Différents points de vue au sujet de la notion d'amour
Puisque l'on aborde la question des différents points de vue au sujet de l'amour, commençons par celui qui en connaît les arcanes. Le point de vue de Rûmî au sujet de l'Amour dont il a connu l'aspect imposant, passe avant tout autre. Il dit :
Dar kaf-e Shir-e nar-e khûnkhâreyi,
joz ke taslim o rezâ kû châreyi
Dans les griffes d'un Lion sanguinaire
Que faire d'autre sinon se soumettre avec résignation
(Mathnawî Ma’nawî, Cahier 6, numéro de vers : 577)
Lorsque le sentiment amoureux (1) atteint un degré tel qu’on le désigne par le terme de ‘eshq, (amour passion), il suscite un état où les pensées et la volonté de « l’amoureux, (se) » sont sous son contrôle exclusif. Il domine la raison, bloque le pouvoir de décision et va jusqu'à créer un état proche de la folie, dans lequel la passion seule impose son empire.
Qiyâs kardam, tadbir-e ‘aql dar rah-e ‘eshq
Cho shabnami-st ke bar bahr mikeshad raqami
J'ai évalué le rôle de la raison dans la voie de l'amour
Il est semblable à la trace que la rosée espérerait pouvoir laisser sur la mer (2)
(Dîvân Hâfez, 471 : 2)
Dans la guerre que se livrent l’amour et la raison, on constate que l’amour l’emporte toujours, et impose sa loi à la raison.
Nîk-khâhânam nasîhat mî konand
Khesht bar daryâ zadan bî hâsel ast
Showq râ bar sabr qovvat ghâleb ast
‘Aql râ bâ ‘eshq da’vi bâtel ast
Ceux qui veulent mon bien, me dispensent leurs conseils
Il est absurde de bâtir sa maison sur la mer
La ferveur (eshtiyâq) l’emporte sur la patience
La raison ne peut rien prétendre devant l’amour
(Dîvân Ash’âr, Sa’adi, Ghazaliyât, 72 : 3 et 4)
Ces vers décrivent avec éloquence la puissance aveuglante de l’amour passion. Il fait « perdre » la tête ! C’est cette situation de bouillonnement, d’énergie excessive, envahissante, débordante, souveraine et impérieuse de l’amour que l’on désigne par le terme de ‘Eshq. Les exhortations sont vaines, la querelle est vaine, la raison est purement et simplement évacuée par l’invasion amoureuse et cela fait la difficulté principale avec la situation ; elle échappe au libre-arbitre de l’homme.
Dar ‘Eshq-e to-am nasihat o pand che sud ?
Zahr-âb cheshide-am marâ qand che sud ?
Guyand marâ ke band bar pâ-sh nahid
Dîvâneh del ast pâ-m bar band che sud ?
Dans mon amour pour toi, conseils et avis sont vains
J’ai bu l’eau venimeuse de la séparation, à quoi me sert le sucre,
On dit de moi : mettez-lui les fers aux pieds, à ce fou !
A` quoi sert-il de m'attacher le pied ? C’est mon cœur qui est fou!
(Dîvân Shams, Robâ’îyât, quatrain 669)
Celui que l’Amour a choisi devient sourd à tout conseil et son cas ne relève plus de l’exhortation. Parce que le cas de l’amoureux est différent d'une personne qu'un malheur frappe et qui prête l’oreille aux conseils et essaie de les suivre pour tenter de se sortir de ce qui lui semble irréparable. Cette personne pourra se remettre de ce malheur même si elle demeure quelque temps inconsolable, parce qu’elle fait de son mieux pour s’y appliquer de façon correcte et avec le moins de séquelles. Tandis que l’amoureux, lui, ne considère pas sa folie amoureuse comme un malheur pour qu'il cherche à s'en remettre. Il a une bonne connaissance de ce qui lui arrive : il est submergé dans un océan qui lui fait goûter la douceur et l’amertume, le salé et le sucré à la fois. Son expérience de la coïncidence des contraires l’alimente et le fascine assez pour qu’il ne prête plus l’oreille aux conseilleurs dont il est convaincu qu’ils n’ont rien à lui apporter dans cette histoire car ils ne comprennent rien à son état.
Man dard-e to râ ze dast asân nadaham,
Del bar nakanam ze Dust tâ jân nadaham
Az Dûst be yâdegâr dardi dâram
K-ân dard be sad hezâr darmân nadaham
Le mal dont je souffre pour toi ! Je ne le céderais pas facilement !
Je ne détacherai pas mon cœur de mon Bien-aimé, tant que je ne lui rendrai pas ma vie
En guise de souvenir, j’ai reçu de l’ami une douleur
Que je n’échangerai pas contre mille remèdes !
