LA PREDESTINATION ET LA FATALITE
Chapitre I
Vingtième lecon Les formes de la volonté de Dieu
Le destin est un de ces sujets de controverse qui sont souvent mal interprétés à cause du manque de compréhension exacte ou, des fois, de mauvaise intention. Pour explorer le sujet, nous l'analyserons ici de façon aussi précise que possible.
Tout dans ce monde est basé sur des calculs, sur la logique et sur des lois. Toute chose a été mise à sa place d'après une mesure juste et c'est son milieu qui définit ses caractéristiques.
Comme tout phénomène tire son existence originelle de sa cause spécifique, il acquiert aussi toutes ses propriétés intérieures et extérieures de la même source; il tire sa forme et son étendue de la cause. Puisqu'il y a homogénéité entre la cause et l'effet, la cause transmet inévitablement à l'effet une caractéristique ayant une affinité avec sa propre essence.
Du point de vue de l'Islam, le destin signifie le décret ferme de Dieu concernant le déroulement des affaires de ce monde, leurs étendues et leurs limites.
Tous les phénomènes qui ont lieu dans l'ordre de la création, y compris les actes de l'homme, deviennent sûrs et fixés par leurs causes, ceci étant une conséquence du principe universel de causalité.
La prédestination (Qadâ) implique quelque chose d'irréversible et d'achevé, et il se réfère à la créativité et aux actes de Dieu. Le destin (Qadar) implique l'idée d'étendue et de proportion et il indique la nature et la qualité de l'ordre de création et son caractère systématique; il implique que Dieu a muni le monde d'une structure planifiée et systématique.
En d'autres termes le destin est le résultat de la création divine et la trace de celle -ci sur toutes les choses créées.
Pour le dire autrement, le destin (Qadar) exprime la détermination intérieure et extérieure des limites et des proportions d'une chose, de façon externe et objectivement, non pas mentalement. Avant d'éxécuter son plan un architecte préparera dans son esprit les qualités et les dimensions du complexe qu'il veut réaliser. Le Coran parle de ces formes fixées, des proportions et des propriétés de ces choses en termes de Qadar:
"Oui, toute chose, nous l'avons créée avec mesure".
Coran, sourate 54, verset 49
"Dieu cependant a assigné une mesure à chaque chose"
Coran, sourate 65, verset 3
Le destin (Qadar) dans le Coran signifie les nécéssités rationnelles et naturelles, toutes les parties de la cause conduisant à l'émergence d'une chose. Mais il implique que les conditions, les causes et les qualités d'une chose soient toutes présentes. Le créateur prend en considération la situation spatio - temporelle de tous les phénomènes, de même que leurs limites et proportions, et il émet son décret basé sur eux. Tout facteur ou cause visible dans ce monde est la manifestation de Dieu et de sa connaissance et l'instrument pour l'accomplissement de ce qu'il a décrété.
* * *
La capacité de connaissance et de développement est fixée au coeur même des choses. La mat ière qui est soumise à la loi du mouvement, a la capacité de prendre différentes formes et de traverser des processus variés sous l'influence de différents facteurs; elle peut avoir toute une variété de qualités et d'états. Elle tire son énergie de certains facteurs naturels qui lui permettent d'avancer, mais quand elle rencontre certains autres facteurs, elle perd son existence et elle disparaît. Quelquefois, elle continue d'avancer jusqu'à ce qu'elle atteigne son plus haut niveau de développement. Et d'autres fois elle se calme et cesse son mouvement vers l'avant. Quelquefois, son mouvement est rapide et perceptible. Parfois, elle manque de vitesse pour pouvoir progresser et elle avance lourdement.
Imaginons que quelqu'un souffre d'appendicite. Ceci est un destin provenant d'une cause particulière. Deux destins séparés et supplémentaires attendent ce malade. Ou bien il peut subir une opération auquel cas il peut guérir, ou bien il ne peut pas subir d'opération, auquel cas il meurt. Chacun de ces deux choix représente une forme de destin.
Les prédestinations peuvent ainsi être interchangeables mais quelle que soit la décision que le malade prend, la façon dont il agit ne sera pas en dehors de la sphère de ce que Dieu a prescrit.
On ne peut rester les mains croisées et se dire: "si c'est écrit, je vivrais sinon je mourrais quels que soient les efforts que je fais pour être traîté".
