La traduction et l’exégèse de la Sourate an-Nâs (Les Gens)
  • Titre: La traduction et l’exégèse de la Sourate an-Nâs (Les Gens)
  • écrivain: Al-Shia.org
  • Source:
  • Date de sortie: 15:23:42 3-9-1403

بسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ

 

Bi-smi-llâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi,

Par [la grâce du] Nom de Dieu, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux,

قُلْ أَعُوذُ بِرَبِّ النَّاسِ (١) مَلِكِ النَّاسِ (٢)إِلَهِ النَّاسِ (٣)

Qul : a‘ûdhu bi-rabbi-n-nâsi, maliki-n-nâsi, ilâhi-n-nâsi,

Dis : « Je cherche le refuge auprès du Seigneur des gens, (1) du Souverain des gens,(2) de la Divinité des gens,(3)

مِنْ شَرِّ الْوَسْوَاسِ الْخَنَّاسِ (٤)

min sharri-l-wawâsi-l-khannâsi

Contre le mal de celui qui suggère, le furtif, (4)

الَّذِي يُوَسْوِسُ فِي صُدُورِ النَّاسِ (٥)

al-ladhî yuwaswisu fî sudûri-n-nâsi

Qui suggère dans les poitrines des gens, (5)

مِنَ الْجِنَّةِ وَ النَّاسِ (٦)

mina-l-jinnati wa-n-nâsi.

Des djinns et des gens. » (6)

 

بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ

 

Bi-smi-Allâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi,

قُلْ أَعُوذُ بِرَبِّ النَّاسِ « Qul : a‘ûdhu bi-rabbi-n-nâsi»

 

« Qul » : vient du verbe « Qâla » (= dire) à l’impératif à la deuxième personne du singulier. Qui parle ? Dieu. A qui s’adresse-t-Il ? Apparemment à Son Messager, le Prophète Mohammed(s) puisque c’est sur lui qu’est descendu le noble Coran.

 

 « A‘ûdhu bi..   min.. » du verbe « ‘Adha » à la première personne du singulier, au temps présent (mudâra‘- se terminant par un « u »), sans doute désignant le Prophète(s), puisqu’il est introduit par le verbe « Qul » (« dis »). Le verbe est suivi par la préposition « bi- » pour introduire « auprès de.. » et « min » (qui est présent dans le quatrième verset) pour introduire « contre/de » qui ou quoi, « fuyant » qui ou quoi.

 

Le refuge est simplement de chercher une protection, une immunité, pour se protéger soi-même contre quelque chose dont on a peur.

 

 « Rabbi » : du verbe « rabba » qui veut dire « conduire quelqu’un ou quelque chose vers sa perfection, enlever les manques en se débarrassant des imperfections, et en se parant des vertus, que ce soit en soi, de façon essentielle ou accidentelle, au niveau des croyances, des connaissances, des qualités, du comportement, ou des actes (ou autres) en fonction de la personne ou de l’animal,  de la plante ou de la chose = « Seigneur ». Le mot se termine par un « i » parce qu’introduit par la préposition « bi ».

 

 « an-Nâs » : les gens en tant que regroupant les individus, non en tant que genre.

 

مَلِكِ النَّاسِ « maliki-n-nâsi »   

 

« Maliki » : du verbe « malaka » se rendre maître de quelque chose, la posséder, régner. « Malik » est un des Beaux Noms de Dieu, indiquant la Souveraineté.

 

إِلَهِ النَّاسِ « ilâhi-n-nâsi»   

 

« Ilâhi » : la « Divinité » que l’on adore.

 

مِنْ شَرِّ الْوَسْوَاسِ الْخَنَّاسِ « min sharri-l-wawâsi-l-khannâsi »   

 

« Sharr» : qui est le contraire de « bien », le bien étant en vérité ce qui est utile, ce qui a de bons effets. Donc « sharr » est le mal, ce qui est nocif, qui a de mauvais effets ou des effets corrompus.

 

 « al-waswâsu » du verbe « waswasa » qui veut dire suggérer, insinuer.

 

« Al-waswas » indique une voix (intérieure), cachée qui parle dans l’âme sans être juste, une sorte de « suggestion intérieure », une pensée qui se présente inopinément à l’opposé de la Révélation  (al-wahî) et de l’inspiration (al-ilhâm). Elle n’est pas fondée sur un savoir ou une certitude, mais à la différence du doute qui a pour origine l’absence d’atteinte du savoir et de la certitude, elle provient d’un comportement de l’imagination. En effet la faculté imaginative saisit des choses partielles et vagues parmi elles ; elle se comporte comme elle veut aux dépens de la raison. La suggestion/insinuation se réalise donc quand il y a une faiblesse (de la force) de la raison qui ne joue pas son rôle de légiférer, de juger, de faire la distinction entre le vrai et le faux.

 

Qu’est-ce qu’indique « al-waswâsu » (avec  le second « a » long) ? un nom d’action (« masdar », la suggestion, insinuation, obsession) ? un agent (« celui qui suggère, qui insinue, qui dicte (de « l’intérieur ») » ? Dans ce dernier cas, il désignerait qui ? Le « shaytân » (comme certains le suggèrent) ou autre ?

 

 « al-Khannâs » du verbe « khannasa » : rester en arrière, « replier », « reculer ». « Al-khanas » indique le retard, la retenue et par suite, cacher, se dissimuler. On parle d’un nez « khanas », c’est-à-dire retroussé, écrasé.

 

Ainsi, celui qui suggère, insinue (al-waswâs) est qualifié de « khannâs », c’est-à-dire « qui recule » ou « qui se dissimule ». Cela demande des explications.

الَّذِي يُوَسْوِسُ فِي صُدُورِ النَّاسِ « al-ladhî yuwaswisu fî sudûri-n-nâsi »   

 

« Suddûr » pluriel de « sadr », la poitrine qui renferme le cœur (centre de la vie) et qui le contient (que ce soit du point de vue matériel ou spirituel). Pourquoi ce mot ici et non pas par exemple l’âme, le cœur, l’esprit ? Pourquoi parler de façon générale « les poitrines des gens » ? Dans ce verset, on parle donc de l’action de suggestion dans les poitrines des gens, sans tenir compte de l’origine des suggestions, ce qui n’est pas sans mettre en évidence l’importance de cet acte de « suggestion ».

 

مِنَ الْجِنَّةِ وَ النَّاسِ « mina-l-jinnati wa-n-nâsi »   

 

« min » préposition renvoyant selon le plus probable à « celui qui suggère ». Quelle est sa valeur ?

 

 « jinnati » du verbe « janna » : couvrir, envelopper ou « junna » : être couvert, se couvrir, être voilé, obscur. Ici « jinnati » désigne les djinns (bons ou mauvais) qui sont une création de Dieu, au même titre que les hommes. Quels sont les rapports entre les hommes et les djinns ? Pourquoi avoir cité les djinns avant les hommes ?

 

Ainsi, ceux « qui suggèrent dans les poitrines des gens » proviennent des djinns et des hommes, pas exclusivement le « shaytân ».

 

Essayons de reprendre toute la sourate avec une approche globale « constructive ». Ainsi, Dieu parle et s’adresse à Son Messager de Dieu(s) et lui demande de dire en employant le style direct : « Dis : « Je demande.. » ». Donc Dieu lui demande de demander le refuge auprès de Lui en faisant appel à trois de Ses Attributs (la Seigneurie, la Souveraineté, la Divinité). Pourquoi ces trois Attributs précisément ? Et dans cet ordre ? Auxquels ont été ajoutés en complément du Nom « des gens » ? Puisque c’est « moi » qui demande le refuge, pourquoi dire « des gens » et non pas par exemple « mon » Seigneur ? Et pourquoi la répétition des « gens » et ne pas employer un adjectif possessif 3e personne du pluriel comme « leur » Souverain ?

 

De quoi dois-je chercher à me protéger ? du « mal de celui qui suggère ». On ne sait pas de qui il s’agit (c’est-à-dire celui qui suggère). Par contre Dieu nous indique que c’est un « mal » et qu’il agit « voilé » « se dissimulant » ou « reculant », dans les poitrines des gens, et qu’il fait partie des djinns et des êtres humains.

 

Enfin, pourquoi la généralité du propos alors qu’il a commencé de façon très personnelle et au style direct ?

 

Voilà une première approche de la sourate an-Nâs qui a été révélée à La Mecque pour certains à Médine pour d’autres, en même temps que la sourate al-Falaq que nous verrons quand nous aurons fini le commentaire de cette sourate.

 

(Fait avec l’aide de l’interprétation de cette sourate par  Sayyed Mustafawî dans son « at-Tahqîq », et Mahmoud Bustânî dans son « Interprétation Constructive ».)

 

 Après avoir fait une présentation globale de toute la sourate en nous inspirant de la méthode dite « constructive » (binâ’î) de sh. Mahmoud Bostanî, nous allons reprendre la sourate verset par verset et en approfondir la compréhension.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh MaKârem Shîrâzî dans al-Amthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm ».

 

بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ« Bi-smi-Allâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi» 

 

Le « Basmalah » accompagne toutes les sourates du Coran, sauf celle du Repentir, la neuvième.

 

De même, nous avons vu précédemment que le « Basmalah » (à l’exception de la sourate al-Fâtiha) n’est pas un verset indépendant mais est rattaché au premier verset de la sourate, et ici plus précisément au mot « Qul » et y prend son sens.

 

C’est par le Nom de Dieu (« Allâhu » – qui est la Vérité regroupant nominale –) déterminé par la Miséricorde absolue, la Toute-Miséricorde, le Très-Miséricordieux, qu’a lieu la « descente », la révélation de cette sourate. Le « Basmalah » prend un sens particulier en se rattachant à cet acte demandé à accomplir dans cette sourate (« Dis : « Je cherche… » »), en se plaçant du point de vue de l’apparition du Vouloir Absolu, de l’hégémonie de l’Autorité du Seigneur, du Souverain et de la Divinité, et la disparition de toute velléité du « moi », qui se laisse facilement influencée par des « suggestions » intérieures des djinns ou des hommes.

 

Le sens visé du « Basmalah » de cette sourate est de se placer sous l’Autorité divine contre les insinuations voilées au sein des poitrines.