(Dîvân Shams, Robâ’îyât, quatrain 1334)
Dès les premiers vers du Mathnawî, le lecteur avisé comprendra qu’il a affaire à un homme dont l’expérience au sujet de l’amour divin a été très loin et la connaissance très sûre. On comprend vite qu’il a goûté à quelque chose que très peu d’hommes ont approché. La rencontre de Shams lui a fait vivre une grande expérience, celle de voir de près, le sens du nom divin composé : Allah al-Samad (3) !
***
Comme dit Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me renforce ». L’amour aussi une fois goûté et expérimenté renforce l’amoureux comme un malheur qui peut avoir des effets utiles a posteriori. Mais en tous cas, ce côté positif ne pousse personne à recommander aux autres : « Stoppez le cours normal des choses dans votre vie, laissez les épreuves vous affliger parce que le malheur et l’infortune soudaine sont très efficaces à faire évoluer l’homme et améliorer ainsi son pouvoir de discernement dans la vie ».
Il en va de même pour cette situation que l’on nomme ‘eshq et où tout avertissement, toute mise en garde, tout conseil, toute recommandation s’avèrent inutiles. L’amour est en soi un « accident qui survient à l’improviste » (4) dans le but de tout renverser avant de s’engager à tout reconstruire. Cet évènement, Sohrab Sepehri, le poète contemporain iranien, l’a très magistralement décrit :
Behtarin chiz residan be negâhi-st ke az hâdese -ye ‘Eshq tar ast.
La fin ultime de la vie est d’arriver à ce regard mouillé.
Qui annonce l’avènement de l'Amour.
Rûmî dit :
‘Eshq âmadani bud na âmukhtani !
L'amour est quelque chose qui survient, et non pas qui s'enseigne! (5)
(Dîvân Shams, Robâ’îyât, quatrain 1899)
C’est donc un vécu, un évènement qui, lorsqu’il survient, peut anéantir la vie d’un homme tout comme il peut induire en lui les meilleurs changements fondamentaux et lui apporter mille et une nouvelles raisons de vivre.
Comme le dit Rûmî au début de son Dîvân, l’amour joue le rôle de la résurrection pour tout renverser.
Ey rastkhiz-e nâgahân, v-ey rahmat-e bi montahâ
ô résurrection soudaine! ô miséricorde sans limites!
(Dîvân Shams, Ghazal 1 : 1)
Ceux qui croient au Jour de la résurrection savent très bien que ce Jour viendra, indépendamment de leur recommandation. Ce n’est pas quelque chose que l’on se conseille l’un à l’autre. Par contre, s’il y a quelque chose à faire, c’est d’enseigner aux hommes comment mener leur vie, comment observer les lois et attitudes à respecter pour accueillir ce Jour et réussir l’épreuve qu’il imposera... Dans le même ordre d’idées, il s’agit donc d’apprendre comment faire face à l’Amour comme résurrection mineure, et non d’épiloguer sur la question du temps et des circonstances de son avènement.
Quelques opinions au sujet de l’amour passion
Une opinion est celle qui soutient que l’amour passion est absolument suscité par un motif sexuel, dans sa cause et dans sa finalité. En fait le champ sémantique du verbe « aimer » est si vaste, qu’il contredit en soi cette thèse. Nous employons ce verbe pour exprimer des sentiments purement moraux, comme : aimer ses parents, ses enfants, son pays, sa religion, son Dieu, aimer rire, etc., mais aussi pour exprimer des préférences matérielles de consommation, comme aimer les pommes ou les oranges, aimer les chaussures de telle marque, aimer les voitures de luxe, les chevaux, aimer voyager, etc., qui expriment des plaisirs des yeux ou de l’égo. Car l’amour le plus répandu est l’amour de soi.
Nous voyons dans ces exemples que l’amour a pour objet des formes matérielles, comme aimer ses parents ou son pays qui ne sont pas choisis pour un « intérêt », mais par un sentiment altruiste. On peut se sacrifier pour son pays ou pour ses parents. Tout le courage des hommes porte d’ailleurs souvent sur ce thème de la défense « des causes justes », de son honneur.
Or l’amour physique, comme son nom l’indique, concerne un objet matériel convoité qui relève du même exemple qu’aimer les biens de ce monde. Il est plus juste de parler dans ce cas de désir de possession que d’amour. C’est la puissance de ce désir qui le fait comparer à l’amour dans sa manifestation externe.
Mais comme dit le Coran, il s’agit d’un amour illusoire :
« On a enjolivé aux gens l'amour des choses qu'ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d'or et d'argent, chevaux marqués, bétail et champs; tout cela est l'objet de jouissance pour la vie présente, alors que c'est près d'Allah qu'il y a bon retour.
» (Sourate, A^l-e ‘Imrân (La famille de 'Imrân) ; 3 : 14)
Ce verset ne condamne pas l’amour des choses de ce monde. Il en signale seulement l’aspect trompeur. Les apparences ont été parées, enjolivées pour les humains et ces derniers doivent ouvrir les yeux sur le caractère pernicieux de l’apparence des choses.