Si vous cherchez le traitement et que vous guérissez, ce sera votre destinée, et si vous refusez le traitement et que vous mourriez, ceci est aussi votre destinée: où que vous alliez et quoique vous fassiez, vous êtes sous l'étreinte du destin.
Les personnes qui sont fainéantes et qui refusent de travailler décident d'abord de ne pas travailler et ensuite, alors qu'elles se retrouvent sans le sou, elles blâment leur destin. Si elles avaient décidé de travailler, l'argent qu'elles auraient gagné serait aussi le résultat du destin.
Ainsi, que vous soyez actifs ou non, vous n'enfreignez pas la loi du destin.
Un changement de destin ne veut pas dire la rebellion d'un certain facteur contre le destin, ou l'opposition à la loi de causalité.
Quelque chose qui cause un changement dans la destinée est elle- même un maillon dans la chaîne de causalité, une manifestation du destin.
En d'autres termes, un destin est changé par un autre destin. Contrairement aux sciences qui pointent dans une seule direction et ne montrent l'orientation que de certains aspects et phénomènes, les lois de la métaphysique ne s'intéressent pas aux phénomènes d'un point de vue conjoncturel.
Bien que les lois régularisent les phénomènes, elles sont indifférentes à l'orientation qu'elles assument. Dans la réalité, les phénomènes ainsi que leurs orientations, sont soumis aux lois vastes et étendues de la métaphysique. Dans quelque direction que les phénomènes se dirigent, ils sont inévitablement pris dans l'étreinte de ces lois.
La situation est comme celle d'une plaine large et étendue; même la partie la plus au nord et celle la plus au sud sont dans la plaine.
* * *
En bref, le destin et la prédestination ne représentent rien d'autre que l'irréversibilité du principe de causalité: il représente une vérité métaphysique qui ne peut être mesurée de la façon dont on mesure les données de la science.
Le principe de causalité dit seulement que tout phénomène a une cause. Il ne peut de lui - même faire une prédiction quelconque. Ceci étant une propriété totalement absente pour la conscience métaphysique.
Pour les lois de la métaphysique, qui est une forme descriptive des connaissances et une base stable et ferme pour les différents phénomènes du monde, il n'y a aucune différence si tel et tel phénomène particulier a lieu.
Une autoroute solide sur laquelle roulent les voitures ne fait pas de distinction entre les différents sens de déplacements.
Le Commandeur des croyants Ali (paix sur lui) se reposait à 1'ombre d'un mur qui semblait vouloir tomber. Soudain, il se leva pour se mettre à l'ombre d'un autre mur. On lui demanda: "Fuyez- vous le destin de Dieu". Il répondit: "Je me réfugie sous la puissance de Dieu contre ce qu'il a décrété", voulant dire, "Je m'enfuis d'une destinée vers une autre. Assis ou debout, on est toujours soumis au destin. Si le mur fissuré s'écroule sur moi et que je me blesse, ce sera mon destin, et si je fuis la zone dangereuse, ce sera aussi mon destin."
Le glorieux Coran décrit comme normes divines les systèmes et les lois de la nature qui gouvernent le monde et qui suivent des cours inévitables et immuables:
"Tu ne trouveras point de changement dans les
normes divines"
Coran, sourate 33, verset 62
La loi immuable de Dieu décrète entre autres que:
"A ceux qui parmi vous croient et font bonnes oeuvres,
Dieu a promis d'en faire Ses lieutenants sur terre."
Coran, sourate 24, verset 55
D'après le Coran, ceci est aussi une norme divine immuable:
"Dieu ne change rien à l'état d'un peuple avant qu'il ne se change lui - même."
Coran, sourate 13, verset 11
D'un point de vue religieux, les réalités ne sont pas confinées entre les quatre murs de la causation matérielle. Les phénomènes ne doivent pas être considérés purement dans leurs relations sensorielles et leurs dimensions matérielles. Les facteurs non matériels accèdent aux domaines qui sont complètement fermés au x facteurs matériels, et ils jouent un rôle décisif et indépendant dans l'émergence des phénomènes.