 

قُلْ « Qul : »   

 

Dieu Tout-Puissant commence cette sourate par ce mot « Qul », comme c’est le cas dans beaucoup d’autres versets du Coran. Ce mot fait partie de la sourate. Il n’est pas un mot précédent les Propos de Dieu.

 

Il est un ordre apparemment adressé à Son Messager, le Prophète Mohammed(s). Quel ordre lui(s) aurait été donné ? De faire ce qui suit ? ou de mettre en évidence, de faire connaître aux gens ce qui suit, dans la mesure où le Prophète Mohammed(s) est un exemple à suivre pour sa communauté ?

 

Autre question : est-ce que Dieu s’adresse uniquement à Son Prophète(s) comme cela est le cas dans certains versets comme {Dis : « Je suis en fait un être humain comme vous. »}(110/18 La Caverne), ou s’adresse-t-Il à toute personne par l’intermédiaire de Son Prophète(s) ?

 

Revenons sur le contenu de ce qui suit. En ce qui concerne le Prophète Mohammed(s), il(s) est la plus grandiose et la plus parfaite des personnes, la plus sincère vis-à-vis de son Seigneur. Aussi, les « suggestions » de « celui qui suggère de façon voilée » qu’il soit des djinns ou des hommes n’ont-elles aucune prise sur lui(s) (résultat du degré élevé de sa lutte personnelle (jihâd an-nafs) qui l’a fait atteindre cette infaillibilité de son propre choix, avec l’Aide de Dieu). Il n’y a pas lieu de demander au Prophète de rechercher refuge auprès de Dieu, de façon spécifique en de telles circonstances. Ce qui serait sous-entendre qu’Iblis aurait une voie d’accès à lui.

 

D’autant que pour le Prophète(s), la demande de l’Aide et de la Protection de Dieu est permanente, signe et confirmation de son infaillibilité, de sa perfection, de son élévation et de sa proximité auprès de Dieu.

 

Ainsi, dans cette sourate, Dieu, à travers son Prophète(s), s’adresserait à toute personne douée de raison, vigilante aux dangers qui l’entourent, pour qu’elle recherche refuge auprès de Lui (Dieu) contre tout mal de « celui qui suggère » des djinns et des hommes. Comme si Dieu Tout-Puissant disait à Son Prophète : « Tu dois insister et confirmer cette vérité dans l’esprit, le cœur des gens, en conservant les Propos divins qui auront des effets dans leurs poitrines. » Et il(s) devait le faire à voix haute de sorte que tous puissent l’entendre, de façon la plus claire et la plus évidente.

 

Ainsi, l’ordre adressé au Prophète Mohammed(s) l’est en fait pour nous tous. Selon une belle forme rhétorique, Dieu nous appelle à suivre cet ordre de nous référer toujours à Lui, – notamment quand « celui qui suggère » vient faire des suggestions/insinuations voilées dans les poitrines. Et de le faire, non pas seulement au niveau de la langue, de la répétition des paroles, mais surtout au niveau des organes, des actes, de la pratique, et cela pour atteindre Dieu, Sa Satisfaction, se parer des perfections et éviter les déviations.

 

أَعُوذُ بِ  ...مِنْ  « a‘ûdhu bi… min »

 

Quand une personne cherche refuge auprès de quelqu’un ou de quelque chose, contre quelque chose ou quelqu’un, c’est qu’il y a quelque chose qui lui fait peur et devant laquelle il se sent impuissant, dont il sent le besoin de se protéger. Alors, cette personne cherche un refuge auprès de quelqu’un ou de quelque chose qui est fort, qui a les moyens de la protéger contre ce dont elle a peur.

 

Dieu Tout-Puissant veut de nous plusieurs choses :

 

1-que l’on soit sur nos gardes face à ces « suggestions » qui sont en réalité un mal, que l’on ne les minimise pas ou que l’on ne néglige pas leur véritable nature ;

 

2-que l’on ait ce sentiment de peur, d’impuissance et de besoin

 

3-pour que l’on soit à la recherche de la Puissance réelle, de la Force réelle, de la Suffisance (le Riche en soi) pour aller s’y réfugier

 

4-et que cette demande de protection – demandée au début dans le cas du mal d’une « suggestion » ou d’une créature, c’est-à-dire au début dans des situations précises mais réelles – devienne permanente jusqu’à la fin, en toute sincérité.

 

Ainsi, cette demande de refuge apparaît être un moyen pédagogique pour amener l’homme à s’éduquer, à se corriger, à se purifier en faisant appel à la Protection de Dieu, et par la suite lui faire atteindre la Perfection et la Satisfaction divine.

 

POURQUOI LA DEMANDE A LA 1ère PERSONNE DU SINGULIER ?

 

{Dis : « Je demande le refuge..}

 

Peut-être pour que la personne se sente directement concernée à l’exclusion des autres, même si tout le monde peut être touché par ce même mal, pour que, d’une part elle ne se sente pas forte, invincible, du fait de se trouver dans un groupe, et d’autre part qu’elle reporte le problème sur les autres, ne se sentant pas directement concernée (« cela ne touche que les autres »). Un rappel qu’au Jour du Jugement, chacun sera tout seul.

 

En employant  le style direct, à la 1ère personne du singulier, la personne se sent obligatoirement concernée et visée par ce mal et donc se sent directement dans le besoin. Il lui est alors proposé un moyen de s’en sortir en cherchant refuge auprès du Tout-Puissant, il n’y a pas de plus Puissant que Lui

Cette implication est nécessaire pour sensibiliser et mobiliser la personne parce que le danger de ces « suggestions/insinuations maléfiques » (qu’elles soient des djinns ou des hommes) est souvent minimisé du fait de son caractère voilé. La plupart du temps, la personne ne s’en rend pas compte et peut même les considérer comme familières voire même y ressentir du plaisir, surtout si ces « suggestions » correspondent à ses désirs, ses passions, ses rêves (matériels). Cela nécessite une attention supplémentaire pour se rendre compte du danger et y faire face.

 

Après avoir vu la nécessité de chercher une protection, une immunité, pour se protéger soi-même contre un mal que l’on doit craindre, nous allons voir les particularités de Celui à qui nous nous adressons.

 

بِرَبِّ النَّاسِ « bi-rabbi-n-nâsi »   

 

Il est de la nature de l’homme de chercher refuge auprès de celui qui va le renforcer et l’empêcher de tomber, quand il se trouve dans une situation de faiblesse et de besoin.

 

Le premier Attribut que Dieu demande que l’on évoque est la Seigneurie (« Rabb » Seigneur).

 

Le mot « Rabbi » (Seigneur) implique une relation d’attention, de providence du Seigneur envers son sujet, et non pas une relation d’indifférence, d’intérêt ou d’hostilité, l’objectif étant l’éducation du sujet d’une part, et d’autre part, la  reconnaissance de la Seigneurie de Dieu Très-Elevé et une adhésion à Son Education de la part du sujet. Cet Attribut indique que Dieu veut que le sujet tire profit de cette situation pour s’éduquer lui-même : apprendre à se méfier de telles situations qui ont des effets négatifs du fait de sa faiblesse intérieure, savoir comment réagir pour en sortir renforcé et ne pas rester vulnérable à de telles situations.

 

Ce n’est pas une simple demande de refuge et de protection même si le moyen de réagir est de revenir à Dieu. Car Dieu ne veut pas imposer la soumission à Lui parce qu’Il est le Tout-Puissant,  mais veut qu’elle ait lieu avec la conscience, la volonté et la sincérité du sujet.

 

Avec l’Aide de Dieu, le Seigneur, la personne touchée par ce mal des « suggestions » peut se défendre de ce mal et s’attirer le bien. Il y a là une indication de la Volonté divine de rendre cette personne un être « humain » en maîtrisant ces « suggestions », avec Son Aide.

 

 C’EST  AUPRÈS DU « TOUT-MISÉRICORDIEUX » QUE S. MARIAM A CHERCHÉ REFUGE

 

Pourquoi S. Mariam a cherché refuge auprès du « Tout-Miséricordieux » et non auprès du « Seigneur » ?

 

{Elle dit : « Je cherche refuge auprès du Tout-Miséricordieux contre toi, si tu es pieux [si tu Le crains].} (18/19 Mariam)

 

S. Mariam se trouva en face de ce qu’elle croyait être un homme dont elle craignait le pire. Le danger ne venait pas d’elle en tant qu’elle pourrait céder à la tentation, (car elle s’était protégée elle-même en menant une lutte intérieure jusqu’à devenir « infaillible ») mais était extérieur à elle. Aussi, essaya-t-elle de l’amadouer en faisant appel à la Miséricorde de Dieu d’une part et d’autre part à la menace de Ses Châtiments, si cet « homme » craignait Dieu.

 

Ici, nous ne sommes pas dans une situation analogue. Le danger n’est pas qu’extérieur, provenant d’un certain « celui qui suggère » mais surtout intérieur dans la mesure où « celui qui suggère » suggère dans la poitrine et que la personne en question a elle-même une faiblesse intérieure qui la rend vulnérable à ces « suggestions ». Même ! le fait que ses « suggestions » aient des effets révèle cette faiblesse intérieure ou la confirme ! Aussi la personne doit-elle chercher à la supprimer et à renforcer son âme en faisant appel à Celui qui le pourra, au Seigneur.

 

POURQUOI NOUS FAIRE DIRE « RABBI-n-NÂS » ?

 

Pourquoi Dieu veut nous faire dire « rabbi an-Nâs » (Seigneur des gens) et non pas, par exemple « rabbî » (mon Seigneur) ?

 

Quand une personne implore Dieu, elle a tendance à dire « mon Seigneur », c’est-à-dire à faire appel à son Seigneur avec qui elle a une certaine intimité, auprès de Qui elle trouve sécurité, salut, force.. Alors, pourquoi nous faire dire « le Seigneur des gens » ?

 

Est-ce parce que si une personne invoque Dieu Tout-Puissant dans un cadre qui concerne la protection des êtres en général, l’invocation sera plus pure, aura plus d’effets et sera plus facilement exaucée ?

