fournissant la preuve de la vente de la chose qui se trouve en la possession du défendeur, celui-ci fournil la preuve du dépôt, mais sans en produire la date, il sera procédé en faveur du demandeur, sans qu'il soit nécessaire d'en référer au dépo­sant, cette formalité devenant alors inutile.

135- En cas de contestation entre le vendeur et l'acquéreur, d'une part, et le copropriétaire intéressé, de l'autre, les premiers déclarant que la quotité du prix a été dérobée à autrui, l'intéressé sera cru sur sa décla­ration, sans que le serment lui soit déféré, à moins que les demandeurs ne l'accusent d'avoir connaissance du fait[4]. (Arl. 77, 78 et 117.)

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[1] A cause de l’ignorance de la quotité du prix de vente
[2] Le droit de préemption ne pouvant être exercé que dans le cas où les parts respectives ont été acquises à des époques différentes
[3] Le texte désigne, dans cet exemple et les suivants, le défendeur et le demandeur par le terme شريك schérik, « associé », de sorte qu’il y a amphibologie ; car le lecteur peut croire qu’il s’agit de deux premiers copropriétaires, tandis qu’il s’agit de l’associé préempteur et de l’acquéreur devenus d’ailleurs copropriétaires.
[4] Dans ce cas, le serment sera déféré, sur ce point, au défendeur.