La "Zakat" du corps
  • Titre: La "Zakat" du corps
  • écrivain: publication de la cité du Savoir
  • Source:
  • Date de sortie: 11:49:30 3-9-1403

Ô vous qui croyez: Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit à ceux qui vous ont précédés,
Peut-être craindrez-vous Dieu
Le Coran (2: 183-185)

 

Le jeûne de Ramadan est l'un des piliers de l'Islam. C'est une obligation cultuelle que tout musulman et toute musulmane remplissant les conditions requises doivent accomplir durant le neuvième mois lunaire hégirien, le mois de Ramadan. Il suffit de se promener dans une cité musulmane pendant le mois de Ramadan pour comprendre combien est importante la place que le jeûne occupe dans la religion musulmane, et pour réaliser qu'il constitue un trait saillant de l'Islam.

 

En Islam, le jeûne n'est pas un simple acte individuel de piété, accompli occasionnellement, par quelques fidèles pieux, mais une obligation prescrite à toute la communauté, à quelques exceptions près. Le jeûne n'y consiste pas non plus en une simple privation alimentaire, mais en l'observation d'un ensemble cohérent de prescriptions d'ordre alimentaire, physique, spirituel et moral qui affecte le comportement de l'individu et transforme les habitudes de la société.

 

Le jeûne de Ramadan consiste manifestement à s'abstenir de manger, de boire, de fumer, de faire l'acte sexuel etc... depuis l'aube jusqu'au crépuscule chaque jour du mois de Ramadan.  Il suffirait donc d'observer ces abstinences après avoir formé intimement l'intention de jeûner par obéissance à Dieu, pour que le jeûne soit présumé correctement accompli.  Mais en fait, le jeûne tel que Dieu le veut effectivement exige beaucoup plus d'efforts de la part du Jeûneur et vise à transformer complètement l'homme, à le rendre intègre, et à le libérer de l'emprise de ses habitudes les plus tenaces et les plus asservissantes.

 

On rapporte qu'un jour le Prophète (P), ayant entendu une femme qui faisait le jeûne injurier sa servante, a fait apporter de la nourriture à l'intention de cette femme et lui dit: Mange!.


- Mais je fais le jeûne!, protesta celle-ci.


- Comment pourrais-tu prétendre encore accomplir le jeûne alors que tu viens d'injurier ta servante?!, lui fit observer le Saint Prophète.

 

Dans ce sens, rapportant ce hadith du Prophète Mohamad (P):


O gens: Celui qui anoblit son caractère, pendant ce mois, aura droit au Droit Chemin le Jour où les pieds trébucheront.

 

Définissant le vrai sens du jeûne, I'Imam al-Sâdiq dit:


Jeûner, ce n'est pas seulement s'abstenir de manger et de boire. Si vous faites le jeûne, que votre ouïe, votre vue, votre langue, votre ventre, votre sexe fassent également l'abstinence. De même, retenez votre main et votre sexe. Essayez de garder le silence le plus possible, sauf s'il s'agit de dire du bien. Traitez avec bonté votre serviteur.

 

Les bienfaits du Jeûne


En se penchant sur les versets coraniques précités, on peut remarquer que le jeûne est avant tout, une prescription divine ("Le jeûne vous est prescrit ...") que le Croyant doit observer pour faire preuve de crainte révérencielle envers le Créateur ("Peut-être craindrez-vous Dieu"). Et comme pour faire prendre conscience aux croyants de l'importance et de la nécessité de cette prescription, Dieu leur précise que le jeûne est un bien dont ils devraient et pourraient comprendre les effets («Jeûner est un bien pour vous. Peut-être le comprendrez-vous»).  Aussi la Tradition (les paroles du Prophète et des Imams) s'est-elle évertuée à expliquer ces effets bénéfiques et à préciser les buts du jeûne, que l'on peut résumer et répartir dans les points suivants:

 

1- S'exercer à la patience et affermir sa volonté


Le jeûne de Ramadan, tel qu'il est prescrit par l'Islam est le moyen par excellence d'apprendre à patienter. Cette vérité évidente et concrète pour tous ceux qui accomplissent le jeûne, est clairement soulignée dans les Textes sacrés qui présentent cette obligation cultuelle comme synonyme de "patience".