Le monde n'est en aucune façon indifférent à la distinction entre le bien et le mal; les actes de l'homme produisent certaines réactions durant sa vie. La bonté envers son prochain et le service des créatures de Dieu sont des facteurs qui, à travers des moyens non matériels, résultent en un changement de la destinée humaine et contribuent à la tranquilité, la joie et à l'abondance de bénédictions. L'oppression, la malveillance et l'agression portent aussi un fruit amer et produisent inévitablement des résultats nuisibles. Ainsi, de ce point de vue, une forme de récompense est inhérente à la nature, car le monde possède la perception et la conscience: il voit et il entend. La façon dont il récompense les actions est une manifestation du destin: il est impossible de le fuir, car il vous suivra ou que vous alliez. Un certain scientifique a dit: "Ne dites pas que le monde manque de perception car ce serait vous accuser de manquer de perception. Vous êtes venu au monde comme une de ses parties et s'il n'y a aucune conscience dans le monde, il n'y en a aussi aucune en vous."
Concernant le rôle des facteurs non matériels dans le façonnement de la destinée, le Coran dit ce qui suit:
"Si les peuples de la terre croyaient et se montraient pieux,
nous leur ouvrirons les portes des trésors des cieux et de la
terre, mais comme ils mécrurent, nous les avons puni pour leur
comportement."
Coran, sourate 7, verset 96
"Nous ne détruisons jamais une cité sans que son peuple ne le mérite."
Coran, sourate 28, verset 59
Le concept de destin est cité par les partisans du déterminisme comme une de leurs preuves. D'après eux, aucun acte ne peut être accompli par quiconque car Dieu a prédestiné les actes de l'homme, particuliers et généraux, bons et mauvais de façon qu'il ne reste plus de possibilité d'action volontaire de sa part.
* * *
Il y a une différence entre le déterminisme et la destinée irréversible. Tout phénomène doit nécessairement se produire une fois que toutes ses causes sont produites. Un maillon de la chaîne des causes est la volonté de l'homme, qui joue un rôle décisif. L'homme est un être doté du libre arbitre, et ses actions visent donc des objectifs définis, et lors de la poursuite de ses buts, il ne suit pas une loi automatique de la nature, comme les gouttes de pluie qui tombent d'après la loi de la gravité. S'il devait être autrement, l'homme ne pourrait en fait pas poursuivre l'objectif qu'il a en tête, comme tout être jouissant du libre arbitre. Ceci est en contradiction avec le point de vue déterministe qui considère le libre arbitre comme inopérant et lie toutes les causes exclusivement à Dieu et aux facteurs extérieurs à l'essence propre de l'homme.
La croyance en le destin ne peut conduire au déterminisme que si on considère le destin comme effaçant la volonté et le pouvoir de l'homme, de façon qu'aucun rôle ou effet n'est prescrit à ses désirs dans les actes qu'il accomplit. En fait, le destin n'est rien d'autre que le mystère des causes et effets.
Le Coran proclame que quelques uns parmi ceux qui se sont opposés aux prophètes et se sont rebellés contre les élus de Dieu ont interprété le destin de façon déterministe. Ils ne tenaient pas à ce que les choses changent pour éviter que l'ordre social du monothéisme ne remplace le système corrompu auquel ils étaient attachés.
Voici les versets qui s'y rapportent:
"Ils disent: Si Dieu ne voulait pas que nous adorions
les anges, nous ne les aurions pas adoré. ils parlent
sans aucune science. Ils ne font que diffamer. Ou bien
leur auions- nous apporté un livre avant celui - ci, auquel
ils chercheraienr à se cramponner".
Coran, sourate 43, verset 20 et 21
Contrairement aux déterministes, les messagers de Dieu et ceux qui suivent les enseignements divins ne se sont pas occupés de conserver le statu quo, mais plutôt de renverser les coutumes et traditions et regarder vers le futur.
Le noble Coran promet à l'humanité entière la victoire finale dans son combat contre les tyrans et précise que le dernier gouvernement sur cette terre sera celui de la justice; le mensonge disparaîtra et l'issue finale de toutes les affaires du monde reviendra à ceux qui craignent Dieu. Ceci est la promesse du Coran:
"Mais nous voulions favoriser ceux qui étaient affaiblis
sur terre et en faire les dirigeants, et en faire les héritiers."
Coran, sourate 28, verset 5
"A ceux qui parmi vous, croient et font de bonnes oeuvres,
Dieu a promis d'en faire Ses lieutenants sur la terre, comme
Il l'a fait avec ceux d'avant eux, et que certainement, Il raffermirait
pour eux la religion qu'Il leur a choisi, et qu'Il transformera leur
crainte en sécurité. Il m'adoreront alors et ne m'associeront rien.
Et quiconque mécroit après cela, alors les voilà les pervers."