 

Est-ce pour nous indiquer que même si ce mal (ces « mauvaises suggestions ») concerne tout le monde, le remède ne peut venir que de la personne elle-même, de sa propre éducation ?

 

Est-ce pour éviter tout associationnisme et affirmer que Dieu, se manifestant sous l’Attribut de la Seigneurie, est Unique, le même pour tout le monde ?  Il n’y a pas de Seigneur autre que Lui pour l’ensemble des gens.

 

Les suggestions de « celui qui suggère » entraineraient-elles certains jusqu’à l’associationnisme, voire même au polythéisme ? Ce phénomène, touchant chaque personne individuellement, peut-il devenir un phénomène social, concernant un groupe de gens, voire même toute une société ?

 

Autant de questions qui donnent matière à réflexion.

 

POURQUOI LE MOT « an-NÂS » ?

 

Pourquoi le mot « an-Nâs » et non pas par exemple « al-bashar » ou « al-‘âlamîn »?

 

« An-Nâs », nous l’avons vu précédemment, signifie les gens, les « êtres humains », c’est-à-dire fait allusion aux individus au sein de ce groupe.

 

Alors que, par exemple « al-bashar » indique plus le genre humain (dans sa dimension matérielle) et «‘âlamîn » (les mondes) est plus général et ne comprend pas uniquement les êtres humains. Il y a là une insistance sur les « hommes » (à l’exclusion de tout autre groupe de la Création divine comme celui des djinns) et sur leur humanité (« insâniyyah »). Les hommes doivent réaliser leur perfectionnement, leur « humanité » en ce monde, tant au niveau des sens, des sentiments, qu’au niveau de la raison, du cœur, de l’esprit, avec l’aide de leur Seigneur – sublime objectif pour lequel tous les Prophètes ont été envoyés.

 

مَلِكِ النَّاسِ « maliki-n-nâsi »   

 

Après avoir évoqué la Seigneurie, Dieu nous fait citer un deuxième de Ses Attributs : « Malik », qui indique la Souveraineté, la Force, la Puissance, l’Autorité divine. Dieu nous demande de faire appel à Lui en tant que détenant la Puissance (matérielle et morale), l’Autorité, la Souveraineté et la Suprématie et Lui seul.

 

Et il est à noter ici qu’il est dit « Malik » et non pas « Mâlik » avec un « a » long (qui indique la propriété, la possession, la détention). Il ne suffit pas de détenir quelque chose pour pouvoir offrir le refuge. Le Propriétaire peut avoir la capacité de posséder quelque chose mais ne pas avoir les moyens de la défendre contre un despote ou le mal. (Il faut distinguer entre « al-milk » (la possession) qui est plus général que « al-mulk » (le royaume),  « al-malik » qui est le souverain comme nous l’avons vu, « al-mâlik » qui est le propriétaire, le possesseur et « al-malak » qui indique, curieusement, l’Ange.)

 

 Par Son Autorité, Dieu défend celui qui vient se réfugier auprès de Lui, comme le roi défend ses sujets, ses vassaux.

 

Cet Attribut implique une mainmise totale aussi bien sur l’essence des choses que sur les qualités « accidentelles », aussi bien sur les choses matérielles qu’immatérielles, qui permet au Souverain d’agir selon Sa Volonté, d’imposer Son Jugement sur celui qui se réfugie auprès de Lui.

 

Ainsi, Dieu nous demande de faire appel à Lui en tant qu’Il détient la Puissance, l’Autorité et la Suprématie. Après avoir fait allusion à la nécessité de s’éduquer (Dieu étant le meilleur des Educateurs), c’est un appel à la soumission devant Sa Souveraineté et à l’obéissance totale à Ses Ordres, qui vient en second lieu – un rappel du besoin permanent de l’être humain d’être toujours soutenu par Dieu, le Souverain (qu’Il soit Glorifié et Exalté). Et nul autre que Lui est le Souverain.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et de sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm» et du commentaire du 39e Hadith de l’Imam Khomeynî(qs) dans « Arba‘ûn Hadîthann ».)

 

 Après avoir vu la nécessité de chercher une protection, une immunité, pour se protéger soi-même, nous continuons à découvrir les particularités de Celui à qui il nous est demandé de nous adresser.

 

إِلَهِ النَّاسِ « ilâhi-n-nâsi »   

 

« Ilâhi » : la « Divinité » que l’on adore, la divinité absolue rassemblant toutes les Perfections sans limite ni contrainte, dont celle de la Puissance absolue.

 

 « Ilâhi » est la base de la forme dérivée « Allâh » dans la mesure où ont été ajoutés un « a » (« alif ») et un « l » (« lam ») et qu’a été supprimé le hamza au début du mot par allègement.

 

« al-Ilâhiyyah » et « al-Ulûyyah » sont la plupart du temps employés par les gens de Dieu (les gnostiques) pour la station de la Manifestation [divine] par l’Acte et pour la station de l’Effusion sainte et « Allâh », pour le Nom de la Majesté pour la Station de l’Essence [divine] rassemblant les Attributs.

 

Il est probable [qu’ici] il prend le sens linguistique admis par l’usage de « Celui qui est Adoré et rien d’autre que Lui n’est adoré ».

 

La restriction de l’adoration à Dieu (qu’Il soit Glorifié) vient de ce que personne d’autre que Lui ne mérite l’adoration, même si les gens se trompent et prennent autre que Lui comme objet d’adoration.

 

Pour l’école des Gens de cœur et des seigneurs de la connaissance, l’adoration, sous quelle manifestation qu’elle puisse être, est pour le Parfait Absolu et l’homme, en tant qu’il a été créé selon la Fitra de Dieu ({Fitra de Dieu selon laquelle Il créa les gens}(30/30 Rûms)), recherche le Beau absolu, même si l’individu adorateur est voilé de cette Fitra et prétend se lier avec le déterminé et le limité en dehors de Dieu (qu’Il soit Glorifié).

 

Et peut-être que le sens visé ici du mot « ilâh » dans « bi…ilâhi-n-nâs » est la station de la Divinité qui est une indication de la Station de l’Unité des Actes exprimée par les grands philosophes en ces termes : « Rien n’a d’effet dans l’existence autre que Dieu. » (39e hadîth de l’Imam khomeynî(qs), 40 Hadîthann pp711-712)

 

Ainsi, en citant cet Attribut, Dieu nous appelle à cheminer sur la voie de Son Adoration en toute sincérité, intégrité, et à éviter l’adoration de tout autre que Lui. Et l’adoration de Dieu est la fin de la perfection de l’homme, de sorte qu’il se lie à Dieu, le Seigneur, Le connaît et se connaît lui-même.

 

En résumé, Dieu nous demande de dire de rechercher refuge auprès de Lui sous la manifestation de trois de Ses Attributs : la Seigneurie, la Souveraineté et la Divinité. Il n’y a pas de Seigneur en dehors de Dieu, ni de Souverain en dehors de Dieu ni de Divinité en dehors de Dieu. Dieu est le Seigneur, le Souverain et la Divinité des gens.

 

POURQUOI CES TROIS ATTRIBUTS ?

 

Dans cette sourate, Dieu nous demande de L’invoquer de ces trois Attributs qui sont directement liés à l’éducation de l’individu et à son salut des griffes de « ceux qui suggèrent ». Ils indiquent trois voies de protection, trois leçons d’éducation importantes, trois cheminements de salut.

 

Il était peut-être suffisant de ne citer qu’un seul des Attributs évoqués, comme par exemple la « Divinité ». Le fait que Dieu (qu’Il soit Glorifié et Exalté) soit une Divinité, La Divinité, implique la soumission, Son Adoration et cela suffit pour que Lui soit demandée la protection totale contre le mal, la Divinité regroupant les Attributs des actes dont ceux de la Seigneurie et de la Souveraineté.

 

Alors pourquoi nous demander de citer ces trois Attributs ?

 

Sans doute Dieu Tout-Puissant veut que l’on sache que Celui à qui on demande refuge rassemble l’ensemble des Attributs au niveau de Sa Manifestation au niveau des Actes, qui rendent cette demande de refuge réalisable, véritable, et qu’il n’est pas permis d’imaginer un autre « lieu » de refuge en dehors de Lui. Les Attributs étant la Seigneurie (qui implique la Providence, l’Amour, la Sagesse, la Gestion) ; la Souveraineté (qui sous-tend la Protection en tant que le Souverain, le Gouverneur, Détenteur de la Puissance morale et physique) ; la Divinité (qui signifie la manifestation de l’ensemble des Attributs de Perfection et de Majesté au niveau des actes).

 

Peut-être aussi parce que la demande d’aide et de refuge ne se réalise qu’à travers le comportement (de façon générale) de l’individu, de la famille ou de la société. C’est pourquoi il ne s’agit pas seulement de répéter au niveau de la langue, mais de se réfugier auprès de Lui (Tout-Puissant) dans les pensées, les croyances, les actes et s’éloigner des voies diaboliques, des pensées qui mènent à l’égarement, des assemblées ou cérémonies « diaboliques ». Pour celui qui a relâché les rênes de son âme face aux « suggestions » du démon ou de sa propre âme, il n’est pas suffisant de répéter les mots de la demande de refuge au niveau de la langue.

 

POURQUOI DANS CET ORDRE ?

 

D’abord la Seigneurie, puis la Souveraineté enfin la Divinité. Sayyed TabâTabâ’i dit, dans son commentaire « al-Mîzân » :

 

a) parce que la « Seigneurie » est l’Attribut le plus proche de l’individu et le plus particulier (à l’instar de ses parents, de ses maîtres). Il a une valeur plus pédagogique ;

 

b) la « Souveraineté » implique une allégeance plus générale, plus lointaine. L’homme fait appel au Souverain quand il n’y a pas de « walî » (maître/tuteur) plus proche, plus particulier pour le protéger ;

 

c) enfin la « Divinité » suppose la soumission, l’adoration que l’individu vise avec sincérité et dévouement.