De nos jours, nous voyons combien les personnes dotées d'importantes richesses matérielles sont attachées aux attirances terrestres et aiment faire montre de toutes leurs possessions: les jolies femmes (la publicité a fait de la femme un objet, une marchandise), les belles voitures et les chevaux de race (notons que la puissance de leurs belles voitures se mesure en chevaux), les métaux précieux, la progéniture, les vêtements de marque, et tout ce qui fait la fierté des riches arrogants et la convoitise des moins pourvus.
L’attrait mutuel de l’homme et de la femme et le plaisir qu’il procure, qui relève de l’instinct sexuel n’est évidemment pas un mal en soi. C’est quelque chose que l’espèce humaine a reçu de Dieu. L’amour d’un homme pour une femme et d’une femme pour un homme est le sentiment le plus élevé et le plus noble qui soit dans l’ordre naturel tant qu’il ne dépasse pas certaines limites et qu’il ne se transforme pas en débauche. Cet amour est si puissant qu’il a servi comme une métaphore pour évoquer le vrai Amour, celui qui le dépasse en puissance, à savoir l’Amour de la Perfection. En effet, nous savons combien les amoureux sont capables de sacrifices. Et nous savons aussi combien de crimes passionnels sont commis dans le monde, par jalousie. Parce que la possession de l’objet aimé est telle que pour le garder, on est prêt à assumer le pire.
Quand on parle de roman d’amour, on comprend naturellement qu’il s’agit d’une histoire entre un homme et une femme. Les littératures du monde connaissent chacun des couples emblématiques qui ont illustré ce sentiment, symbole du sentiment d’amour sincère et dévoué. En Iran, outre Majnûn et Leyli (6) , il y a Khosrow et Shîrîn (7) , Vis et Ramin (8) . En France, on connaît Tristan et Iseult (9) , Roméo et Juliette (10) , et beaucoup d’autres amants dont le nom s’est gravé dans l’histoire et dans la mythologie...
L’amour est donc une sorte de projection d’un désir, d’une ambition dévouée pour un être ou quelque chose que l’on convoite. Cette projection peut être durable, jusqu’à l’obsession. Elle devient maladive parfois, au point que les médecins s’en mêlent.
C’est la preuve que l’instinct que l’on associe à l’animal est aussi porteur de grandes valeurs. Il est à l’origine de l’art. On peut imaginer le premier être humain qui a dansé, le premier humain à avoir dessiné sur les parois des grottes et le premier humain à avoir chanté, ainsi que le premier humain à avoir dit : « je t’aime », ou celui qui a parlé en premier de la beauté de la nature ! Cela peut ne pas avoir un intérêt matériel, mais il a sûrement un effet anagogique, quelque chose qui élève l’esprit au-dessus de l’animalité parce que c’est beau et vrai.
L’instinct n’est pas destructeur par nature. Toutes ces œuvres artistiques réalisées par les abeilles par exemple qui ne se trompent jamais dans la forme hexagonale des cellules à miel qu’elles fabriquent avec de la cire, qui obéissent strictement à la reine, ou les oiseaux qui construisent leurs nids avec un savoir-faire inégalé, sans avoir appris auprès d’un maître visible, sans plan ni instrument de mesure.
C’est cette sorte d’instinct qui dirige les sentiments humains.
C’est pourquoi une autre opinion est celle que soutiennent aussi nos philosophes, et qui distingue deux sortes d’amour : l’amour physique et sexuel et l’amour spirituel. L’amour spirituel est potentiellement inscrit dans tous les individus de l’espèce humaine. Il y a donc un amour du monde et un amour suprasensible qui aspire à quelque chose de plus sublime. Le premier prépare à l’autre, il est la forme figurée de l’amour réel qui est l’aspiration à s’unir avec le Principe. Cette puissance attractive est comparée parfois au magnétisme sans lequel les électrons ne tourneraient pas autour du noyau, et sans lequel donc le monde cesserait d’exister, car cette attraction magnétique régit le monde, depuis les particules élémentaires jusqu’aux planètes, étoiles et galaxies. Tout cela échappe au contrôle de l’homme qui ne peut que s’en accommoder.
Une troisième opinion existe aussi qui se veut une synthèse entre les deux opinions précédentes : celle de Sigmund Freud (11) et la théorie qui défend l’amour spirituel. Ce psychanalyste célèbre qui voit en la sexualité la base de tous les comportements et de tous les sentiments, s’est obstiné à soutenir que l’amitié, le bien, la vertu et la piété et toute chose s’expliquent d’abord par des racines dans la sexualité.
