La biographie de Behloul
  • Titre: La biographie de Behloul
  • écrivain: Sayed Ammar Nakshawani
  • Source:
  • Date de sortie: 5:55:22 15-9-1403

La biographie de Behloul

Discours de Sayed Ammar Nakshawani


· Wahab ibne Amr est l’un des plus grands compagnons d’Imam Moussa al-Qazim A.S. et a été un des étudiants importants d’Imam Djaffar as-Sadiq A.S. tout comme Abou Hanifa, Malik ibne Anass, Soufiyane ibne Thawri, Moufathal ibne Oumar, Hisham ibne Haqam etc.

· Il a vécu à l’époque de nos 6ème, 7ème, 8ème et 9ème Imam A.S. Il est considéré comme l’un des plus grands savants de l’école d’Ahloul Bayt A.S. Il a été surnommé comme Behloul, le sage.

· Sa vie est pleine de leçons et d’exemples pour nous.

· La 1ère leçon que nous pouvons tirer de sa vie est de comprendre le rôle que l’on joue au sein de l’école d’Ahloul Bayt A.S. En effet, beaucoup d’entre nous ne savent pas quel rôle ils doivent jouer en tant que Shia ithnasheri. Ils sont shias parce que leurs parents étaient également shias ou parce que leur culture leur dicte qu’ils doivent rester au sein de l’école d’Ahloul Bayt. Behloul, lui, savait quel rôle il avait à jouer en tant que shia. Il était conscient que son rôle était de préserver les enseignements des Ahloul Bayt en prétendant être fou.

· La seconde leçon qui nous est donnée est concernant le rôle du sacrifice dans l’école d’Ahloul Bayt. Le sacrifice est l’essence même de l’être humain. Nous ne pourrons pas réussir dans la vie si nous ne faisons pas de sacrifice.

· La troisième chose que nous apprenons de la vie de Behloul est l’importance du Taqiyya. Notre 6ème Imam A.S. a dit : « Le Taqiyya est ma religion et la religion de mes ancêtres[1] ». Cela signifie qu’il y a des moments dans la vie où nous devons cacher notre croyance afin de protéger la religion de l’Islam. Dans la Sourate 40, verset 28 du Saint-Coran, Allah swt dit : « Il y avait un homme croyant de la famille de Pharaon, qui dissimulait sa foi… » Allah swt le loue pour son Taqiyya. Cela montre que le fait de dissimuler sa foi peut être utile dans certaines circonstances. De la même façon, Ammar ibne Yassir est loué dans le verset 106 de la Sourate 16 du Saint-Coran pour son Taqiyya[2]. Parfois, il est préférable de rester silencieux car en ne disant rien, la religion s’épanouit.

· Behloul nous montre que n’importe quel être humain peut avoir la sagesse, pas seulement un Prophète d’Allah swt. Celui qui se dévouera sincèrement à Allah swt aura la sagesse. Deux personnages nous montrent – avant Behloul – que plus on obéit à Allah swt, plus on obtient la sagesse de la part d’Allah swt : Salman-e-Mohammadi[3] et Louqman le sage[4].

· Nous allons étudier la biographie de Behloul et répondre aux questions suivantes :

- Pourquoi Behloul prétendait-il être fou ?

- Pourquoi Behloul voulait-il réformer socialement l’état islamique et comment a-t-il accompli cette réforme ?

- Pourquoi Behloul dénonçait-il son cousin germain Haroun al-Rachid ?

· Quand nous examinons la vie de Behloul, nous voyons qu’il tournait en rond autour d’un manche à balais et qu’il prononçait des absurdités. Pourquoi faisait-il le fou ? Pour le comprendre, nous devons examiner l’environnement au sein duquel il vivait. La société constituait une situation précaire pour l’école d’Ahloul Bayt. En effet, notre 7ème Imam A.S. était dans les prisons de Haroun al-Rachid. Il était envoyé d’une prison à une autre[5]. Trois des compagnons d’Imam Moussa al-Qazim A.S. allèrent lui rendre visite. Ils dirent à Imam A.S. : « Ô Imam, comment voulez-vous que nous préservions les enseignements des Ahloul Bayt A.S. ? » Imam répondit « jim ». Quand ils entendirent cette réponse, chacun la considéra à sa façon.