 

 Sayyed Ja‘far Murtadâ relève cette progression en considérant chaque Attribut cité comme complétant le précédent et exigeant davantage de la part des gens :

 

1) la « Seigneurie » implique une relation de Seigneur à vassal, de maître à disciple, la moins profonde, la moins complète ;

 

2) la « Souveraineté » implique l’assujettissement face à l’Autorité suprême ;

 

3) la « Divinité » implique la soumission totale à Dieu dans toutes les affaires et dans tous les états. C’est la relation du Créateur avec Ses créatures, plus profonde dans la mesure où c’est pour cela qu’elles ont été créées : {Je n’ai pas créé les Djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent.} (56/51 Ceux qui éparpillent) L’adoration implique le dépouillement de l’individu de lui-même, sa disparition dans l’Adoré, dessinant sa vie en fonction de Sa Volonté.

 

POURQUOI N’Y A-T-IL PAS DE CONJONCTION DE COORDINATION ENTRE CES TROIS ATTRIBUTS ?

 

On peut remarquer que ces Attributs ont été cités sans conjonction de coordination entre eux. Sans doute pour indiquer que chacun de ces Attributs est une cause indépendante pour défendre du mal. Dieu (qu’Il soit Exalté) est une cause indépendante parce qu’Il est un Seigneur, parce qu’Il est un Souverain, parce qu’Il est une Divinité. A Lui appartient la causalité.

 

En d’autres termes, pour rappeler et affirmer que Dieu est Unique, que chacun de ces Attributs constitue Son Essence, qu’il n’y a pas d’accumulation d’Attributs, ce qui entrainerait de l’associationnisme ou du polythéisme.

 

POURQUOI LA REPETITION DU MOT  « GENS » ?

 

Pourquoi Dieu nous demande de citer Ses Attributs avec comme « complément du Nom » « les gens » sans même utiliser l’adjectif possessif « leur » (« leur » Souverain, « leur » Divinité) ?  Sans doute pour affirmer l’indépendance de chaque Attribut. A Dieu l’ensemble des plus Beaux Noms et aux gens de se tourner vers la spécificité de ces Attributs et l’ensemble des particularités vues.

 

Sans doute aussi pour faire apparaître et confirmer la généralité de ces trois Attributs (la Divinité, la Seigneurie et la Divinité) pour l’ensemble des gens, ne se limitant pas au seul aspect évoqué dans cette sourate.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Malârem Shîrâzî dans al-Imthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm», du commentaire du 39e Hadith de l’Imam Khomeynî(qs), et du livre « al-‘adel al-ilâhî » de Shahîd Motaharî.

 

 Après voir vu la nécessité de chercher une protection, une immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, nous devons savoir contre quoi nous devons nous protéger.

 

مِنْ شَرِّ الْوَسْوَاسِ الْخَنَّاسِ « min sharri-l-wawâsi-l-khannâsi »   

 

« Sharr» : Le mot « sharr » est souvent défini comme étant le contraire du « bien », c’est-à-dire le mal.

 

Apparemment, la demande du refuge auprès de Dieu, évoquée dans ces versets, n’est pas tant de celui qui suggère en soi, mais du mal qui provient des suggestions de « celui qui suggère ».

 

Avant de continuer, il est important de connaître le point de vue de l’Islam  sur le mal et pour cela, nous allons nous référer au fameux livre « al-‘Adel al-Ilâhî » de Shahîd Motaharî.

 

OÙ EST-IL POSSIBLE DE CONCEVOIR LE MAL ?

 

D’abord, est-il possible de concevoir le mal au niveau de la Création en soi , de la Constitution (Takwîn) ? au niveau des choses créées, par « accident » ? au niveau des effets et des actes ?

 

Au niveau de la Constitution (Takwîn) et de la Création, non !

 

Dans la Constitution (Takwîn) et la Création, il n’y a en soi que du Bien et du Vrai, car la création est le déploiement de la Miséricorde divine, la Manifestation des Attributs et des Noms divins, l’Effusion de Sa Lumière. On ne peut y concevoir du mal ou du faux, et il est impossible qu’il existe un monde meilleur. {Notre Seigneur, Tu étends toute chose en Miséricorde et Savoir.} (7/40 Ghâfir) {Qui a bien fait tout ce qu’Il a créé.} (17/32 La Prosternation)

 

« En d’autres termes, il n’y a pas dans le monde, de créature qui ne doit pas être créée, en son principe, ou qui aurait été créée comme une corroboration du mal. Bien au contraire, toute chose a été créée belle en son fondement et selon la sagesse, et il n’y a pas de créateur autre que Dieu, l’Unique, l’Un (qu’Il soit Glorifié et Exalté). » (Al-‘Adel al-Ilâhî de Shahîd Motaharî p116)

 

Cela veut dire aussi qu’au niveau de la Législation et des Lois divines, en harmonie avec la Constitution, du point de vue de son maintien et de son perfectionnement, – la législation complétant, achevant la Création/constitution –, il n’est pas possible de concevoir du mal ou du faux, sinon des antagonismes se réaliseraient dans la marche des choses (ordres). Si le mal apparaissait au niveau de la marche de la Constitution et de la Législation, cela entrainerait une sortie de la marche du Bien de la nature que Dieu Très-Elevé a placée et serait une déviation.

 

Au niveau des choses créées, oui !

 

Le mal peut y être conçu mais par « accident », en tant que la chose créée est bonne en soi, mais elle peut faire du mal, comme le serpent avec son venin. {Les pires bêtes auprès de Dieu sont ceux qui n’ont pas cru (« kafarû »), alors ils ne croient pas (« lâ yu’minûna »).} (55/8 Le Butin)

 

Il en est de même au niveau des avis, des pensées, du comportement, des attributs humains, des actes ainsi qu’au niveau des effets – qui sont des effets de toutes ces déviations. Le mal est l’acte effectué contraire à l’organisation de la Constitution et de la Législation. {Quiconque fait un mal du poids de l’atome le verra.} (8/99 Le Tremblement de terre)

 

QUELLE EST LA CONCEPTION DU MAL DANS L’ISLAM ?

 

—L’Islam est contre une conception dualiste du monde, un monde divisé en bien et en mal. Selon l’Islam, Dieu est le Principe de toute existence, de par Sa vaste Miséricorde et Sa Sagesse. Toute chose créée est ramenée à Dieu, même l’existence d’Iblis, du shaytân, ses séductions et ses égarements.

 

—Le mal, à ce niveau, est une chose relevant du « néant ».

 

—En d’autres termes, le bien est l’Existence en soi et le mal, le néant en soi. Là où se trouve le mal, se trouvent le néant, la déficience et la lacune.

 

—Cependant cela ne signifie pas la négation de l’existence de ce qui est connu par le terme de « mal » (les sens perçoivent l’existence de la cécité, de la maladie..etc.), ni que l’homme n’a pas la charge de combattre le mal et ses auteurs, et d’acquérir de bonnes actions et de soutenir leurs auteurs.

 

ALORS, QU’EST-CE QUE LE MAL ?

 

Une chose peut être considérée en soi ou de façon relative.

 

—Le mal « en soi », nous l’avons dit, n’existe pas, il est un « néant », comme l’ignorance est une absence de savoir, la pauvreté l’absence de richesse, la mort l’absence de vie..

 

—Dire que le mal est une question relative peut signifier qu’il l’est en opposition à l’absolu, ou en opposition à l’Ordre vrai.

 

Dans le premier cas, la « relativité » signifie la « soumission d’une existence à un ensemble de conditions », l’ « absolu » étant libre, libéré de toutes conditions. Toutes les choses matérielles et naturelles sont relatives, puisque soumises à un ensemble de conditions spécifiques du temps et de l’espace, et qu’elles n’atteignent leurs positions particulières que si ces conditions sont réunies.

 

Notre propos se porte sur la relativité du mal en opposition à l’Ordre vrai. (Comme par exemple : la vie est un attribut vrai réel, alors qu’être petit ou grand est une question relative). C’est le cas des choses existantes qui sont sources de maux en soi, qui sont causes de « néants ». Il s’agit alors de savoir si le mal des maux est un attribut réel ou relatif.

 

En résumé, selon Shahîd Motaharî, la « teinture » du mal dans les maux de ce type se trouve dans leur existence de façon « ajoutée », « relative », et non pas en soi, dans leur existence essentielle.

 

C’est l’existence réelle et non celle ajoutée qui est la véritable existence à laquelle se rattachent l’« apposition » (al-ja‘l), la création et la causalité. Alors que tous les maux (maj‘ûlat) sont créés par « suite » (taba‘) et par accident (‘arad) et non en soi, par essence. »

 

(Pour plus de détails, voir le livre al-‘Adel al-Ilâhî (La Justice divine) de Shahid Motaharî traduit en français aux Ed. alBouraq)

 

Alors comment comprendre ce hadith de l’Imam as-Sâdeq(p) dans lequel il est dit que Dieu déclare « avoir créé la création et avoir créé le bien » et « avoir créé la création et avoir créé le mal » ? Et quelles conclusions peut-on en tirer par rapport à la sourate ? C’est ce que nous verrons la prochaine fois.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Malârem Shîrâzî dans al-Imthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm», du commentaire du 39e Hadith de l’Imam Khomeynî(qs).

 

Après avoir vu la nécessité de chercher une protection, une immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, nous devons savoir contre quoi nous devons nous protéger. C’est le sujet du quatrième verset et des suivants. Et dans un premier temps, nous sommes en train de voir la réalité du mal. Nous poursuivons cette étude en reprenant un hadith de l’Imam as-Sâdeq(p) dans lequel Dieu déclare avoir créé le bien et le mal, que l’Imam Khomeynî a commenté dans son livre « Arba‘în Hadîthann » en reprenant les mêmes idées fondamentales déjà citées et en les développant d’une autre façon.

 

مِنْ شَرِّ « min sharri »   

 

Il est rapporté de l’Imam as-Sâdeq(p) :

 

« Parmi ce que Dieu a révélé à Moussa(p) et a fait descendre sur lui(p) dans la Torah :

« Certes Je suis Moi Dieu – point de divinité autre que Moi !

 

J’ai créé la création et J’ai créé le bien

et Je l’ai fait passer dans/par les mains de ceux que J’aime.

Alors bienheureux celui dans/par les mains duquel Je l’ai fait passer !

Je suis Dieu – point de divinité autre que Moi !

J’ai créé la création et J’ai créé le mal

et Je l’ai fait passer dans/par les mains de qui Je veux.