Coran, sourate 24, verset 55
"Et les gens qui étaient opprimés, Nous les avons fait hériter les
orients de la terre et ses couchants, que Nous avions béni. Et la
bonne parole de ton Seigneur s'accomplit en faveur des enfants
d'Israël pour récompenser leur endurance. Et Nous avons détruit
ce que faisaient Pharaon et son peuple ainsi que ce qu'ils construisaient"
Coran, sourate 7, verset 137
Ainsi le Coran décrit l'opposition entre la foi et la mécréance, entre les tyrans et les dépossédés, et il nous dit que le monde se dirige vers le triomphe de la vérité sur le mensonge, et des dépossédés sur leur oppresseur; un mouvement révolutionnaire, qui est en harmonie avec la marche de toute la création vers la perfection, s'est déclenché.
L'appel des prophètes, la récompense et la punition, le paradis et le feu de l'enfer, tout ceci prouve que l'homme a des devoirs et des responsabilités, et en conséquence, le Coran lie le salut de l'homme dans ce monde et dans l'au - delà à ses actions.
D'après la doctrine du destin et de la prédestination, l'homme est libre et responsable de sa propre destinée et de son contrôle. Le destin et la prédestination sont bien en action. Si un peuple est puissant et un autre misérable, ou si une communauté est fière et triomphale et une autre humble et frustrée, c'est parce que le destin et la prédestination déterminent qu'un peuple profite des moyens de progrès et de développement et se dirige sur le chemin de l'honneur et de la dignité, alors qu'un autre choisit l'indifférence et ne peut s'attendre à rien d'autre qu'à la défaite et à l'humiliation.
"Dieu ne change rien à l'état d'un peuple jusqu'à ce qu'ils
entreprennent eux - mêmes leur propre changement"
Coran, sourate 8, verset 53
Nul doute qu'il puisse arriver que nos voeux ne soient pas exaucés comme nous l'espérons, mais ceci ne peut en aucun cas prouver que l'homme est contraint et déterminé dans ses actes. Le fait que la portée des actes volontaires de l'homme soit limitée, ne contredit nullement sa possession du libre arbitre. Affirmer que l'homme dispose du libre arbitre n'implique nullement que son libre arbitre soit illimité.
Dieu a mis plusieurs facteurs pour agir sur la vaste étendue de l'existence. Quelquefois ces facteurs, ensemble avec les phénomènes qu'ils entraînent, sont évidents à l'homme, et quelquefois ils ne le sont pas. Une interprétation réaliste et attentive du concept de Destin et de prédestination inspireront l'homme pour travailler plus pour connaître et reconnaître tous ces facteurs de façon qu'en les considérant tous, il peut aspirer à de plus grands résultats encore.
C'est précisement à cause des limites de ses capacités que l'homme est incapable d'acquérir tous les facteurs nécesaires au succès, de façon que ses voeux et désirs restent satisfaits.
D'après le principe général de causalité, le destin de chaque être est lié aux causes qui le précèdent. Que l'on accepte l'existence d'un principe divin ou non, cela n'a aucune répercussion sur la question de la liberté.
De ce fait, on ne peut pas non plus maintenir que le déterminime résulte de la croyance en la doctrine du destin et de la prédestination. Ce que nous entendons par la prédestination est le lien inséparable de chaque phénomène avec ses causes, incluant la volonté et le choix de l'homme; nous ne nions certainement pas la causalité.
Le destin et la prédestination produisent tout phénomène au moyen de ses causes particulières. La loi divine règne sur le monde entier comme loi et principe universel. Tout changement qui se produit a aussi lieu sur la base d'une norme divine. Si ce n'était pas le cas, le destin et la prédestination n'auraient jamais une expression externe. Toute école scientifique de pensée qui accepte le principe de la causalité universelle est obligée d'accepter la réalité des relations entre un phénomène et sa cause, que sa perspective soit théiste ou matérialiste.
Maintenant, si le lien établi entre un phénomène y compris les actes humains - et sa cause, pousse l'homme à être un automate, prédéterminé dans ses actes, alors aussi bien le théisme que le matérialisme sont sujets à des objections, en ceci qu'ils acceptent tous deux la causalité. Mais s'il ne conduit pas à cette conclusion (comme il ne le devrait pas en effet), la question reste posée: Quelle est la différence, à cet égard, entre le théisme et le matérialisme?