La psychanalyse se caractérise par le fait qu’elle se fonde sur l’idée, commune aux idéologies du XIXe siècle, qu’il faut faire abstraction de la pensée religieuse. Par conséquent, à ses yeux, l’amour de ce monde est l’amour réel, les autres formes de l’amour n’étant que des sublimations, des formes figurées (au sens de dévoyées, détournées), de cet amour-là. Comme elle a exclu l’idéal supérieur, elle l’a remplacé par quelque chose que Freud a appelé l’inconscient et qui n’est qu’un espace théorique présumé être en chaque homme, espace inconnu meublé de choses obscures. On a reproché justement à Freud de n’avoir pas prévu le corrélatif que l’on attendait à cet inconscient, à savoir le sur-conscient. Du coup les rôles sont inversés : c’est ce monde qui est réel et l’autre monde qui est une image de ce monde. La psychanalyse enseigne que pour se guérir de l’envie du péché, il faut le pratiquer, le commettre, le « dépasser ».
Cette théorie est aujourd’hui discréditée, rejetée, comme ont été rejetées beaucoup de doctrines héritées du XIXe siècle et qui croyaient résoudre toutes les questions par une seule cause, comme le marxisme qui expliquait tout par l’économie et l’histoire par la lutte des classes.
La plupart des spécialistes contemporains se sont aperçus en effet que l’amour présente des aspects qualitatifs qui ne présentent aucune compatibilité avec l’explication par le thème favori de Freud. Ces dimensions qualitatives ne sont pas du tout dans une relation de dépendance avec l’effervescence débordante qui caractérise la sexualité.
Le cas du besoin charnel est comparable en effet à celui de la faim. La faim est un état naturel qui survient lorsque le corps ressent le besoin de nourriture, elle est déclenchée par une série de secrétions hormonales. Sans cette dernière condition, la faim ne se manifeste pas ou n’est pas ressentie. Il en va de même du besoin charnel. Quand un besoin matériel existe, il se manifeste toujours par des sécrétions des glandes idoines. Or l’amour en tant que tel ne présente pas les mêmes caractéristiques. Pour cela, il a été dit que l’amour est de nature charnelle, à son origine, mais dans sa modalité et sa finalité, il ne l’est pas. Autrement dit, il commence comme un plaisir, puis il connaît une mutation pour finir en quelque chose de spirituel.
Pour s’imposer dans les cœurs des humains, l’amour se servirait de la ruse de l’appât par l’instinct. Il fait croire qu’il y a un « intérêt » matériel, la satisfaction d’un besoin, puis il se complique pour ensuite révéler à la personne qui en est victime que l’amour est nu, qu’il n’a rien d’autre à proposer que lui-même. Dépouillé, l’homme n’a plus d’autre choix que de confier son sort au sublime.
Dans son livre Les plaisirs de la philosophie, Will Durant (12) , historien de la philosophie, médite sur le thème de l’amour. Il opte pour cette dernière opinion et rejette l’opinion de Freud après l’avoir examinée à son tour. Il remarque qu’en réalité, par la suite, l’amour change d’itinéraire, il change d’orientation et surtout il change de qualité, de telle sorte qu’il quitte totalement la sphère des penchants terrestres. Will Durant ne considère pas comme vraie la théorie freudienne.
Notre regard sur la question de l’amour s’intéresse davantage au penchant qui pousse l’amoureux (se), ‘âsheq, à s’éteindre, à s’annihiler dans le (la) bien-aimé(e) (13) , ma’shûq, phénomène qui correspond, dans l’ordre de l’Amour spirituel, à ce que les gnostiques appellent l’extinction, le fanâ. Il s’agit ici aussi d’un cas qui n’entre pas dans les calculs matériels, nous parlons de celui qui peut mener la personne jusqu'à l’« adoration (14) ». Les occidentaux admirent cette sorte d’amour excessif qu’ils qualifient d’ « amour oriental ».
Dans son livre Le Mariage et la morale, Bertrand Russel (15) écrit : « Nous autres, hommes d’aujourd’hui, nous sommes loin de pouvoir comprendre même en imagination, la mentalité de ces poètes qui dans leurs odes parlent de leur anéantissement, sans espérer la moindre attention de leur bien-aimé (e) ». Il veut dire que d’ordinaire, dans les amours auxquels nous avons accès, nous considérons l’amour comme un moyen, un préalable à l’union. On trouve chez lui de nombreuses phrases développant ce propos. Il souligne ainsi que l’amour chez les « orientaux » n’est fondamentalement pas un « moyen », mais bien une fin en soi. Et par la suite, il en fait un grand éloge. Il dit que c’est cette sorte d’amour qui donne à l’esprit humain sa grandeur, sa gloire et sa personnalité. On sait à ce sujet que ce sont les premiers Croisés qui ont introduit en Europe la notion du Pur Amour, qui fit couler beaucoup d’encre en son temps (16) .