- Le premier d’entre eux pensa qu’Imam A.S. voulait dire « Jalàanil watane » c’est-à-dire que je dois quitter ma ville de naissance et émigrer. Comme nous le savons, l’émigration est un grand acte dans la religion islamique. Un homme alla voir Imam Djaffar as-Sadiq A.S. et lui dit « J’aimerais émigrer dans un pays non-islamique. Mais je peux pratiquer la foi là-bas mieux que dans un pays islamique. » Imam A.S. lui demanda : « Quand tu iras là-bas, pourras-tu protéger nos enseignements ? » Quand l’homme répondit par la positive, Imam A.S. lui dit « Dans ce cas, vas-y car si tu protèges nos enseignements, tu seras "levé" comme une "oummah" de la même façon que Nabi Ibrahim A.S. » Ce premier partisan d’Imam Moussa al-Qazim A.S. crut qu’Imam A.S. lui recommandait d’émigrer. Aussi, il quitta son pays et alla vivre ailleurs.

- Le second pensa que "jim" signifie "jabal" c’est-à-dire montagne. Aussi, il décida d’aller vivre à la montagne.

- Behloul savait que « jim » voulait dire « jounoun », faire semblant d’avoir perdu l’esprit. Et comme nous le savons, ce terme « jounoun » est mentionné dans le Qouran. Quand Rassouloullah est venu avec le Qouran, quand il alla au Mehraj[6] et quand il faisait des miracles, certains Arabes ne pouvaient pas accepter cela et ils traitaient le Saint-Prophète saw de « majnoun ». Certains le traitaient de sorcier, de poète, de magicien et de fou. Behloul décida de faire semblant d’être fou et de répandre le message des Ahloul Bayt à travers cette folie.

· Son cousin germain, le calife Haroun al-Rachid lui offrit la place de juge de Baghdad[7]. Haroun savait combien Behloul était sage, avant qu’il ne se déclare fou. C’est pour cela qu’il proposa à Behloul ce haut rang de juge de Baghdad. Mais Behloul refusa car en étant juge, il aurait été obligé de mentir et d’agir en faveur du calife Haroun même s’il avait tort. Imaginez ! D’un côté Haroun propose à Behloul de prendre l’un des postes les plus prisés de Baghdad et de l’autre côté, Imam A.S. demande à Behloul de faire semblant d’être fou pour préserver les enseignements des Ahloul Bayt. Et Behloul fait son choix sans aucune hésitation ! Quel sacrifice ! Réfléchissons, est-ce facile pour quelqu’un de "jouer" au fou, de faire des choses insensées devant les gens ? Nous voulons tous paraître élégants, présentables, nous faisons tout pour avoir une bonne image dans le regard des autres. Imaginez quelqu’un comme Behloul qui était très instruit, qui était l’un des meilleurs étudiants de l’Université d’Imam Djaffar as-Sadiq A.S. et qui agissait comme un fou. Behloul n’était pas n’importe qui, c’était comme un diplômé de Harvard, d’Oxford ou de La Sorbonne d’aujourd’hui ! Mais quel sacrifice pour l’Imam de son Temps !