* * *
La différence est que le point de vue théiste, contrairement à celui du matérialisme, considère les facteurs idéaux et non matériels comme totalement capables d'exercer un effet. Ces facteurs sont beaucoup plus complexes et subtils dans l'enchaînement de la création que ne le sont les facteurs matériels. Le point de vue basé sur la croyance en Dieu donne de l'ardeur, un sens et un but à la vie. Il donne à l'homme le courage, la vitalité, une vue profonde et large et la force de l'esprit. Il l'empêche de tomber dans le vide causé par l'absence de but et le porte haut dans une ascension sans fin.
Ainsi un croyant en Dieu, convaincu du destin et de la prédestination, perçoit qu'il y a des buts nobles dans la création de l'homme et de l'univers; il avançera dans le bon chemin grâce à sa confiance en Dieu; se sachant lui- même protégé et aidé par Dieu, il aura plus de confiance et d'espoir dans les résultats de son activité.
Mais quelqu'un qui est" sous l'emprise du matérialisme, dont le cadre mental le pousse à croire en une prédestination et un destin matériels, ne profite d'aucun de ces avantages. Il est privé d'un support sur et invincible dans ses efforts pour atteindre ses buts.
Il est alors évident qu'il y a une différence profonde entre les deux écoles de pensée en ce qui concerne leurs effets sociaux et psychologiques.
Anatole france a dit: "C'est l'effet bénéfique de la religion, qu'elle enseigne à l'homme la raison de son existence et la conséquence de ses actes.
Une fois que nous rejetons les principes de la philosophie théiste, comme presque tous le font maintenant à notre age de science et de liberté, nous n'avons plus aucun moyen de savoir pourquoi nous sommes venus dans ce monde et ce que nous sommes supposés faire après avoir mis pied sur terre.
"Le mystère du destin nous a enveloppé avec ses puissants secrets, et si nous voulons éviter complètement les ambiguïtés de la vie nous ne devons plus penser du tout. Car la racine de notre peine est dans notre totale ignorance de la raison de notre existence. Les peines physiques et mentales, le tourment de l'âme et des sens, tout serait supportable si nous connaissions leur raison et si nous croyions que Dieu les a voulus.
"Le vrai croyant trouve du plaisir dans la souffrance spirituelle qu'il endure. Même les péchés qu'il commet ne l'empêchent pas d'espérer. Mais dans un monde où le rayon de la foi s'est éteint, la peine et la maladie perdent leur sens et deviennent des farces malheureuses, une forme de ridicule sinistre".
Chapitre II
Une interprétation erronée de la prédestination
Certains pseudo - intellectuels se font des idées erronées de la destinée et de la prédestination et s'imaginent que la doctrine de la prédestination est cause de stagnation et d'inertie, empêchant l'homme d'améliorer sa vie, et lui interdisant toutes les formes d'effort.
La source de cette erreur en Occident est l'absence d'une compréhension juste du concept de prédestination en particulier telle qu'elle est exposée par les enseignements islamiques. En Orient, elle a gagné en influence à cause de la décadence et de l'arriération.
Il est bien connu que tout individu ou communauté historique qui manque de réaliser ses buts et ses idéaux, pour quelque raison que ce soit, se consolent eux mêmes avec des mots comme "chance", "accident", "destin" et "fatalité".
Le plus noble des messagers - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - s'est exprimé lui même à ce sujet: "Un temps viendra pour les gens de ma communauté où ils commettront le péché et l'iniquité, et diront pour justifier la corruption et le désordre:" c'est Dieu qui a décrété avant notre naissance, que nous devrions agir ainsi: "Si vous rencontrez ces gens, dites leur que je les désavoue."
La croyance en la fatalité et en la destinée n'em pêche pas l'homme de s'efforcer d'atteindre ses objectifs dans la vie. Quiconque a la connaissance religieuse nécessaire de base, sait que l'Islam appelle les hommes à faire de leur mieux pour améliorer leur état, à la fois moralement et matériellement. Cela est en soi un puissant facteur d'intensification des efforts des hommes. Dans aucun verset du Coran, on ne trouvera d'acte de corruption des individus ou de société, attribués à la fatalité et la destinée. De même, la fatalité et la prédestination ne sont pas présentées comme des obstacles à la réforme d'une société corrompue et décadente. On ne trouvera pas un seul verset dans lequel la volonté de Dieu supplante la volonté de l'homme, ou dans lequel il est affirmé que les hommes souffrent d u fait de leur prédestination.