Dans son livre La religion et l’âme (17) , William James (18) écrit : « En raison d’une série de penchants qui nous sont inhérents et qui nous rattachent à la nature, il existe un autre ensemble de penchants qui nous sont aussi inhérents, mais qui ne sont nullement conciliables avec les calculs matériels et les calculs de la nature. Ce sont ces mêmes tendances qui nous rattachent au monde métaphysique dont la démonstration et l’explication sont celles-là même que les philosophes musulmans ont fournies. Ils sont persuadés que cet état d’annihilation que rencontre l’amoureux est en réalité l’étape de son parachèvement, celle où il réalise sa perfection. Ce n’est en réalité pas un anéantissement. Si son bien-aimé réel était une chose matérielle et corporelle, son anéantissement ne serait pas justifiable ni compréhensible, car comment une chose pencherait-elle pour son propre anéantissement ? Mais à vrai dire, son bien aimé véritable relève d’une autre réalité, dont ce bien-aimé apparent est un modèle et une manifestation. Et ce dernier s’unit avec plus parfait que lui, et par cette union, cette âme atteint la limite de sa propre perfection.
(A suivre)
back to 1 Le terme ‘eshq est un mot à l’origine duquel on peut accepter l’étymologie persane, même si le mot et sa forme verbale ‘ashaqa sont attestés dans la langue arabe depuis très longtemps. Le Coran emploie deux mots pour désigner le sentiment amoureux. Le sentiment « normal » est appelé Hobb, qui a donné habîb, mahbûb, etc. Ce terme désigne l’amour de façon générale. Relatant l’histoire de Joseph et de Zoleikha, le Coran, sourate 12, verset 30 emploie un verbe pour en signaler la « gravité » : « laqad shaghafahâ hubban.. » « Il l’a rendue folle d’amour… », shaghafa employé dans ce sens signifiant "devenir éperdument amoureux de ; s'éprendre de ; brûler d'amour/ de désir pour… (Daniel Reig, Larousse - Dictionnaire Arabe-Français, 2906). Pour désigner un amour débordant, le Coran emploie le substantif wadd, le verbe wadda et aussi l’intensif wadûd, le très-aimant qui est un des noms divins. Ce verbe pourrait être de même racine que le verbe anglais to want. Il existe aussi un verbe qui décrit l’amour fou, c’est le verbe walaha qui signifie perdre la tête par amour. Ndt.
back to 2 Hâfez, grand Maître de la spiritualité, exprime ici une opinion partagée par tous les gnostiques, qui dédaigne la raison, car évidemment la rosée ne peut laisser de trace sur la mer.
back to 3 Le Nom al- Samad est l’un des noms divins apparaissant dans le Coran. C’est ce que l’on appelle un Hapax (ou apax) c'est-à-dire un nom qui n’apparaît qu’une seule fois dans le texte entier du Coran, et ce à la sourate 112, nommée al- Ikhlas (Pureté) ou Tawhîd (unité divine), celle qui définit par excellence le monothéisme islamique. Ce terme réfère à l’idée de plénitude, d’impénétrabilité, et donne une idée de ce que rien ne s’ajoute à Dieu et rien ne s’en retranche. On l’a traduit par Impénétrable, l’Un, Dieu de plénitude, etc.
back to 4 (hâdeseh , en persan : حادثه) Ce vers fait partie du 4ème poème du cahier « Hajm-e sabz », Perspective Verte du recueil intitulé Hasht Ketâb (Les 8 livres) qui est un livre à grand succès en Iran.
back to 5 Ces vers apparaissent dans le Dîvân-e Shams, dans la partie des quatrains (robâ’îyât), quatrain numéro 1899. Il n’y a pas de certitude au sujet de l’attribution à Rûmî de tous les quatrains qui figurent dans cette quatrième partie. Il arrive souvent que des vers d’un grand poète se retrouvent dans le recueil d’un autre grand poète. Si cela se produit facilement, sans soulever d’objection chez le lecteur non-initié, c’est parce qu’il reconnait la même veine qui a inspiré ces grands hommes. Il faut dire aussi que l’excuse est là : les Robâ’î de Rûmî n’ont pas été étudiés de façon critique par les spécialistes. Outre Rûmî lui-même, certains des quatrains peuvent être attribués à Awhad al-Dîn Kermânî.
back to 6 (En persan : مجنون و ليلى) Majnûn et Leyli ou Qays et Leila, sont les héros d'une histoire d'amour populaire d'origine arabe, peut-être préislamique. Ce couple est devenu le symbole de l'amour platonique, de l'amour sublimé, qui a été exploité à l'infini par les poètes mystiques musulmans aussi bien arabes que persans, turcs ou ourdous. En Iran, leur histoire a inspiré notamment Rûmî, Jâmi, Nezâmî et bien d’autres.