· Muni de son manche à balais, il tournait en rond dans les rues de Baghdad et voulait réformer toute la société islamique. Pourquoi ? Une des raisons est que les Abbassides vinrent au pouvoir par l’intermédiaire de la corruption. Les Bani Abbas sont les cousins des Imams d’Ahloul Bayt. Safa’a est le cousin germain d’Imam Mohammad al-Baqir A.S. Mansour Dawanaqi est le cousin germain d’Imam Djaffar as-Sadiq A.S. Haroun al-Rachid est le cousin germain d’Imam Moussa al-Qazim A.S. Comment les Bani Abbas ont-ils renversé les Bani Oumayyah ? Ils ont déclaré qu’ils se vengeaient de ceux qui avaient tué les Ahloul Bayt. Mais lorsqu’ils sont venus au pouvoir, que firent-ils ? Ils continuèrent à tuer les Ahloul Bayt ! Ils sont venus au pouvoir en sensibilisant les gens sur l’injustice qui avait été commise envers les Ahloul Bayt. Ils ont dit « Les Bani Oumayyah ont tué Aba Abdillahil Houssein ! Ils ont tué Zayd, le fils de Zainoul Abidine A.S. Ils ont tué les Imams des Ahloul Bayt ! Vous devriez les renverser ! » Une fois qu’ils ont pris le pouvoir, les Bani Abbas ont continué d’agir aussi cruellement envers les Ahloul Bayt. La deuxième raison de ce désir de réforme est le fait que Behloul voyait le calife des musulmans, Haroun al-Rachid s’enivrer constamment chez lui. Il avait l’habitude de prendre une boisson alcoolisée après l’autre. Behloul voyait des femmes entourant son palais, venant l’une après l’autre. Il se rendait compte que c’était le pire environnement qui puisse exister. La troisième raison est que les juges de Baghdad étaient les juges les plus corrompus qui n’aient pu exister. Et quand les juges d’un pays sont corrompus, le reste de l’État le deviendra également. Aboul Boukhtouri était le juge principal de Haroun al-Rachid. Le calife avait un grand problème avec l’arrière-petit-fils d’Imam Hassan A.S., Yahya ibne Abdoullah ibne Hassan. Ils ont eu une guerre qui n’a pas abouti à la victoire, d’un côté comme de l’autre. Il y a eu un cessez-le-feu. Haroun al-Rachid était en colère car il avait signé un traité dans lequel il promettait de ne plus jamais lever la main sur les petit-fils de Hassan (A.S.) Il réfléchissait sur ce qu’il pourrait faire pour mettre fin à ce traité. Il alla voir son juge principal Aboul Boukhtouri et lui demanda s’il y avait une possibilité d’annuler cet accord avec Yahya ibne Abdoullah ibne Hassan. Aboul Boukhtouri répondit : « C’est très simple. Où est cet accord ? » Quand Haroun lui montra le papier, il tira un couteau de sa chaussette et coupa le document en disant « Il n’y plus aucun accord ! »

Behloul voyait tout cela de ses propres yeux et il décida de réformer cette société d’un point de vue moral. Il commença également à dénoncer les juges corrompus. Il fit tout cela armé du "masque" de la folie. Il faisait des débats avec les autres écoles islamiques. Il entreprit également la réforme sociale et organisait des débats avec Haroun.

· Il y avait beaucoup de voleurs à Baghdad qui était pourtant un état islamique. Un jour, Behloul entra dans la mosquée avec ses chaussures aux pieds. Il avait remarqué un homme regarder fixement ses chaussures. Alors qu’il avançait, l’homme le suivit et lui dit : « Behloul, ne sais-tu pas que le salat avec les chaussures n’est pas valide ? » Il répondit : « Peut-être que ma prière sera invalide mais au moins à la fin de la prière, mes chaussures seront encore là ! »