Un penseur occidental ayant eu une mauvaise compréhension des notions de fatalité et de destinée fut Jean - Paul Sartre. Il niait la possibilité de croire simultanément dans une destinée prédéterminée par Dieu et dans la liberté de l'homme; il mettait l'homme devant le choix exclusif soit de la croyance en Dieu, soit de la liberté: "Je ne crois pas en Dieu, parce que je crois en la liberté. Parce que si je crois en Dieu, je devrais accepter le concept de destinée, et si J'accepte la destinée, j'aurais à renoncer à la liberté. Comme je suis attaché à la liberté, je ne crois pas en Dieu.
Pourtant, il n'y a pas de contradiction entre la foi de l'homme en la destinée, d'une part et en la liberté de l'homme, d'autre part. Tout en attribuant à la volonté divine une portée universelle, le noble Coran confère un rôle actif et libre à l'homme, décrivant ce dernier comme un être capable de forger son propre destin en discernant le bien et le mal, le beau et le laid, et de choisir. entre eux.
"Nous avons montré la voie à l'homme,. et il est libre de
choisir la voie droite d'être reconnaissant ou de choisir la
voie de l'ingratitude"
Coran, sourate 76, verset 3
"Quiconque aspire à la demeure éternelle et s'y efforce verra
son effort récompensé"
Coran, sourate 17, verset 19
Ceux qui au jour du jugement dernier s'abriteront derrière l'argument du déterminisme et diront: "Si Dieu l'avait voulu, nous n'aurions pas adoré d'autre que Lui" (16: 35) seront déboutés pour avoir attribué au destin et à la volonté divine leur propre péché et leur propre égarement.
En maints endroits, le Coran mentionne le courroux de Dieu qui s'abattra sur les tyrans et les corrompus.
Comme Dieu est extrêmement Bon et Clément envers Ses serviteurs en déversant sur eux des faveurs innombrables, et comme il est aussi en même temps prêt à accepter leur repentir, il a voulu que soit toujours ouverte devant le pécheur la porte du retour à la pureté et à la droiture. L'acceptation du repentir par Dieu constitue en soi un grand exemple de sa grâce.
Bien que la portée de la volonté de l'homme soit plus grande et plus étendue que celle de toutes les autres créatures vivantes connues et joue un rôle plus créatif, cette volonté n'a d'effet que dans les zones délimitées pour son activité par Dieu. L'homme ne peut pas par conséquent accomplir tout ce qu'il veut dans sa vie. Il arrive souvent que l'homme décide de faire quelque chose, mais qu.'il se montre incapable de l'accomplir en dépit de tous ses efforts. La raison n'en est pas que la volonté de Dieu s'oppose à celle de l'homme pour l'empêcher de faire ce à quoi il aspire. En pareils cas, il s'agit plutôt de quelque facteur externe se situant hors des limites de la connaissance et créant des obstacles sur sa voie et qui l'empêchent d'atteindre ses objectifs.
A la fois, l'individu et la société rencontrent constamment de tels obstacles. Compte tenu du fait que dans le règne naturel, il n'y a pas de cause sans effet, et pas d'effet sans cause, et que nos moyens de perception sont limités à ce monde et au domaine humain, il ne devrait pas être difficile pour nous d'accepter que nos désirs ne soient pas accomplis.
Dieu a mis en activité des milliards de facteurs dans l'ordre de l'existence. Parfois ces facteurs sont apparents pour les hommes, et d'autres fois ils leur demeurent méconnus et ne peuvent être incorporés et pris en compte dans les calculs. Cela aussi est en rapport avec le destin et la prédestination, mais non seulement il n'aboutit pas à priver l'homme de son libre arbitre et ne l'empêche pas de déployer son effort pour avoir la vie la plus satisfaisante possible, mais aussi il l'oriente à la fois dans la connaissance et dans l'action, et imprègne les profondeurs mêmes de son être d'une grande vitalité. L'homme cherche à accroître son savoir et à identifier, de façon aussi précise que possible, les facteurs qui aplanissent la voie pour de plus grands succès dans la vie.
La croyance en le destin et le sort est par conséquent un facteur puissant dans la réalisation par l'homme de ses buts et idéaux.
* * *
La question de salut ou de la damnation de l'homme a été implicitement résolue dans la discussion précédente, puisque le salut et la damnation résultent des actions et faits des hommes, non des choses se situant hors du champ de leur volonté ou de phénomènes naturels qui sont du fait même de la création inséparables de l'existence humaine.