Alors malheur à celui dans/par les mains duquel Je l’ai fait passer ! » »

(al-Kâfî, vol.1 Kitâb at-Tawhîd, Bâb al-khayr wa-sh-shar p204 H1)

 

Les mots, le « bien » et le « mal », selon le contexte de leur utilisation, signifient la perfection et le manque dans la substance (ou essence ou attributs) et dans l’existence et ses perfections. Tout ce qui est bien en soi (en fonction de son essence) revient à la réalité de l’existence ; et s’il est attribué à autre que l’existence, cela est en vue de l’existence.

 

De même le mal en soi est absence d’existence ou absence de perfection de l’existence. Son attribution à autre que cela, comme à des existences nuisibles, des animaux nocifs, est une application par « accident » [terme philosophique pour indiquer ce qui n’est pas en soi, absolu, nécessaire], de façon symbolique, pas en soi et en vérité.

 

La philosophie transcendantale [de Molla Sadra] a clairement prouvé que l’organisation du monde est dans le plus sublime niveau de perfection et de bien, au plus haut degré du Bien et de la Beauté.   (…)

 

A l’opposé de la réalité de l’existence, sont le néant ou la quiddité qui en soi ne sont rien, le faux pur, une convention pure. Ils n’ont d’affirmation que s’ils sont illuminés de la lumière de l’existence. Quand l’Existence projette son ombre sur leurs têtes et passe la main de sa Miséricorde étendue sur leurs faces, ils ont une apparition, des particularités et des effets. (…)

 

Ainsi l’ensemble des perfections sont le résultat de la Beauté du Beau absolu, la manifestation de la sainte lumière pour la Perfection absolue.

 

Ainsi l’ensemble des perfections proviennent et reviennent à l’Existence. (voir al-Asfar al-Arba‘at de Sadr Muta’lahine vol.1 Bahath Asâlah al-Ujûd)

 

Ce qui émane de la sainte Essence [Dieu] est la source de l’existence sans être limitée par les limites du néant ou de la quiddité parce que le néant ou la quiddité n’émanent de rien. (…)

 

Aussi l’ensemble des maux et des destructions ou catastrophes (comme la mort précoce, les maladies, les bêtes nuisibles, les calamités, les souffrances..) présents dans ce monde matériel de la nature, dans ce gouffre étroit, obscur, proviennent-ils de l’antagonisme, de la collision qui arrivent entre les existants.

 

Cet antagonisme n’est pas le résultat de l’aspect existentiel des existants, mais survient du fait de la présence de manques en ce monde et de l’étroitesse de l’emplacement des existants, et revient aux limitations et aux manques, extérieurs au cadre de la lumière de l’apposition (al-ja‘l), même ! qui sont en réalité sans apposition (al-ja‘l).

 

L’Existence est la Vérité. Elle est toute chose. Elle est exempte de tout mal, de tout défaut, de tout manque.

 

Les manques, les maux, les choses nuisibles reviennent au côté du manque et de la nuisance qui – même s’ils ne sont pas établis/apposés en soi – sont établis/apposés par « accident ».

 

En résumé, ce qui est créé et « apposé » (ja‘l) en soi par l’Essence de Dieu (qu’Il soit Glorifié) est le Bien et la Perfection. Et si les maux, les nuisances et autres pénètrent dans le Décret divin, c’est par « suite » (taba‘) et « entrainement ».

 

Le verset {Ce qui t’arrive en bien [vient] de Dieu et ce qui t’arrive en mal [vient] de toi-même .} (79/4 Les Femmes) indique  le premier niveau : l’Existence est l’origine de tout Bien et de la Perfection et le verset {Tout [vient] de Dieu.} (78/4 Les Femmes) indique  le second niveau, établi en soi et les maux et les manques établis par accident.

 

(tiré du 39e hadith commenté par l’imam Khomeynî, 40 hadîthann pp712-717)

 

De là on peut comprendre :

 

¡que le mal peut disparaître en évoquant des Noms de Dieu, en présence du Vrai, de l’Existence, de Dieu ;

 

¡que la présence du « mal » de celui qui suggère est un mal relatif qui révèle certes un manque au niveau de ceux qui le font, mais aussi au niveau de ceux qui se laissent influencés par ces « suggestions ».

 

¡que si l’individu suit les recommandations divines, ce mal peut déclencher en lui une prise de conscience de ses faiblesses et de la nécessité d’y remédier par l’éducation et la purification de son âme intérieure et en revenant à Dieu.

 

L’Objectif divin se sera réalisé : le retour à Dieu avec conscience, volonté et libre-choix.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Malârem Shîrâzî dans al-Imthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm», du commentaire du 25e Hadith de l’Imam Khomeynî(qs).

 

 Après voir vu la nécessité de chercher protection et immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, et ce qu’est le mal selon le point de vue de l’Islam, nous allons essayer de mieux comprendre ce que signifie « celui qui suggère » («al-waswâs ») et ses caractéristiques.

 

مِنْ شَرِّ الْوَسْوَاسِ « min sharri-l-wawâsi »   

 

Mais avant, vient une question : Pourquoi le « mal » est cité avant le mot («al-waswâs ») qui indique « celui qui suggère » ?

 

Sans doute pour mettre en évidence et insister sur le caractère nocif, maléfique du mal de ce type d’action (« al-waswasa » la suggestion, l’insinuation) et de celui qui le fait («al-waswâs ») quand il le fait et nous mettre en garde contre cela. Comme si les gens avaient tendance à les sous-estimer.

 

الْوَسْوَاسِ « al-wawâsi »   

 

« Al-waswasa »  (l’insinuation) et « al-waswâs » (celui qui insinue), rappelons-le, proviennent du verbe « waswasa » qui signifie suggérer, insinuer.  « Al-waswasa » (la suggestion, l’insinuation) est une sorte de parole dissimulée, qui apparaît sans voix. Elle est jetée dans le for intérieur de l’homme de façon cachée. L’homme la sent comme si quelqu’un lui parlait, à l’intérieur de lui-même sans voix.

 

Elle est à l’opposé de l’éducation et du cheminement des gens vers la certitude et la connaissance. Elle donne naissance à l’hésitation, au doute, à l’ébranlement (des croyances, de la personnalité..) au point que le savoir, la certitude et la connaissance disparaissent de l’individu.

 

Elle agit en traitre, embellit une action laide, rend licite ce qui est illicite, s’infiltre à l’intérieur de l’individu, de sa poitrine pour atteindre son for intérieur. Et tout cela par des insinuations suggérées dans la poitrine.

 

Pour l’Imam Khomeynî(qs), les suggestions, le doute, l’ébranlement, l’associationnisme et autres sont des insinuations shaytâniyyah (du shaytân, de Satan, du diable), des dictions « iblîssiyyah » (d’Iblis) lancées dans le cœur des gens. (Nous expliquerons « shaytân » et « Iblîs » avec l’étude des djinns).Tout comme l’assurance, la certitude, la constance, la sincérité et autres sont des effluves miséricordieuses et des insinuations angéliques.

 

 D’OÙ VIENT LE « WASWAS » ?

 

Brièvement, le cœur de l’homme est quelque chose de subtil, placé à mi-chemin entre le monde du « mulk » (le monde matériel) et le monde du « malakût » (le monde immatériel), entre ce monde ci (ad-dunyâ) et le monde de l’Au-delà, un œil en direction de ce monde et le « mulk » avec lequel il vit en ce monde et un autre vers le monde de l’Au-delà, du « malakût », du « ghayb » (caché) avec lequel il vit dans le monde de l’Au-delà et « al-malakût ».

 

Ainsi le cœur est un miroir à deux faces : une tournée vers le monde du « ghayb » (caché), dans laquelle se reflètent les images « ghaybiyyah » (cachées) et l’autre tournée vers le monde manifeste et visible (shahâdah ) dans laquelle se reflètent les images du monde matériel (mulkiyyah)  de ce monde-ci (dunya).

 

La réflexion des images de ce monde se réalise à travers les forces (ou facultés) sensitives extérieures [les sens] et certaines forces intérieures comme l’imagination et la supposition/illusion (wahim), tandis que les images de l’Au-delà se gravent à partir de l’intérieur de la raison, du secret du cœur.

 

Si le côté de ce monde (matériel) est renforcé, le cœur se tourne totalement vers la vie en ce monde. Ses préoccupations se limitent à ce monde extérieur et l’homme se noie dans les plaisirs de la chair et de ce monde. L’intérieur de l’imagination sympathise avec le monde immatériel (malakût) inférieur (qui est comme l’ombre obscure du monde matériel (mulk) et de la nature et de celui des djinns, des démons (shayâtîn) et des mauvaises âmes). Les insinuations sont diaboliques (shaytâniyyah) suscitant des choses imaginaires vaines et des mauvaises suppositions/illusions.

 

Dans la mesure où l’âme accorde une attention à ce monde, elle aime ce genre de choses imaginaires fausses ; la détermination et la volonté la suivent également. Tous les actes du cœur et des dispositions se tournent vers les sortes des actes diaboliques (shaytâniyyah) comme la suggestion, le doute, l’hésitation, les illusions, les imaginations fausses. La volonté, à la lumière de cela, devient effective dans le royaume du corps. Les actes corporels prennent également une forme selon les formes intérieures du cœur. Parce que les actes ont une forme et une représentation des volontés, qui sont-elles les formes et les représentations des illusions, qui à leur tour, reflètent l’orientation du cœur.

 

Dans la mesure où l’orientation du cœur est en direction du monde du shaytân, les insinuations dans le cœur sont de la sorte de l’« ignorance composée » diabolique (shaytâniyyah). Et à la fin, les suggestions, le doute, l’associationnisme, les fausses confusions se dispersent du for intérieur et circulent dans toutes les parties du corps.

 

 De la même manière, si le cœur est orienté vers la vie dans l’Au-delà, les connaissances vraies, le monde du caché (ghayb), arrive pour lui une harmonie avec le monde immatériel (malakût) le plus élevé, qui est le monde des Anges et celui des bonnes âmes heureuses, qui est à l’égal de l’ombre lumineuse pour le monde de la nature. Les savoirs qui se répandent sur lui sont considérés comme des savoirs miséricordieux et angéliques et des dogmes véridiques, et les inspirations partant des insinuations et inspirations divines sont purifiées et exemptes du doute et de l’associationnisme. Arrivent ainsi la constance et la tranquillité dans l’âme. Ses désirs sont également à la lumière de ces sciences et sa volonté à la lumière de ses désirs. En résumé, les actes du cœur, des dispositions, apparentes et profondes, sont effectués selon le principe de la raison et de la sagesse.