· Un jour, Behloul eut 310 Dinars et les enterra dans un coin de son jardin. Il y avait un homme près de chez lui. Il le suivait du regard partout où il allait. Il l’observait. Un jour, Behloul quitta sa maison et découvrit, en rentrant, que ses 310 Dinars avaient été volés. Il alla voir cet homme qui l’observait sans cesse et commença à danser autour de lui en cercles. Le monsieur lui demanda : « Qu’est-ce qui t’arrive ? » Behloul dit : « Tu sais, j’ai eu beaucoup d’argent aujourd’hui. J’ai eu 2000 Dinars ! » L’homme demanda à Behloul : « Que vas-tu faire de cet argent ? » Il répondit : « J’ai 310 Dinars enterrés dans un coin de mon jardin. Je vais y ajouter les 2000 que je viens d’avoir ». L’homme se disait en lui-même comme Behloul était stupide de tout lui révéler ! L’homme décida d’aller redéposer les 310 Dinars à l’endroit où il les avait récupérés. Il se dit qu’en voyant les 310 Dinars, Behloul y ajoutera les 2000 qu’il vient de gagner et il pourra ainsi récupérer 2310 Dinars. Dès qu’il redéposa les 310 Dinars, Behloul les récupéra et quand l’homme vint chercher les 2310 Dinars, il a beau creusé mais ne trouva rien. Il voulait rentrer chez lui, les mains plein de sable et en chemin, il rencontra Behloul qui lui demanda : « Où étais-tu ? » Il répondit « Non, non, j’ai juste les mains plein de sable ». Behloul lui dit : « Peux-tu m’aider à compter ? » L’homme dit « Que veux-tu compter ? » Behloul demanda « Combien font 80 + 50 ? » Il répondit « 130 ». Behloul continua « et 130 + 80 ? » Il répondit « 210 ». « Combien font 210 + 100 ? » continua Behloul. Il dit « 310 ». Behloul ajouta « Combien font 310 + tes mains plein de sable que tu devras montrer le Jour du Jugement pour avoir volé l’argent de Behloul ? » L’homme prit peur et s’enfuit. Mais il se rendit compte que Behloul qu’il considérait comme un fou était bien plus intelligent qu’on ne se l’imaginait. Il comprit que Behloul lui avait tendu un piège pour qu’il prenne conscience de son erreur. Le but de Behloul était en effet de faire en sorte que le voleur se rende compte des conséquences de son vol. Il ne voulait pas l’emmener auprès de Haroun car le calife avait volé bien plus que ce pauvre homme.

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[1] Rappelons-nous que Hazrat Abou Talib a également dissimulé sa foi.
[2] « Quiconque a renié Allah après avoir cru... - sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi… »
[3] Salman-e-Farssi
Le Saint-Prophète saw avait l’habitude de dire « Salman est comme Louqman par son degré de sagesse »
[4] Hazrat Louqman n’était pas un Prophète mais son statut est si élevé qu’Allah swt a nommé une Sourate du Saint-Coran en son honneur (Sourate n° 31)
[5] Certains partisans d’Ahloul Bayt A.S. étaient même assassinés à cause de leurs croyances.
[6] Voyage céleste
[7] Il y avait 4 postes de juge très importants à ce moment-là : juge de Koufa, juge de Madina, juge de Khorassan et juge de Baghdad

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• Ensuite, Behloul entreprit de réformer la société d’un point de vue moral car une communauté ne peut pas exister si les gens n’ont pas de akhlaqs les uns envers les autres. L’akhlaq est vital. Un jour, un homme vint au marché et demanda : « Cheick Behloul, qu’est-ce que je devrais acheter afin d’avoir beaucoup de bénéfices ? » Behloul lui conseilla d’acheter du fer et du coton. Il suivit ces conseils et gagna beaucoup d’argent. Trois mois plus tard, il vint de nouveau au marché et clama : « Behloul, le fou, quels produits devrais-je acheter pour avoir beaucoup de bénéfices ? » Behloul répondit « Des melons et des oignons ». L’homme suivit ses conseils et revint quelques temps plus tard en réclamant qu’il n’avait pas eu de profit. Il demanda : « Le premier conseil que vous m’aviez donné était bon mais cette fois-ci c’était une mauvaise suggestion. Pourquoi ? » Il expliqua : « La première fois que vous vous êtes adressé à moi, vous m’avez appelé "Cheick Behloul", c’est pour cela que je vous ai donné un bon conseil. La seconde fois, vous m’avez appelé "Behloul, le fou" c’est pour cela que je vous ai traité de la manière dont un fou vous aurait traité. » Tandis que l’homme réfléchissait sur ce que Behloul lui avait dit, Behloul disparut avec son manche à balais. Behloul voulait que cet homme se rende compte de son impolitesse et qu’il prenne conscience du fait que quand vous faites preuve d’akhlaqs, les gens vous respecteront à leur tour.