Le Prophète a dit du mois de Ramadan qu'il est: Le mois de la patience, laquelle est récompensée par le Paradis.

 

L'Imam Ja'far al-Sâdiq a conseillé:


Si un homme venait à être victime d'un grand mal, qu'il jeûne, car Dieu a dit: "Demandez l'aide de la patience ...", c'est-à-dire, du jeûne.
En fait, en le schématisant, le jeûne consiste à s'abstenir - pendant un temps relativement long - de satisfaire un pressant besoin naturel et légitime qu'on a l'habitude de satisfaire normalement - et qu'on peut satisfaire facilement - dès qu'il se fait sentir. Une telle abstention dont la seule motivation est l'engagement moral pris par le "jeûneur" de la respecter, commande forcément une volonté et une patience renouvelées pendant une «longue journée" qui se répète durant un "long mois".

 

2-Se libérer des habitudes quotidiennes


Le jeûne est l'expression de la soumission aux jugements de Dieu, et de l'interruption de l'assujettissement aux impératifs de certains besoins du corps, qui sont ordinairement légitimes et légaux. Il constitue donc un écran vis-à-vis des coutumes courantes et un engagement provisoire dans une vie austère qui fait sentir à celui qui s'y engage, la faim et la soif, dans l'intention d'éduquer son âme et de la discipliner.

 

Apprendre à résister à des habitudes aussi tenaces que celle de satisfaire la soif et la faim lorsqu'elles se font sentir, c'est se libérer de l'emprise de l'Habitude qui enchaîne généralement l'homme et limite sa liberté d'initiative.

 

3- Assainir le fonctionnement du corps


Le Prophète a dit:


À toute chose une Zakât (aumône purificatrice), celle du corps est le jeûne.


Et


Jeûnez, vous serez en bonne santé.


Ces quelques mots résument les centaines d'études faites à travers le monde pour souligner les nombreux effets bénéfiques du jeûne sur notre organisme.


Il n'est pas question de traiter ici de détails médicaux trop techniques pour notre exposé, mais on peut rappeler quelques généralités à ce sujet. Ainsi, il est établi que la faim et la soif, engendrées par le jeûne, provoquent généralement la sécrétion d'acides de différentes glandes- lesquels acides s'appliquent à détruire de nombreux germes porteurs de maladies- et réactivent d'autres glandes dont le bon fonctionnement est mis en veilleuse en raison d'un système d'alimentation monotone et invariable des années durant.

 

En d'autres termes, le jeûne nous fournit l'occasion de réhabiliter la fonction du mécanisme naturel déclenchant la sensation de faim et de soif réelles, après que ce mécanisme a été altéré, au fil des jours et des ans, par des habitudes alimentaires répondant moins aux besoins effectifs du corps, qu'à des caprices gastronomiques et des impératifs d'ordre social, familial, psychologique etc. Ceci dit, on sait que de nos jours, beaucoup de médecins prescrivent la faim et la soif comme traitement pour guérir certaines maladies et pour en prévenir d'autres.

 

4- S'habituer à l'honnêteté


Le jeûne est prescrit au musulman dès l'âge de la puberté. Celui-ci est donc soumis à une rude épreuve dont il est seul, le surveillant et le juge. Livré à la faim et à la soif, il peut céder à tout moment à la tentation de les satisfaire, alors qu'il a à sa portée de quoi manger et boire. La seule chose qui l'en empêche, c'est sa foi en Dieu et sa conscience. En dehors de Dieu, personne n'est témoin de son observance de l'abstinence. Dès son jeune âge, le musulman qui jeûne s'exerce ainsi à être honnête et à respecter ses engagements moraux, malgré les tentations matérielles et la pression de ses désirs et de ses sens.


Le jeûne met à l'épreuve l'honnêteté du croyant. Aussi le Prophète a-t-il dit à ce propos:


Le jeûne est un dépôt. Sauvegardez donc ce qui vous est confié.