back to 7 (En persan : خسرو و ش?ر?ن) Khosrow Parviz, roi sassanide, amoureux de Shîrîn, fut le rival de Farhâd. (En persan : ش?ر?ن و فرهاد). Nezâmi a créé dans son long poème de 6500 distiques, les personnages de Shîrîn et Farhâd qui ont eux aussi trouvé une place honorable dans le cœur des amoureux de la littérature persane. L’histoire finit tragiquement par le suicide de Farhâd.
back to 8 (En persan : و?س و رام?ن) Vis et Râmîn ou Veys et Râmin, sont un autre couple d’amoureux imaginé par un autre géant de la littérature Fakhreddin As’ad Gorgânî (en persan : فخرالد?ن اسعد گرگان?), homme de lettres iranien du XIe siècle. Il s’agit là aussi de roman d’amour impossible, de pur amour.
back to 9 C’est une histoire dont l’archétype est d’origine celtique. Une histoire de magie et de philtre d’amour qui finit aussi tragiquement. Sa rédaction date du temps des poètes normands.
back to 10 La célèbre histoire de Roméo et Juliette, d’origine italienne, a été popularisée par la pièce de Shakespeare du même nom, Romeo and Juliet. Pièce sans cesse jouée et adaptée, au théâtre moderne, au cinéma, et à toutes les formes littéraires et artistiques. Ce n’est qu’après la mort de ces deux amants que leurs familles ennemies se réconcilient.
back to 11 Sigmund Freud, médecin neurologue autrichien, le fondateur de moins en moins célèbre de la psychanalyse qui fut considérée au XXe siècle comme la science de la psychologie par excellence. Né en 1856 en Autriche, mort en 1939 à Londres.
back to 12 Will Durant, (1885-1981), écrivain américain. Auteur notamment d’une Histoire de la Philosophie, et d’une Histoire de la Civilisation. Il a écrit beaucoup d’autres ouvrages sur ces mêmes thèmes, dont The Pleasures of Philosophy, qui est une réécriture d’un ouvrage publié en 1929.
back to 13 Notons que le persan, comme l'anglais ne possède pas de genre, masculin ou féminin.
back to 14 Dans toutes les langues, le verbe « adorer » qui sert à désigner la nature du lien qui unit les créatures à leur Dieu, est aussi employé par les amoureux fous à l’égard de leur « idole », de leur bien-aimé(e). C’est la raison pour laquelle on considère que l’amour entre humains est dans une certaine mesure un prélude, une préfiguration du véritable Amour, qui est celui de la créature envers son Dieu.
back to 15 Bertrand Russell, (1872-1970), penseur et mathématicien britannique, auteur d’une œuvre considérable. Marriage and Morals, Le mariage et la morale, a été publié en 1929 à Londres.
back to 16 En France, cette querelle est surtout celle qui eut lieu entre Fénelon et Bossuet,
back to 17 Ce passage retraduit du persan, provient peut-être du The Varieties of Religious Experience : A Study in Human Nature (1902) ou bien du The Will to Believe, and Other Essays in Popular Philosophy (1897).
back to 18 William James, (1842-1910), auteur des Principes de psychologie qui ont fait de lui un pionnier de la discipline. Il est aussi le promoteur du pragmatisme, qui influencera la psychologie américaine.
L’utilité et la fonction salvatrice de l’amour du point de vue des gnostiques
Les gnostiques ne se sont pas limités à souligner la prééminence de l’Amour. Ils ont eu aussi à cœur de définir les attributs spécifiques de l’homme parfait. Ces spécificités s’étendent à toutes les dimensions de la connaissance ainsi qu'à celles de l’action. Pour être parfait, il ne suffit pas de connaître beaucoup de choses. Il n’est pas non plus suffisant de savoir faire beaucoup de choses avec expertise. L’homme parfait est celui qui est arrivé à réaliser en acte l'ensemble des facultés que l’être humain ordinaire possède potentiellement.
Citons ici la capacité qui lui a été attribuée dans beaucoup de vers mystiques, celle de savoir nager. Car l’être humain étant sensé être jeté bon gré mal gré dans l’océan de la Science divine, de l’Etre divin, Bahr al-Wujûd, doit savoir non seulement comment s’en tirer et comment réagir envers les mouvements imprévisibles des vagues, mais aussi pouvoir apporter son aide secourable aux personnes menacées par la houle...