• Par ailleurs, Behloul ne supportait pas comment les juges de Baghdad pouvaient voler l’argent des gens. Il y avait un juge qui disait aux gens : « Avant d’aller au Hajj, laissez-moi votre testament ». Un homme vint voir le juge et lui dit : « Ô juge, je vais pour le Hajj. » Il dit « Très bien ! Avez-vous écrit votre testament ? » Il répondit « oui, j’ai écrit que je laisse 1000 Dinars pour mes enfants et, ô juge, donnez-leur ce que vous voulez ». Le juge dit « D’accord ». L’homme alla au hajj et malheureusement, il décéda en chemin. Ses enfants étaient très jeunes à ce moment-là. Quand ils grandirent, ils allèrent voir le juge et lui demandèrent « Ô juge, notre père nous a laissé un testament dans lequel il écrit qu’il nous laisse 1000 Dinars. Pouvez-vous nous les remettre ? » Le juge répondit : « Pas de problème ! Voici 100 Dinars ! » Les enfants répliquèrent : « Quoi ? Mais il s’agissait de 1000 Dinars ! » Le juge dit : « Votre père m’a demandé de vous remettre ce que je désirais. Et je veux donner 100 Dinars. Allez-vous-en maintenant ! » Les enfants étaient frustrés et demandèrent aux gens qui pourrait les aider. Les gens leur conseillèrent d’aller voir Behloul. Ils répliquèrent « Ce fou ? » Les gens dirent : « Fou ? Allez le voir et vous verrez ce qu’il vous dit. C’est un homme diplômé de l’Université de Djaffar as-Sadiq A.S. ! » Les enfants allèrent donc rencontrer Behloul et lui racontèrent toute l’histoire. Behloul leur dit « Laissez-moi régler cette affaire ! » puis il alla voir le juge. Le juge continua à argumenter et à s’expliquer en disant que le papa lui avait dit de donner aux enfants ce qu’il voulait. Behloul lui demanda : « Que voulez-vous sur les 1000 Dinars ? » Le juge répondit : « je veux 900 Dinars ! » Behloul lui dit alors « Dans ce cas, vous devrez donner les 900 Dinars aux enfants car le père vous a dit "donnez ce que vous voulez" or vous venez de me dire que vous voulez 900 Dinars ! » Le juge n’avait plus le choix. Dès qu’il tendit les 900 Dinars à Behloul, ce dernier s’en alla.