Ni les facteurs héréditaires ou d'environnement, ni les capacités naturelles présentes en l'homme n'ont d'effet sur son salut ou sa damnation; ils ne peuvent modeler sa destinée. Ce qui fixe et détermine le futur de chacun est l'axe autour duquel tourne son salut ou sa damnation; la cause de son élévation ou de sa chute, est le degré dont l'homme, en tant qu'être doté du pouvoir de choisir, fait usage de son intellect, de ses connaissances et de ses autres pouvoirs.
Le bonheur et le salut ne dépendent pas de l'abondance de capacités naturelles. Il est cependant vrai qu'un homme doté d'une plus grande capacité que l'autre est investi d'une plus grande responsabilité. La moindre erreur de sa part sera de loin plus significative que la même erreur commise par des individus plus faibles. Chacun sera appelé à rendre compte suivant les dons et les capacités qu'il e.
Il est parfaitement possible qu'une personne dont les capacités et les ressources intrinsèques sont limitées ordonne sa vie conformément aux devoirs et responsabilités qui lui ont été imposées, et parvienne au bonheur véritable qui est seul digne du rang délicat de l'homme. Ce sera l'intensité des efforts qu'il déploiera pour faire un usage correct de ses capacités limitées qui lui ont été octroyées, qui lui permettra d'atteindre ce résultat.
En revanche, celui qui aura été doté de ressources et de capacités plus abondantes, pourrait non seulement les utiliser sans en profiter lui- même, mais aussi même en mésuser à bon escient pour noircir sa dignité humaine et déchoir dans la corruption et le péché. Une telle personne est sans aucun doute un pécheur destiné à la damnation, qui ne connaîtra jamais l'éclair d'un salut.
Le Coran dit:
"Toute âme sera otage de ce qu'elle se sera acquise"
Coran, sourate 74, verset 38
Par conséquent, le salut ou la damnation d'une personne dépend des actes de sa volonté, et non des déguisements psychologiques ou naturels. Ceci est la manifestation la plus claire de la justice divine.
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L'une des particularités de la doctrine chiite est la croyance dans le badâ (de l'arabe badâ, yabdou, paraître, sembler), terme signifiant que les destinées des hommes changent quand changent les facteurs et les causes qui les régissent. Ce qui apparaît comme éternel et immuable change suivant les changements intervenants dans les actes et la conduite des hommes.
Tout comme les facteurs matériels peuvent remodeler la destinée de l'homme, des facteurs non matériels peuvent aussi provoquer de nouveaux phénomènes. Il est possible que de tels facteurs non matériels rendent apparent ce qui est caché et contraire au cours normal des affaires. En fait, à travers un changement des causes et des circonstances, Dieu décrétera qu'un nouveau phénomène apparaisse, plus bénéfique que le phénomène auquel il se substitue. Ceci est comparable au principe de l'abrogation dans la loi révélé. Si une loi antécédente est abrogée en faveur d'une autre, cela n'implique pas ignorance ou regret de la part du Prophète qui énonce la loi divine, mais seulement que la validité de la loi abrogée a expiré.
Nous ne pouvons pas interpréter le concept de badâ dans le sens où Dieu changerait d'opinion, après que la réalité - auparavant méconnue de lui - d'une chose, lui serait devenue connue. Cela serait en contradiction avec le principe de l'universalité de la connaissance de Dieu, et ne peut par conséquent être accepté par les musulmans.
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L'invocation est un autre facteur dont l'efficacité ne doit pas être - sousestimée Il est évident que Dieu est au fait des secrets les plus profonds de chacun, mais dans la relation de l'homme avec Dieu, la prière surérogatoire joue le même rôle que les efforts et les actes de l'homme dans sa relation avec la nature. Outre son effet psychologique, la prière exerce aussi un effet indépendant.
A chaque instant, de nouveaux phénomènes voient le jour dans la nature dans lesquels les causes précédentes ont un rôle. De même, dans une grande sphère de l'existence, la prière surérogatoire est profondément efficace pour faire avancer l'homme vers la réalisation de ses buts. De la même façon que Dieu a assigné à chaque élément naturel, un rôle dans le système de causalité, il a aussi assigné un rôle important à l'invocation. Quand une personne est en proie aux difficultés, elle ne doit pas se laisser emporter par le désespoir et le désarroi. Les portes de la grâce de Dieu ne sont jamais fermées pour personne. Il est possible que demain une situation nouvelle voie le jour aucunement semblable à celle qui l'a précédée.