 

 Et il y a pour ces insinuations diaboliques, angéliques et miséricordieuses, des niveaux et des stations que nous ne pouvons pas aborder ici.

 

Deux propos rapportés de l’Imam as-Sâdeq(p) indiquent ce que nous avons dit :

 

-« Il n’y a pas de croyant qui n’a pas dans sa poitrine pour son cœur deux oreilles : une dans laquelle l’ange inspire et l’autre dans laquelle « celui qui suggère » le furtif crache. Dieu soutient le croyant par l’Ange et Sa Parole (qu’Il soit Glorifié) : {Il les a assistés de Son Esprit}.(22/58 La discussion) ». (du Messager de Dieu(s) in Majma‘ al-Bayân vol,10 p571)

 

-« Le « shaytân » a placé son museau sur le cœur de « Banî Adam » (il a un nez comme le groin du cochon), il « suggère » à « Bani Adam » de faire bon accueil à ce monde et à ce que Dieu ne rend pas licite. [Mais] si [Bani Adam] évoque Dieu, il s’éclipse. »  (de l’Imam as-Sâdeq(p) in Majma‘ al-Bahrayn p305)

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Imthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm», du commentaire du 25e Hadith de l’Imam Khomeynî(qs).)

 

 Après avoir vu la nécessité de chercher protection et immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, et su ce qu’était le mal, nous terminons l’étude de la signification des « suggestions » (al-waswasat).

 

الْوَسْوَاسِ « al-wawâsi- »   

 

« LES ETAPES DU « WASWAS »

 

Ce qui atteste que les « suggestions » sont des actes du « shaytân » et des insinuations de ce maudit, dans lesquelles ne se trouve aucune motivation religieuse ou incitation de la foi/croyance, malgré les prétentions de son détenteur, est que ces « suggestions » sont contraires aux règles de la Législation et aux propos rapportés des Gens de la Maison, les Infaillibles, les Purs.

 

 Il est rapporté un propos de l’Imam as-Sâdeq(p) :

 

« J’évoquai, devant l’Imam as-Sâdeq(p), un homme qui était éprouvé par les petites ablutions (wudû’) et la prière et lui dis qu’il était un homme raisonnable. Abû ‘Abdallah répliqua : « Quelle raison a-t-il, alors qu’il obéit au « shaytân » !? » « Et comment obéit-il au « shaytân » ? lui demandai-je. Il(p) me répondit : « Demande-lui d’où vient ce qu’il fait. Il te dira : « des actes du « shaytân ». » » (Kâfî, vol.1, Kitâb al-‘aqil wa-l-jahl H10)

 

 Ce propos rapporté illustre bien comment le « shaytân » agit. S’il ne peut égarer une personne à travers la corruption et la débauche, il parcourt alors la voie des actes d’adoration, des rites religieux pour invalider les actes qui doivent la rapprocher de Dieu et l’élever par eux vers Dieu Très-Elevé, et pour les rendre des moyens pour l’éloigner de la place de la Seigneurie (que soit Magnifiée Son Importance) et le rapprocher d’Iblis et de ses soldats. Ainsi, le « shaytân » commence par corrompre les actes de Bani Adam pour éloigner son cœur de Dieu Très-Elevé et en retirer Dieu Très-Elevé.

 

Il est probable qu’Iblis ne va pas se contenter de faire des suggestions au niveau des actes, mais qu’il va essayer de jouer avec les croyances de l’homme et lui suggérer de fausses idées au niveau des dogmes et de la religion pour l’éloigner de la Religion de Dieu, le faire douter de l’Origine er de la Résurrection et l’envoyer vers la misère éternelle.

 

Maintenant, voyons ce que signifie « al-waswâs » (avec le second « a » long) et ce qu’il représente.

 

 « WASWÂS » :  AGENT, NOM D’ACTION OU QUALIFICATIF EMPHATIQUE ?

 

—Selon l’apparence, le mal est attribué à « celui qui suggère » (l’agent) plus qu’à la « suggestion » elle-même. En même temps l’agent n’est désigné que par l’action qui le caractérise, celle de suggérer. Il n’est pas nommé explicitement.

 

Sans doute parce que Dieu veut attirer notre attention sur l’action elle-même (la suggestion), sa dangerosité, ses particularités, sur la voie par où passe le mal, sur les moyens employés pour atteindre le for intérieur de l’individu plutôt que sur l’agent lui-même.

 

Sans doute aussi pour ne pas limiter l’agent à un seul acteur mais désigner tous ceux des djinns et des hommes qui agissent ainsi et il n’y a pas de différence dans le fait que l’origine de la « suggestion » soit l’âme, le for intérieur ou un intermédiaire de l’extérieur, des « shayâtîn » des djinns et des hommes.

 

Sans doute pour indiquer que le mal est attribué à celui qui le fait à cause de ce qu’il fait, (c’est-à-dire suggérer), et cela quel que soit celui qui le fait, sans spécifier un groupe à l’exclusion d’autres.

 

La qualification de « suggérer » est là pour indiquer la cause de la nécessité de demander refuge et protection, en tant que la sollicitation d’une protection est causée par l’arrivée du mal qui nous atteint à travers ces suggestions.

 

—Considérer « al-waswâsu » comme une forme emphatique (comme fa‘âl, « être la suggestion même » – forme qui serait en harmonie avec le mot suivant « khannâs » –) ou comme un nom d’action (masdar, la suggestion) comme certains savants le suggèrent ne change en rien le sens fondamental : celui de voir en l’action elle-même la cause du mal dont on doit prendre garde.

 

En effet, la forme emphatique est utilisée pour décrire quelqu’un, en vue de mettre en évidence cette qualification. La forme emphatique de « al-waswâsu » implique de faire davantage attention à cette créature.

 

Et peut-être que cela explique aussi l’attribution de la qualification de « mal » à cette créature de façon absolue, en tant que le mal vient d’elle à cause du fait qu’elle est devenue la « suggestion »-même, qu’elle est « pure suggestion. »

 

D’où la nécessité de chercher protection auprès de Dieu en nomment trois de Ses Attributs.

 

 —De même le nom d’action est  habituellement utilisé pour décrire quelqu’un en vue de montrer que « celui qui suggère » est « celui qui suggère »-même, en soi, non pas comme un défaut par accident. Par exemple, on dit que Zayd est justice (‘adel) et non pas juste (‘âdel) pour montrer qu’il est la justice même tant il est juste, ou encore la justice s’est matérialisée en Zayd. Ainsi la « suggestion » s’est matérialisée en lui au point de devenir la « suggestion » même, au point que si l’on dit « suggestion », il nous vient tout de suite à l’esprit « celui qui suggère » (en l’occurrence le « shaytân »). Le « shaytân » est la suggestion-même. Comme si « celui qui suggère » est sorti de sa nature (d’être un djinn ou un être humain) pour devenir cette qualification-même.

 

الْخَنَّاسِ « al-khannâsi »   

 

« al-Khannâs » vient de « khunûs » qui a deux sens opposés :

 

-ce qui apparait après la dissimulation, c’est-à-dire la dissimulation précédant l’apparition.

-et le recul, la disparition après l’apparition, selon le sens qui apparait dans les propos rapportés : si le serviteur évoque Dieu Très-Elevé, le « shaytân » recule (bat en retraite) et disparait.

 

Quoiqu’il en soit, cette dissimulation peut :

 

-soit provenir de la nature même de « celui qui suggère » comme les propos rapportés l’indiquent. C’est le cas des djinns que les hommes ne peuvent pas voir. Dans le monde matériel, les djinns ont une sorte de dissimulation et l’apparition du « shaytân » se fait par l’apparition de ses suggestions qui expriment (sont expression de) son existence.

 

-soit se situer au niveau de l’acte de la « suggestion ». L’homme ne fait pas attention à ce qu’il lui arrive, au fait qu’il s’agit d’une « suggestion » du « shaytân ». Même ! il pense que ce qu’il fait vient de lui, de son propre choix, alors que c’est le « shaytân » qui suggère et insinue en lui.

 

En résumé, le « shaytân » est dissimulé au regard de l’homme et se met à lui suggérer. Cette suggestion est un signe, une indication de son existence, de sa présence et de son apparition avant que ne soit évoqué le Nom de Dieu par le serviteur. Si le serviteur L’évoque, le « shaytân » (ou « celui qui suggère ») bat en retraite et disparaît et ainsi de suite. A cause de la répétition de  ses tentatives et la multiplication de ses apparitions et disparitions, il est qualifié de « Khannâs ». La forme emphatique de « khannâs » indique ses nombreuses allées et venues entre la dissimulation et la disparition.

 

 Ainsi, en un seul mot, Dieu nous indique deux particularités de « celui qui suggère » :

 

1-Il suggère de façon dissimulée – à la conscience de l’homme qui croit que ce sont ses propres pensées – et en dissimulant le faux sous un enrobage de vrai, le mensonge dans l’écorce de la vérité, le péché dans le vêtement de l’adoration, l’égarement derrière le voile de la guidance.

 

2-Il s’éclipse et se dissimule devant l’évocation de Dieu

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm».)

 

 Après avoir vu la nécessité de chercher une protection, une immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, contre les « suggestions » (al-waswasat), nous continuons à découvrir les particularités de ces « suggestions ».

 

الَّذِي يُوَسْوِسُ « al-ladhî yuwaswisu »   

 

Ce cinquième verset est une proposition relative qui vient compléter le verset précédent, en décrivant « celui qui suggère » par son acte. C’est-à-dire après le pronom relatif, vient le même mot « waswas » sous sa forme verbale au temps présent.

 

La répétition de ce mot sous sa forme verbale est sans doute pour confirmer que l’acte à l’origine de cette qualification (le fait de suggérer de celui qui suggère) est un acte accompli de libre choix, volontairement, avec détermination et même planification. C’est un acte prémédité.