• Un jour, Behloul alla dans le palais de Haroun al-Rachid qui était son cousin. Le calife avait l’habitude d’avoir des dîners somptueux. Behloul n’aimait pas du tout assister à ces repas et manger aussi luxueusement. Une fois, Haroun était assis avec ses invités et dit à ses domestiques : « Allez-y donner la nourriture qui reste à Behloul ». Quand ils donnèrent la nourriture, Behloul refusa. Ils insistèrent : « Prenez, c’est la nourriture du calife ! » Behloul répondit : « Chut ! Ne parlez pas si fort ! Car si les chiens vous entendent, ils risquent de ne pas accepter cette nourriture eux aussi ! » Revenons à notre anecdote. Behloul est assis à table durant un de ces dîners somptueux. Haroun a invité le juge de Khourassan. Behloul s’assied près de lui et sautille sur son manche à balais. Le juge est irrité. Il se dit « Je suis en train de manger et cet homme me dérange avec son comportement ! » Il demande : « Excusez-moi, qui est ce monsieur ? » Behloul répond : « Je suis Behloul ! » Le juge dit : « Ah ! Le fou ! » Behloul réplique : « Ne nous juge pas par notre apparence ! Je ne suis pas fou ! » Le juge dit : « Bien sûr que tu es fou ! » Behloul dit alors : « Dans ce cas, débattons ensemble. Tu es juge et moi, je suis fou selon toi. Alors faisons un débat et nous verrons bien qui gagne ». Le juge est dans de sales draps ! Il ne sait plus quoi faire. Il est obligé d’accepter le défi. Il dit à Behloul : « D’accord. Je vais te poser une question et toi aussi tu m’en poseras une. » Behloul demande « Quelle est la récompense ? » Le juge dit « Si tu réponds correctement à ma question, je t’offrirai 1000 Dinars. Et si je réponds à la tienne, c’est toi qui me donne 1000 Dinars. » Behloul réplique « Ne me donnes pas 1000 Dinars. Donne-les aux pauvres. » Ils se mettent d’accord et Behloul dit « Pose-moi ta question en premier ! » le juge dit : « Un mari et sa femme sont assis dans leur maison et il y a un homme en train de prier et un homme en train de jeûner. Qui vient et invalide aussi bien le mariage, la prière et le jeûne ? » Behloul répond : « C’est très simple. C’est l’ex-mari de la femme. » Il explique : « Cette femme pensait que son mari était mort à la guerre. Alors elle décide de se remarier. Mais son mari revient tout juste et elle découvre qu’il est vivant. Les gens qui sont en train de prier et de jeûner sont des personnes qu’elle a payé pour accomplir les kaza de son époux. Maintenant que l’homme est de retour, le mariage de la femme est invalide ainsi que le salat et le jeûne. Le juge regarde Behloul et se dit : « Et bien, comme il a résolu l’énigme facilement ! » Behloul dit : « Ô juge, laisse-moi te poser ma question maintenant ! » Le juge essaie d’esquiver Behloul en disant : « J’aimerais profiter de mon repas ». Mais Behloul insiste et demande : « Je veux faire une boisson avec du miel et du vinaigre. Je mélange les 2 ingrédients et une fois que la boisson est constituée, je vois une souris en train de marcher dedans. Est-ce que la souris vient du fût de vinaigre ou celui de miel ? Que faut-il faire pour le savoir ? » Le juge dit : « Je n’ai jamais entendu parler d’une boisson constituée de miel et de vinaigre. Je ne connais pas la réponse. » Behloul dit : « C’est très simple. Tu enlèves la souris, tu la laves et ensuite tu la dissèques. Si elle sent le vinaigre, cela veut dire qu’elle vient du vinaigre. Si elle sent le miel, cela veut dire qu’elle provient du miel. » Après avoir dit cela, Behloul s’en va. Le juge se dit en lui-même : « Je n’ai jamais vu un tel homme répondre si intelligemment ! »