"Chaque jour, Dieu est engagé dans une nouvelle affaire"
Coran, sourate 55, verset 29
On ne devrait par conséquent épargner aucun effort. Une prière qui n'est pas accompagnée d'efforts appropriés est "comme une personne qui veut tirer une flèche avec un arc sans corde", comme dit le Commandeur des croyants Ali ibn Abi Tabeb.
Tout en persévérant dans ses efforts, il faudrait soumettre ses désirs à Dieu, dans l'espérance et la sincérité, et demander aide de tout son être à cette source infinie de puissance. Dieu ne manquera certainement pas de nous prendre par la main et de nous aider.
"Quand Mes serviteurs te demandent si Je suis loin ou proche
d'eux, qu'ils sachent que Je suis proche. Quiconque appelle, Je
lui répondrai et j'exaucerai sa prière. Qu'ils entendent Mon appel
et croient en Moi pour qu'ils atteignent le bonheur"
Coran, sourate 2, verset 186
L'homme s'élévera alors vers Dieu, et se plongera dans le véritable bonheur quand il. évitera les pièges du besoin en se libérant de toutes les causes et en se tournant directement à Dieu. Il se verra alors d irectement relié et rattaché à l'essence de Dieu et percevra tangiblement Sa grâce et Sa faveur infinies. L'Imam Ali ibn el Hussain, surnommé Sajjad - que la paix divine soit sur lui - s'adresse à Dieu dans ces termes, dans la célèbre invocation qui nous a été transmise par Abou Hamza: "O créateur! Je vois que les chemins de l'invocation et de la supplique qui conduisent à Toi sont ouverts et aplanis, et les sources d'espoir en toi abondantes. Je vois qu'il est permis de demander l'aide de Ta grâce et de Tes faveurs, et je vois les portes de la prière ouvertes devant tous ceux qui T'appellent et supplient Ton secours. J'ai la certitude que Tu es prêt à répondre aux prières de ceux qui T'appellent et d'accorder refuge à ceux qui le cherchent en Toi." Il y a aussi une tradition qui est relative aux effets d u péché et des bonnes oeuvres: "Ceux qui meurent à cause de leurs péchés sont plus nombreux que ceux qui meurent de mort naturelle; et ceux qui vivent plus longtemps à cause des bonnes oeuvres qu'ils ont accompli sont plus nombreux que ceux qui vivent du simple fait de leur espérance de vie naturelle".
Ce fut par l'effet de l'invocation et de la prière que Zaccharie, un authentique prophète qui allait désespérer d'avoir un enfant, a vu se réaliser son voeu; c'est aussi l'effet du repentir qui sauva Jonas et son peuple du désastre et de l'anihilation.
Les lois dont le grand créateur a doté le système de l'univers ne limitent en aucune façon son pouvoir infini ni n'en restreignent la portée. Il dispose de la même discrétion absolue pour changer ces dites lois, les confirmer ou les abroger, que celle dont il disposa en les établissant pour la première fois. Cette essence unique dont la souveraineté totale et subtile s'étend à l'ensemble du système de l'existence, ne peut être soumis de force aux lois et phénomènes dont il est le créateur, ou perdre le pouvoir et la capacité de faire ce qui lui plaît.
Quand nous disons que Dieu est capable à tout instant de changer les phénomènes qu'Il a créés dans le monde, nous ne voulons pas entendre par là qu'Il détruise l'ordre du monde et ses lois fixées ou qu'Il passe outre aux lois et aux principes de la nature. Le processus même de changement intervient conformément à certains principes et critères qui échappent à notre perception et à notre connaissance limitées. Si l'homme considère attentivement et avec un esprit critique le large éventail de possibilités auquel il est confronté, il se gardera d'essayer, de façon aventureuse de prédire toutes les choses sur la base des quelques principes qu'il a observés dans le règne naturel.
Dans l'univers aux frontières infinies, seul Dieu mérite d'être adoré et loué par l'homme. La quête de Son agrément et de Sa satisfaction doit avoir la priorité chez tout être aimant Dieu. Cette goutte qu'est l'homme ne sera à l'abri des tempêtes de la déviation et de la corruption que si elle rejoint le grand océan dans lequel elle trouvera son identité authentique, et accédera à l'éternité. Dieu sera alors pour l'homme Celui qui donne un sens au monde, et par qui s'expliquent tous les évènements, et à partir de là, il comprendra d'où viennent l'ampleur et l'étroitesse des univers des hommes.