 

L’emploi du présent (mudâra‘) est sans doute pour montrer que la suggestion est un mouvement, un acte qui prend sa source et a lieu dans la réalité extérieure, et qui se réalise dans l’existence de l’individu, et pour insister sur la permanence de l’accomplissement d’un tel acte maintenant et dans l’avenir.

 

فِي صُدُورِ النَّاسِ « fî sudûri-n-nâsi »   

 

Où agit « celui qui suggère » ? Dans les poitrines (sudûr) des gens.

« Sudûr » pluriel de « sadr », venant de « sadara » : ce qui en sort.

 

Et « sadr » est le coffre du cœur. C’est là qu’arrive le sang de l’ensemble des organes par les veines et de là que sort le sang pour l’ensemble des extrémités des corps. Ainsi la poitrine est la corroboration (misdâq) de l’étape des sources (sudûr) ou du ressourcement. Il en est de même sur le plan spirituel, le cœur étant le centre de la vie spirituelle et la poitrine le contenant.

 

Le cœur est le centre de la poitrine et la poitrine est un niveau étendu secondaire, éclairé du cœur. Ils sont à des niveaux différents et on ne leur attribue pas les mêmes attributs. A propos du cœur, on parle de foi, de tranquillité, de crainte soumise, de salubrité (salîm), de dureté, de déviation, d’aveuglement, de scellement, alors qu’à propos de la poitrine, on parle de dissimulation, et aussi d’apparition, de rendre secret, d’élargissement, d’extension ou de rétrécissement. On pourrait comparer la poitrine et le cœur à une niche et une lampe, dans la niche se trouve la lampe.

 

Le cœur est une manifestation de la force et de la vie, et une telle force se loge dans la poitrine, {..afin que Dieu éprouve ce qu’il y a dans vos poitrines et purifie ce qu’il y a dans vos cœurs, et Dieu sait ce que détiennent vos poitrines.}(154/3 La famille de ‘Imrân) (c’est-à-dire les vérités les plus ancrées, les plus profondes, les plus cachées). La poitrine vient après le cœur, elle manifeste ce qu’il y a dans le cœur.

 

POURQUOI LES SUGGESTIONS INTERVIENNENT AU NIVEAU DE LA POITRINE ?

 

Parce que c’à quoi s’accrochent les « suggestions » est le principe, l’origine de la connaissance de l’homme. Et l’origine de la connaissance de l’homme est l’âme, qui amène au cœur. C’est pourquoi, selon Sayyed Tabâtabâ’i, ce qui est visé par ce mot (as-sudûr), ce sont les âmes.

 

Les poitrines sont prises par « ceux qui suggèrent » comme lieu de leurs suggestions, parce que la connaissance est rapportée en fonction de sa diffusion vers le cœur, le cœur se trouvant dans la poitrine. Alors {s’aveuglent les cœurs qui sont dans les poitrines.}(46/22 Le Hajj)

 

D’autres versets du noble Coran insistent sur le fait que le cœur qui se situe dans la poitrine est le centre des connaissances de l’homme :

 

{Ils ont des cœurs qui ne réfléchissent pas.}(179/7 al-A‘raf),

{Les regards ne deviennent pas aveugles, mais les cœurs le deviennent dans les poitrines.}(46/22 Le Hajj),

« La lumière (le savoir) que Dieu projette dans le cœur de qui Il veut. » (de l’Imam as-Sâdeq(p))

 

Ainsi, « celui qui suggère »  ne suggère pas d’une suggestion extérieure, entendue ou pas, exaucée ou pas, en restant à l’extérieur, mais il pénètre dans la poitrine et entre à l’intérieur de l’existence de l’individu qui se trouve touché en son for intérieur, en un lieu central, au milieu de sa poitrine.

 

Pour se protéger soi-même contre ces suggestions, Dieu demande de faire appel à la Protection du Tout-Puissant et de chercher refuge auprès de Lui.

 

POURQUOI LE COMPLÉMENT DU NOM « DES GENS » ?

 

Pourquoi doit-on dire « dans les poitrines des gens » alors que la demande de protection et la recherche du refuge se sont faites à la première personne du singulier ?

 

Sans doute parce que ce n’est pas un ordre singulier spécifique à une personne mais général concernant l’ensemble des gens, mais touchant chaque membre de la communauté humaine, individu par individu.

 

C’est-à-dire tout le monde est touché par cette épreuve des « suggestions » incessantes maléfiques au niveau des poitrines. Ces suggestions peuvent mettre en péril tous les gens, individu par individu (d’où la demande de protection individuelle) et empêcher leur cheminement vers Dieu, dans la voie de leur perfectionnement. Seuls ceux qui n’oublient pas de chercher refuge auprès de Dieu (qu’Il soit Glorifié et Exalté), sont épargnés. Voilà la véritable assurance, l’immunité protectrice mais aussi la voie du rapprochement et du retour à Dieu. Et cela a des effets tant au niveau de l’individu et que de la société.

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm» et Khutat al-Islam (traduit en français aux Ed. BAA : Le plan de l’Islam) de Sayyed Abbas Noureddine.

 

 Après avoir vu la nécessité de chercher une protection et une immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, contre les « suggestions » (al-waswasat), nous terminons de découvrir les particularités de « celui qui suggère » avec ce dernier verset de la sourate.

 

مِنَ الْجِنَّةِ وَ النَّاسِ « mina-l-jinnati wa-n-nâsi »   

 

Trois questions principales apparaissent à la lecture de ce verset :

 

-1) Pourquoi le mot « jinnat » et non pas « jinn » ?

-2) Pourquoi les djinns sont  cités avant les hommes ?

-3) A quoi renvoie la préposition « min » ?

 

Mais avant, nous devons voir ce que sont les djinns selon la conception de l’Islam.

 

QUE SONT LES DJINNS ?

 

Les djinns, par ignorance ou méconnaissance, ont souvent été considérés comme des « divinités » ou des « semi-divinités » à côté de Dieu, à qui des offrandes ou des sacrifices étaient offerts pour se les « concilier » ou « obtenir leur aide ». Cela ne faisait qu’augmenter la détresse de ces hommes, et, malheureusement, encore de nos jours, les djinns sont considérés ainsi, avec diverses appellations. {Il y avait des hommes de parmi les humains qui cherchaient refuge auprès des hommes de parmi les djinns. Mais cela ne fit qu’accroître leur.}(6/72 Les djinns)

 

Les djinns sont une création de Dieu, une existence créée par Dieu à côté des hommes, qui, de par leur nature, est voilée aux sens matériels des hommes. Croire en leur existence, (comme en celle des Anges) fait partie des croyances de l’Islam.

 

Le noble Coran rappelle qu’en tant que genre, ils ont été créés avant les hommes (le genre humain).

 

Après avoir créé la terre et les cieux, Dieu proposa à ces derniers de porter le dépôt, ce qu’ils refusèrent. Alors Dieu le fit porter aux djinns qui ne surent pas le faire. Car « porter le dépôt » signifiait  ramener la terre à Lui. Ils se complurent dans la vie sur terre qui les mena à la corruption. Ils y répandirent destructions, guerres et versements du sang. Les Anges, au-dessus d’eux, les regardaient et attendaient. Alors, Dieu créa l’homme et le forma de l’argile de cette terre pour qu’il soit avec elle (la terre) comme une mère s’attendrissant sur ses enfants, puis Il souffla dessus pour qu’il gardât le désir de Lui et de revenir à Lui. (Vous connaissez la suite.)

 

 Les djinns ont été créés de feu d’une grande chaleur (d’un vent chaud enflammé) {Les djinns, Nous les avons créés de feu d’une chaleur ardente.}(27/15 al-hijr) Ils sont donc d’une matière beaucoup plus subtile que les hommes avec un élément de chaleur et d’éclairage faible, subissant les contraintes de la matière par rapport au temps et à l’espace d’une autre façon. Ils peuvent prendre des formes diverses jusqu’à celles du chien et du porc (à la différence des Anges qui peuvent prendre diverses formes sauf celles du chien et du porc).

 

Composés de mâles et de femelles, ils vivent, se reproduisent, meurent et seront rassemblés au Jour du Jugement dernier, comme les êtres humains.

 

Ils ont des sentiments, une volonté, une raison, un cœur.. et sont chargés d’appliquer la législation (taklîf) comme les hommes. Tout comme les hommes, ils sont chargés d’adorer Dieu. {Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent.}(52/51 adh-Dhâriyât) Les Prophètes sont aussi envoyés aux djinns et le Prophète Mohammed(s) a été expressément envoyé aux djinns et aux hommes (le Prophète des « deux poids » (ath-thaqalayn)), sans qu’il n’y ait de responsabilités ou d’interférences communes entre les uns et les autres.

 

Parmi eux, il y a des croyants (en un Dieu unique), des Juifs, des Chrétiens, des membres d’autres « religions » et des incroyants. Il y a de bons djinns bienveillants et des mauvais, maléfiques, des démons. Dans le noble Coran, des actes étranges leur sont attribués, pouvant supporter des tâches pénibles, avoir des mouvements rapides (voir l’histoire du Prophète Salomon(p) avec les Djinns).

 

LE CAS D’IBLIS

 

Quand Dieu créa le genre humain (Adam), Il demanda aux Anges de se prosterner devant lui. Tous les Anges se prosternèrent sauf Iblis qui refusa sous le prétexte qu’étant créé de feu, il était meilleur que l’homme créé d’argile. Iblis n’était pas un Ange mais un djinn. Quand Dieu ordonna aux Anges de nettoyer la terre des djinns qui l’avaient corrompue, les Anges crurent qu’Iblis s’était repenti. Quand ils virent ses actes d’adoration pendant des milliers d’années, ils pensèrent même qu’il était meilleur qu’eux jusqu’au jour où Dieu le mit à l’épreuve. Alors apparurent la jalousie, la rancune d’Iblis. Il refusa de se prosterner par orgueil, n’ayant pas compris que ceux qui allaient réformer la terre devaient être de la terre et non du feu. Devant les reproches de Dieu, il s’entêta et devint l’ennemi juré de ce « Lieutenant » de Dieu sur terre, l’homme. Son objectif devint de contredire son Seigneur et d’empêcher la réalisation de Sa Promesse, (puisqu’il en avait été exclu par sa faute) en essayant par tous les moyens à sa disposition d’induire l’homme à l’erreur et de le détourner du Projet divin.