 

5- Refixer la sincérité de notre foi en Dieu


La sainte Fatimah al-Zahrâ', fille du Prophète a dit dans une oraison prononcée lors du décès de son père: Le jeûne, c'est la re-fixation de la sincérité.


En effet, le jeûne met à l'épreuve la sincérité et la solidité de la foi du Croyant en Dieu, et permet de consolider cette foi. Car c'est une lutte entre le besoin légitime d'apaiser des sensations naturelles pressantes (faim, soif, plaisir sexuel ...) et un sentiment intime, un désir spirituel incitant à obéir à la Volonté de Dieu qui veut que l'on résiste à ces sensations. Dieu étant le seul témoin de cette épreuve, la résistance permanente à ces sensations affermit la foi du jeûneur en Dieu et lui permet de constater concrètement la sincérité de sa foi.

 

6- Établir un lien étroit avec Dieu et le Jour du Jugement


Dieu dit dans le Coran à propos des privilèges que le jeûne de Ramadan procure au Croyant:


Quand mes serviteurs t'interrogent à mon sujet, Je réponds à l'appel de celui qui M'invoque, quand il M'invoque. Qu'ils répondent donc à Mon appel; qu'ils croient en Moi ...
 (Coran 11,186)


C'est dire que Dieu est particulièrement attentif au culte, à l'appel et aux prières de ses serviteurs pendant le mois de jeûne.


Le contenu de ces versets est confirmé dans une autre Parole Sainte révélée au Prophète, à savoir:


Toute bonne action que les fils d'Adam accomplissent, ils la font pour eux-mêmes. Excepté le jeûne, lequel est pour Moi, et c'est Moi qui le rétribue. Le jeûneur éprouve deux joies: I'une au moment légal de l'Iftâr (fin du jeûne) où il se met à manger et à boire, I'autre, lorsqu'il Me rencontre et que Je le fais entrer au Paradis.

 

Cette présence divine auprès des jeûneurs, le Prophète la souligne dans le discours où il épilogue sur les innombrables bienfaits du mois béni de Ramadan:


C'est un mois pendant lequel vous êtes les convives de Dieu, pendant lequel vous êtes parmi ceux qui sont honorés par Dieu. C'est un mois pendant lequel vos souffles sont glorification, votre sommeil, culte, votre action acceptée, votre imploration exaucée(...).


La faim et la soif que vous éprouvez doivent vous rappeler la faim et la soif du Jour du Jugement.

 

Pendant ce mois de repentir, de rachat, de réparation et de recueillement, où règne une atmosphère de piété individuelle et sociale, le jeûneur se représente avec joie et quiétude la présence du Seigneur et l'ambiance du Jour du Jugement.

 

7-Consoler les nécessiteux


Le Prophète a décrit le mois de Ramadan comme étant, entre autre, le mois de la consolation. Cette appellation est d'autant plus adéquate que le jeûne est une véritable institution d'aide aux nécessiteux. L'lmam al-Bâqer a dit à ce propos:


Dieu a prescrit l'obligation de jeûner pour que le riche ressente l'affliction de la faim et s'attendrisse sur le pauvre.


Ainsi la sensation de faim, suffit-elle en soi, et à elle seule, à rappeler au nanti l'affliction de l'affamé, et à l'inciter à se montrer volontairement généreux envers le démuni. C'est un rappel on ne peut plus concret et sans discours éloquent. Il vaut mille prêches.


Toutefois, I'Islam ne s'est pas contenté de prescrire le jeûne pour inciter les riches à nourrir les pauvres. Il a également promis des récompenses au moins égales sinon supérieures à celles du jeûne lui-même, pour chaque geste de générosité lié au jeûne. Le Prophète a dit à cet égard:


Quiconque offre le repas de l'Iftâr (de la fin du jeûne) à un jeûneur aura une récompense égale à celle du jeûne et à celle de la piété accomplie par la force de ce repas.


L'Imam al-Sâdiq paraphrase en quelque sorte cette parole du Prophète dans les termes suivants:


Le fait d'offrir à votre frère le repas de l'Iftâr et de lui faire éprouver cette joie, est mieux récompensé que votre jeûne lui-même.

 

Source: Le Jeûne de Ramadhân; publication de la cité du Savoir