L’exemple de Noé et de son arche peut évoquer la même idée. Homme de Dieu, Noé a fait montre de son souci du danger des flots diluviens menaçant son peuple : « ... les emportant au milieu des vagues hautes comme des montagnes. » (Sourate Houd ; 11 : 8)
L’homme accompli, tel que défini par les spirituels, assume la responsabilité des gens qui l’entourent. Il se voit dans l’obligation de veiller sur eux, de leur montrer la bonne voie de la vérité, de suivre pas à pas leurs progrès, et de ne jamais les abandonner à l’inconscience. A l’instar d’un maître-nageur, il prend en charge d’assurer la sécurité des tout débutants, dans les exercices qu’il leur propose - c’est comme s’il leur apprenait les techniques de nage dans une piscine. Il ne peut pas les laisser se jeter à l’eau sans les y préparer. C’est uniquement sous sa surveillance qu’ils réaliseront les dangers qu’ils encourent. Il interviendra chaque fois que nécessaire pour remotiver le débutant ou communiquer une technique nouvelle aux plus avancés.
L’apprentissage se poursuit des années durant jusqu’à ce que le novice devienne un expert capable de plonger dans les eaux profondes de la haute mer, d’en ressortir indemne, et de concrétiser ainsi l’objectif premier de son maître.
Les gnostiques soutiennent que le sentiment amoureux est capable dès son apparition de réorienter l’homme, de lui redonner son unité et une meilleure concentration. Avec son entrée en scène, l’amour commence par briser toutes les chaînes factices, et par cela même, il isole l’amoureux et le met à l’abri des influences futiles ou dangereuses. Il révèle les faiblesses de l’homme et met en relief les points forts, susceptibles d’être encore plus travaillés.
Il y a en effet en chacun de nous un défaut constitutif : notre esprit dépend d’une centaine de choses à la fois. Nombreuses sont les liaisons et dépendances pertinentes ou non qui traversent notre esprit débordé par l’activité mentale incessante qu’il ne parvient pas à maîtriser.
Supposons un homme ou un animal qui serait attaché par cent liens : s’il arrivait à en rompre un, il en resterait encore quatre-vingt-dix-neuf. S’il en rompait deux, il en resterait quatre-vingt-dix-huit !
Celui qui souhaiterait être monothéiste d'un point de vue pratique afin de réaliser de façon concrète l’unité de son être devra briser tous les liens illusoires et inconsistants et n’admettre que ceux qui le relient à la vérité et qui favorisent le rapprochement avec Dieu. C’est alors qu’il sera l’illustration de ce verset coranique : « Quiconque mécroit à l'idole tandis qu'il croit en Dieu saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 256).
Les mystiques croient en ce que le fléau (balâ’) de l’amour passion (‘eshq), qualifié d’épreuve, est le seul qui soit en mesure de causer la rupture chez l’homme d’avec les mauvaises attaches. Il est cette expérience unique qui amène l’homme à ne garder que le seul lien authentique pouvant lui conférer l’énergie nécessaire pour une concentration spirituelle durable. Ils affirment aussi qu’il est possible que ce même degré de concentration obtenu sur un objet ou une forme d’apparition évanescente, soit par la suite transféré sur un autre objet originel qui sera réel, et cela grâce à la direction d’un maître plus parfait. C’est sur cette certitude qu’ils ont fondé leur affirmation.
Sur le chemin de la perfection, tout être, homme ou femme, découvrira donc que l’Amour est un nom divin, que cet amour est réciproque, partagé entre le Créateur et Sa création. Comme dit le Coran : « Les croyants sont les plus ardents en l'amour de Dieu. » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 165)
Il dit aussi :
« Dieu fera surgir un peuple qu’Il aime et qui L’aime… » (Sourate Al-Mâ’ida (La table servie) ; 5 : 54)
Occurrences du mot ‘eshq dans le Coran et la tradition prophétique
Le mot ‘eshq en persan est celui-là même qui existe dans la langue arabe sous la forme de ‘ishq, avec la même signification. En dépit de cela, dans tout le Coran et le corpus des traditions prophétiques recueillies par les sunnites et les chiites, le mot et ses formes dérivées n’apparaissent quasiment pas. Dans certaines traditions, nous trouvons néanmoins des cas d’occurrences de ce terme.
Au sujet du culte rendu à Dieu (‘ebâdat), il existe un hadith disant :
(Tûbâ li man 'ashaqa (1) al-'ibâda wa a-habbahâ bi qalbihi wa bâsharahâ bi jasadihi)
« Heureux celui qui a aimé du fond du cœur pratiquer l’adoration de son Créateur, et qui a habitué son corps à ne pas se lasser des actes rituels ».
De même, il existe une autre tradition connue, se rapportant à l’expédition de 'Alî ibn abî Tâlib (s), parti de Koufa en direction de la Syrie où il allait combattre les troupes de Muawiya à Seffin (2) . Lorsqu’il arriva sur le territoire de Neynava (3) (la terre de Karbala, en Irak), l’Emir des Croyants se pencha pour ramasser une poignée de terre, l’huma, et dit : « ô poussière, sois heureuse ! De toi seront ressuscités des gens qui entreront au Paradis, sans avoir à rendre compte de leurs actes ici-bas ».