• Behloul organisait également des débats avec les autres branches de l’Islam qui ne suivaient pas Imam Moussa al-Qazim A.S.. Jounaid-il-Baghdadi, le chef des Soufis, marchait et ses étudiants lui dirent : « Posez une question à Behloul. Allez lui enseigner quelque chose. » Il répliqua : « Moi ? Enseigner à Behloul ? Il en sait sûrement plus que moi ! » Ils dirent : « Mais vous êtes le Maître Soufi ! Vous en savez plus que lui ! » Jounaid dit à ses étudiants : « Venez avec moi, je vous montrerai qui est Behloul ! » Ils allèrent ensemble rencontrer Behloul. Jounaid dit : « Behloul, je veux que vous m’enseigniez quelque chose. » Behloul répliqua : « Mais je ne peux pas vous enseigner. Vous êtes un érudit ! » Jounaid insista : « Non, enseignez-moi quelque chose ! » Behloul dit : « D’accord. Alors dites-moi, savez-vous parler ? » Il répondit : « Bien sûr que je sais parler. Quand je m’adresse aux gens, je reste très poli. » Behloul continua : « Savez-vous manger ? » Il dit « Oui, bien sûr ! Avant de manger, je dis Bismillah ». Behloul posa une dernière question : « Et savez-vous dormir ? » Il répondit : « Bien sûr, je fais mon wouzou avant de dormir. » Behloul dit alors : « Vous ne savez ni parler, ni manger, ni dormir ! Il ne sert à rien de parler poliment si vous médisez les autres ! Ce n’est pas la peine de dire Bismillah avant de manger si votre nourriture a été achetée avec de l’argent haram. Il ne sert à rien de faire le woudhou avant de dormir si l’on dort le cœur rempli de jalousie envers les autres. » Jounaid-al-Baghdadi dit à ses étudiants : « Qui enseigne qui ? Est-ce moi qui enseigne Behloul ou bien est-ce lui qui m’enseigne ? » Vous vous souvenez tous du débat que Behloul a eu avec Abou Hanifa.

• La grande mission de Behloul était de dénoncer le calife de son époque qui traitait les Ahloul Bayt de la pire façon et qui avait de très mauvaises manières. Un jour, Behloul vint voir Haroun et lui demanda : « Si tu te retrouvais dans le désert sans aucune goutte d’eau, que serais-tu prêt à donner de tes biens somptueux en échange d’un peu d’eau ? » Il répondit : « Je donnerais des Dinars en or. » Behloul continua : « Et si la personne n’accepte pas les Dinars en or ? » Le calife répondit : « Je donnerais la moitié de mon royaume. » Behloul dit alors : « Et si tu avais des problèmes de santé, si tu ne pouvais pas uriner l’eau que tu boirais, que donnerais-tu à un docteur qui t’aiderait à résoudre ton problème ? » Il répondit : « Je lui donnerais la seconde moitié de mon royaume. » Behloul dit alors : « Ô Haroun, ne cours pas derrière ton royaume de cette façon car ce royaume ne vaut que l’équivalent d’un verre d’eau ! Un jour, le Seigneur te retirera ce royaume qui tu chéris tant ! »

• Un jour, Haroun dit à Behloul : « Si tu arrives à résoudre mon énigme, je libérerai quelques-uns des partisans d’Ahloul Bayt que tu me demandes toujours de sortir des prisons de Baghdad. » Behloul réplique : « N’en libères pas seulement quelques-uns mais libères-en 100 si je résous ton énigme. » Haroun explique : « Tu dois faire traverser une rivière à une chèvre, de l’herbe et un loup de telle sorte que personne ni rien ne soit mangé par l’autre. » Behloul répond : « C’est très facile ! Je prends la chèvre, je la mets sur le bateau, je laisse la chèvre de l’autre côté puis reviens prendre l’herbe. Je traverse la rivière, je laisse l’herbe sur l’autre rive et reprends la chèvre. Puis je redépose la chèvre au point initial, prends le loup avec moi et dépose le loup sur la rive avec l’herbe. Puis je repars chercher la chèvre et l’emmène de l’autre côté de la rivière. » Haroun répond : « Très bien ! Tu as réussi à résoudre l’énigme ! Que veux-tu ? » Behloul répond : « Je veux que tu relâches 100 des partisans des Ahloul Bayt ». Le calife réplique : « Je ne les libérerai jamais ! Le maximum que tu auras est la libération de 10 d’entre eux. » Haroun exécuta ensuite 90 partisans d’Ahloul Bayt. Behloul était très affecté. Il se dit : « je vais faire en sorte que Haroun comprenne le concept de mort afin qu’il prenne conscience de ce qu’il fait à nos partisans. »