 

 Ainsi, Iblis fait partie des djinns (son nom venant de « ablasa » qui veut dire « désespérer de la Miséricorde divine »). Son contact avec les hommes va se réaliser dans un monde au-dessus de la matière, dans le monde immatériel inférieur (al-malakût as-suflâ).

 

Son lieu privilégié d’intervention est la perception et la connaissance de l’homme, agissant au niveau de la perception des sens, des sentiments, des émotions intérieures et de l’imagination de l’homme. Ses armes : lancer des suggestions, des suppositions mensongères, fausses, induire l’homme à l’erreur, le faire dévier de la voie droite, le corrompre jusqu’à faire de lui un de ses propres agents.

 

Ainsi, au cours des années, Iblis va développer une descendance, une tribu, des aides et des soldats parmi les djinns et les hommes de différentes sortes, qui lui obéissent et agissent sur tout ce qui lie l’homme à ce monde, faisant apparaître le faux sous l’image du vrai, l’illicite sous celle du licite, le laid sous celle du beau.

 

L’Imam as-Sâdeq(p) rapporte un dialogue qui a eu lieu entre Iblis et son Seigneur au moment de sa déchéance.

 

« Iblis dit : « Ô Seigneur, comment ?! alors que Tu es la Justice inviolable, je n’ai pas [droit] à une récompense pour mes actes [passés]. »

 

Dieu lui dit : « Demande-Moi ce que tu veux de ce monde, en récompense pour tes actes, Je te le donnerai. »

 

–Rester jusqu’au Jour du Jugement. – Je te l’ai déjà donné !

– Rends-moi maître de la descendance de Banî Adam. – Je t’ai déjà rendu maître !

–Fais-moi circuler en eux, comme le sang dans les veines. – Je t’ai déjà fait passer

–Que quand un enfant vient au monde, deux naissent pour moi ; que je les vois mais qu’eux ne me voient pas ; que je puisse prendre toutes les formes que je veux pour eux. – Je te les ai déjà donnés !

–Seigneur, ajoute encore ! – J’ai fait de leurs poitrines un lieu de résidence pour toi et ta descendance. » » (in Tafsîr al-Qummî)

 

Ainsi, Iblis obtint le pouvoir de tromper tout être humain sauf les adorateurs sincères. {Sur Mes serviteurs, tu n’auras aucune prise, sauf sur celui qui te suivra parmi les dévoyés.}(42/15 al-Hijr)

 

Reprenons..(en nous aidant de l’interprétation de cette sourate de Sayyed TabâTabâ’i dans « al-Mîzan », et de celles de sheikh Makârem Shîrâzî dans al-Amthâl, de sayyed Ja‘far al-Murtadâ, dans son Tafsîr sourate an-Nâs, et sayyed Hassan al-Mustafawî dans son « Tahqîq fî kalimât al-Qurân al-karîm».

 

 Après avoir vu la nécessité de chercher protection et immunité auprès de Dieu en évoquant trois de Ses Attributs, contre les « suggestions » (al-waswasat), nous avons découvert certaines particularités de « celui qui suggère », notamment qu’il fait partie des djinns et des hommes. Nous continuons ici notre étude sur les djinns.

 

الْجِنَّةِ « al-jinnati »

 

ET LE « SHAYTÂN » ?

 

Le mot « shaytân » vient de « shatana » qui est la déviation de la vérité et de la droiture, la déformation.

 

« Shaytân » : est la corroboration (misdâq) par excellence de la déviation loin de la vérité, de la droiture, de la proximité de Dieu. Il est le nom de tout querelleur, de tout arrogant (contre la vérité) des djinns et des hommes. Ce mot a d’abord été utilisé pour les djinns de façon absolue, puis pour les hommes, dans le contexte d’hostilité, d’oppression, d’agression. Ainsi on parle d’Iblis comme du « shaytân » quand on constate en lui l’hostilité, l’agressivité, la rancune. Le mot « shaytân » n’est pas un nom propre.

 

La « shaytânah » n’existe pas dans le monde de la Raison parce qu’il n’y existe aucune limite extérieure. Dans ce monde, il n’y a qu’anéantissement (fanâ) dans la Soumission/assujettissement à Dieu ;

 

Elle n’existe pas non  plus dans le monde immatériel (malakût) supérieur, parce qu’il est exempt des limites de la corporisation, de l’épaisseur matérielle.

 

Par contre, elle peut se réaliser dans le monde immatériel (malakût) inférieur où il existe des limites..

 

Tant qu’il n’a pas atteint le rang du monde immatériel (malakût) supérieur, l’homme est exposé à l’égarement et aux faux-pas.

 

Les soldats d’Iblis (des djinns et des hommes qui ont atteint le degré de « shaytâniyyah ») sont ceux qui se mettent à tromper le genre humain. Le « shaytan » n’a aucun pouvoir sur l’individu, il ne lui impose pas de faire le mal. Simplement, il lui présente l’idée et l’enjolive. Mais si l’homme cherche la protection auprès de Dieu sincèrement, cette idée n’a aucun effet sur lui. C’est pourquoi Dieu dit que les ruses du « shaytân » sont faibles, tout en mettant en garde contre lui parce qu’il est l’ennemi déclaré de l’homme, qui s’est fixé pour tâche de le détourner nuit et jour loin de Dieu.

 

Le « shaytân » reste avec l’homme durant toute sa vie : « Quand un bébé nait pour le genre humain, Iblis l’accompagne d’un « shaytân » et Dieu l’accompagne d’un ange. Alors le « shaytân » se juche sur l’oreille gauche de son cœur alors que l’Ange se dresse sur celle de droite et les deux l’appellent. » (de l’Imam Hassan al-‘Askarî, Bihâr, vol.63 p140)

 

POURQUOI DIEU A CRÉÉ LE SHAYTÂN ?

 

S’il n’y avait pas le mal, la corruption, la fatigue, le manque, la faiblesse, la désobéissance dans ce monde, il n’y aurait pas le bien, la santé, le repos, la perfection, la force, le bonheur, l’obéissance, la récompense. Il apparait que l’existence du « shaytân » appelant au mal et à la désobéissance fait partie des piliers de l’organisation du monde humain qui marche selon le libre-choix, et qui a pour objectif le bonheur du genre. {Il [Iblis] n’avait aucun pouvoir sur eux si ce n’est pour que Nous distinguions ceux qui croient en l’Au-delà  de ceux d’entre eux qui sont dans le doute, et ton Seigneur est Gardien de toute chose. }(21/34 Sabâ’)

 

مِنَ الْجِنَّةِ وَ النَّاسِ « mina-l-jinnati wa-n-nâsi »   

 

-Maintenant revenons à nos questions posées au début, concernant ce verset.

 

1) Pourquoi le mot « jinnat » et non pas « jinn » ?

 

« jinnat » désigne l’unité, l’élément non pas le genre des djinns. Ainsi le propos ne se porte pas sur le genre des djinns tout comme il ne se porte pas sur le genre humain en général, mais concerne chacune des unités, chacun des éléments de parmi ceux qui choisissent la voie de s’égarer et d’égarer les autres.

 

Egarer les autres, « suggérer » et revenir à la charge après ou avant de disparaître ne sont pas dans la nature du genre des djinns et des hommes (en soi) mais proviennent d’un choix volontaire d’éléments de ceux-ci (les djinns) et de ceux-là (les hommes).

 

-2) Pourquoi les djinns sont  cités avant les hommes ?

 

Peut-être parce que ces particularités (le fait de suggérer, de disparaître et d’apparaître) conviennent à la dissimulation, au voilement qui caractérisent plus les djinns que les hommes.

 

-3) A quoi renvoie la préposition « min » ?

 

A quoi renvoie la préposition « min », à « celui qui suggère » ou au verbe « suggère » ?

 

La majorité des savants disent que ce verset est rattaché à « celui qui suggère » (al-waswâs) et l’explicite. Comme on dit une bague en (min) or. « Celui qui suggère » serait de la sorte des djinns et des humains.

 

Ainsi « celui qui suggère » ne renvoie pas à un groupe déterminé ou à une partie limitée mais tout un chacun de parmi les djinns et les hommes qui agit selon ce qui a été décrit dans la sourate.

 

QUEL RAPPORT L’HOMME DOIT AVOIR AVEC LE SHAYTÂN?

 

Quand une personne est touchée par le mal des suggestions de « celui qui suggère », Dieu lui demande de chercher refuge auprès de Lui en faisant appel à trois de Ses Attributs (la Seigneurie, la Souveraineté, la Divinité). Le « shaytân » (qu’il soit des djinns ou des hommes) s’éclipsera alors. Dieu Tout-Puissant dit dans Son noble Livre : {Car il [le « shaytân »] n’a aucun pouvoir sur ceux qui croient et qui comptent sur leur Seigneur.}(99/16 L’Abeille)

 

Et comme le « shaytân » revient sans cesse à l’assaut, Dieu nous demande de sans cesse chercher refuge auprès de Lui, jusqu’à ce que progressivement cela devienne une aptitude ancrée en nous. Et c’est cela l’objectif : revenir sans cesse à Dieu et toujours compter sur Lui.

 

(Dans la rubrique « Santé morale », nous aborderons dans les détails le traitement à suivre pour une telle maladie du cœur, allant du savoir, de la réflexion et de ne pas en tenir compte (notamment dans les actes d’adoration) à la remise totale à Dieu.)

 

Quant aux rapports entre les hommes et les djinns, ils sont des créatures de Dieu mais comme vivant dans leur monde comme deux mondes parallèles. La majorité des Autorités religieuses de référence juridique interdisent toute interaction entre les hommes et les djinns.

 

Ainsi se termine l’étude de la sourate an-Nâs qui tourne autour du thème de la guidance et de l’égarement, de la croyance et de l’incroyance, alors que la sourate al-Falaq, révélée à La Mecque avec elle et que nous verrons la prochaine fois, vise les questions de la vie quotidienne des gens.