Puis il a ajouté : « C’est ici le lieu où les cavaliers descendront les fardeaux de leurs montures, et où les amoureux seront assassinés ». L’Imâm 'Alî (as) a employé le mot ‘oshshâq (4) , pluriel de ‘âsheq, très-amoureux, pour désigner l’Imâm Hossein (as) et ses compagnons innocents qui seront tués près de 25 ans plus tard sur cette même terre. Cette tradition est rapportée dans les ouvrages (5) relatant l’assassinat de l’Imâm Hossein (as), et principalement Nafas al-mahmûm (Le soupir de l’affligé) du regretté shaykh Abbâs Qomî (6) .
Comme nous le voyons, le terme est attesté dans la tradition islamique, même si le fait est rare. L’insistance sur le fait que seul apparaît le verbe ‘ashaqa, aimer, et que le substantif ‘eshq n’apparaît pas lui-même dans ces sources, ne remet rien en cause. Pour le Coran, ces deux puissances que sont la raison et l’amour n’existent que sous leur forme active, et pas en tant que concepts. C’est pourquoi, le Coran emploie souvent la forme verbale, sans employer le substantif, comme pour ‘aqala, raisonner, intelliger, et pas le substantif ‘aql, raison. Le but est sûrement d’éviter toute confusion entre les tenants de l'une ou l'autre puissance.
Si donc les docteurs de l’islam avaient quelque chose contre le verbe ‘ashaqa, ce serait le sens du mot qu’ils viseraient, pas le mot lui-même. Il serait donc vain de soutenir la réprobation de ce mot par l’islam. Et si ce mot de ‘eshq n’avait pas été employé, serions-nous autorisés à en nier jusqu’au sens même ?
Nous avons vu que pour faire état d’un sentiment envers Dieu, il n’a pas été souvent fait usage du terme ‘eshq :
« Celui qui aime ardemment s’adonner aux actes d’adoration… » (man ‘ashiqa al-‘ibâda…).
Par contre, c’est le sens qui en a été exprimé plus souvent, en recourant à un autre verbe traduisant la même intensité d’amour que celle qu’exprime le verbe ‘ashaqa.
Ne lisons-nous pas dans l’Invocation de Komayl : « wa -j‘al qalbî bi -hubbika mutayyaman ! » (Et rends mon cœur brûlant d’amour pour Toi) ? Le sens du verbe aimer (hobb) est intensifié par l’adjectif attribut mutayyaman qui signifie asservi, subjugué. Or c’est cette acception même que désigne ce que nous appelons ‘eshq. Nombreux sont les cas similaires que l’on peut relever dans l’Invocation de Komayl (7) .
back to 1 Voir Osûl-e Kâfî de Kolayni, volume 2, page 83. (en arabe : عَشَقَ, ‘ashaqa ou ‘ashiqa, forme verbale du mot ‘eshq).
back to 2 Siffin, à l’ouest de la Syrie actuelle, fut le lieu où se tint en 657, la première grande bataille opposant des musulmans entre eux. Cette bataille fut causée par Muawiya, fondateur de la dynastie omeyyade, qui refusa de reconnaître la légitimité du calife désigné à l’unanimité des gens de Médine.
back to 3 Neynava est le nom de la ville sumérienne de Ninive au nord-ouest de l’Irak, non loin de Mossoul. Les musulmans arabes ont peut-être considéré que c’était là que se trouvaient les vestiges de la ville avant leur découverte par les archéologues occidentaux aux XIXème et XXème siècles. Il peut s’agir aussi d’une homonymie, une autre ville pouvant aussi avoir porté ce nom.
back to 4 (en arabe : عُشّاق, forme plurielle de عاشِق) nom d’agent.
back to 5 Généralement intitulés Maqtal al-Hosayn (assassinat de Hossein). Ces ouvrages sont nombreux, même si relativement très peu d’entre eux nous sont parvenus.
back to 6 Le Shaykh Abbâs Qomi est l’auteur de recueils de prières, de discours et d’invocations, Mafâtih al-Jinân, (les clefs du Paradis) dont toute famille chiite possède un exemplaire. Il a vécu au XIXe siècle sous la dynastie qâdjâre.
back to 7 Do’â-ye Komayl, célèbre et édifiante invocation (do’â) que le premier Imam des chiites, 'Alî ibn abî Tâleb (as) a enseigné à son compagnon Komayl ibn Ziyâd, et qu’on lit généralement en groupe, la veille du vendredi (le jeudi soir). En Iran, les réunions de lecture de cette invocation sont très fréquentées depuis des siècles. Cette prière est si aimée que les pèlerins chiites venus du monde entier se rassemblant parfois par milliers, ne s’en passent pas, même pendant la période du pèlerinage.
Références :
Motaharî, Mortezâ, Fetrat (La nature primordiale divine), pp. 96-99 et pp. 189-193.