• Un jour, Behloul était au cimetière et Haroun passa par là. Il demanda : « Haroun, que fais-tu dans ce cimetière ? » Il répondit : « Je suis en train de dessiner avec mon bâton et je joue avec les crânes. » Haroun demanda : « Que fais-tu avec ton bâton ? » Il dit : « Je suis en train de dessiner un rectangle de 3 mètres x 1 mètre. Car chacun d’entre nous, que nous soyons riche ou pauvre, chacun ne disposera que de ce petit rectangle de terre dans lequel nous serons enterrés. » Haroun questionna ensuite Behloul sur la raison pour laquelle il déplaçait un crâne puis un autre. Il répondit : « Regarde tous ces crânes dans ce cimetière, nous ne savons pas lequel appartient à un roi et lequel est celui d’un pauvre. Toi et moi serons tous deux sous la terre et personne ne saura qui est Haroun al-Rachid et qui est Behloul. »

• Un jour, Haroun demanda à Behloul : « Parles-moi du Jour du Jugement et du Sirat. Racontes-moi ce qui nous attendra ce jour-là. » Behloul répondit : « C’est très simple, tu veux le savoir ? » Haroun dit : « Oui ! » Il dit alors : « Dis à un de tes servants de m’emmener une poêle brûlante. Je veux qu’on allume un feu sous le poêle. » Une fois que le servant apporta ce qu’il demandait, Behloul dit à Haroun : « Veux-tu savoir comment sera le Sirat le Jour du Jugement ? » Il répondit : « Oui ! » Behloul continua alors : « Ce que nous devons faire c’est de nous mettre debout sur cette poêle l’un après l’autre. Et pendant que nous sommes dessus, nous devons dire combien de bâtiments nous possédons, quelle nourriture nous mangeons, les boissons que nous buvons et quels vêtements nous portons. J’y vais en premier. » Behloul se mit debout sur la poêle chaude et dit : « Je suis Behloul. Je ne possède aucune maison dans ce monde. Je mange du blé et de l’orge et je bois de l’eau. Je n’ai qu’un seul vêtement. » Puis il descendit et sauta tout de suite en disant : « Regardes, c’était mon Jour du Jugement. Maintenant c’est ton tour. » Quand Behloul se mit debout sur la poêle, il dit : « Je suis Haroun al-Rachid. Je possède un palais à Baghdad, un autre à Koufa, et un à Khourassan… » Et il sauta tout de suite. Behloul lui demanda : « Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu n’as même pas parlé de ta nourriture, ni des boissons que tu consommes, ni de tes vêtements ! Et tu as déjà sauté ! » Il répondit : « Mais j’ai tellement de palais ! » Behloul lui dit : « Es-tu prêt pour le jour où ton Seigneur t’interrogera sur les palais qui appartiennent aux Ahloul Bayt ? » Puis, il s’en alla en courant. Behloul rappelait la mort à Haroun très souvent .

• Un jour, Behloul demanda à Haroun : « Donnes-moi les clés des prisons ! » Il dit : « D’accord, fou, les voici. » Behloul quitta le palais en courant. Quelques heures plus tard, quelqu’un demanda à Haroun : « Haroun, es-tu au courant que tous les prisonniers de Baghdad ont été relâchés ? Avez-vous donné les clés à quelqu’un ? » Il répondit : « Oui, je les ai donnés à Behloul. Où est-il ? » On trouva Behloul dans le cimetière. Haroun lui dit : « Il faut que tu retrouves chacun des prisonniers. » Behloul répondit : « Dans ce cas, attends ici. » Le calife demanda « Pourquoi ? » Il dit : « Parce que chacun viendra ici un jour. » Allaho Akbar !


Source : Majaliss de Sayed Ammar Nakshawani, Ramadhan 1430 (2009)
Traduit par l’équipe de shia974.fr