Quelques Interrogations
* "Razîat Yaoum Al-Khamis (Calamité du jeudi)
Histoire: "Hâter l'Expédition vers la Syrie"
Bien que la maladie du Prophète s'aggravât de jour en jour, elle ne le confina toutefois pas totalement à la maison. Il maintint l'habitude d'aller chaque jour au Masjid par la porte de son appartement donnant sur la cour, pour diriger la prière. Une semaine après avoir appelé ses hommes à préparer l'expédition vers la Syrie, il s'aperçut qu'ils ne s'empressaient pas d'aller au camp de rassemblement à Jorf.
Il était en colère d'entendre les gens dire: «Il choisit un adolescent pour commander le chef des Muhâjirin». Un jour, après la prière, il s'assit sur la chaire, la tête toujours bandée avec une serviette, et s'adressa ainsi à l'assistance: «O^ vous les hommes! Qu'est-ce que cela veut dire? On dit que certains d'entre vous grognent contre le fait que j'aie nommé Osâmah pour le commandement de l'expédition vers la Syrie. Si vous me reprochez maintenant cette nomination, désormais vous me blâmerez aussi pour la nomination de son père, Zayd. Je voudrais que vous le traitiez bien, car il est l'un des meilleurs d'entre vous. Maudit soit celui qui s'abstient de rejoindre l'armée». (225) Il demanda ensuite que l'expédition fasse mouvement le plus tôt possible, et quittant la chaire, il rentra chez lui.
Avertissement aux Muhâjirîn et aux Ançâr
Un autre jour, toujours après la prière, il dit à l'assemblée: «Le Seigneur a donné à Son serviteur le choix de continuer dans cette vie, alors qu'elle est pour lui ténèbres. Quant à moi, j'ai choisi l'autre vie. Tous les autres Prophètes moururent avant moi. Vous ne devriez pas vous attendre à ce que je vive éternellement».
Après un moment de silence, il poursuivit: «Vous les Ançâr! Traitez bien ceux à qui vous avez donné refuge. Et vous les Muhdjirîn! Les Ançàr me sont sûrement chers, car c'est parmi eux que j'ai trouvé refuge. Honorez-les donc et traitez-les bien».
Puis, il récita la Sourate al-'Açr: «Par le temps! Oui, l'homme est en perdition, sauf ceux qui croient; ceux qui accomplissent des oeuvres bonnes; ceux qui se recommandent mutuellement la Vérité, ceux qui se recommandent mutuellement la patience», et le verset 24 de la Sourate Mohammad: «Que peut-on attendre de vous, si vous déteniez l'autorité, sinon semer la corruption sur la terre et rompre vos liens de parenté». Il mit ainsi en garde ses Compagnons contre leurs desseins malicieux. (226)
De l'Or Destiné à l'Aumône
Un jour, le Prophète interrogea 'A^yechah sur l'or qu'il lui avait confié pour qu'elle le gardât. (227) Il s'agissait de sept dinars, le reliquat d'une somme qu'il avait reçue pour la distribuer comme aumône. 'A^yechah ayant répondu qu'elle l'avait chez elle, il lui demanda de le distribuer parmi les pauvres. Puis il tomba dans un état de semi inconscience. Peu après, lorsqu'il reprit connaissance, il demanda encore à 'A^yechah d'offrir l'or en charité. Il réitéra sa demande une troisième fois mais vainement. A la fin il lui reprit l'argent et le confia à 'Alî qui le distribua tout de suite aux familles pauvres.
Le Prophète Empêché de Transcrire sa Volonté
Le Jeudi précédant sa mort, et alors que beaucoup de ses principaux Compagnons étaient présents dans la chambre, le Prophète, étendu sur son lit, demanda qu'on lui apportât ce qu'il fallait pour écrire quelque chose:(228) «Apportez-moi du papier et de l'encre afin que je puisse consigner pour vous un document qui vous évitera de retomber dans l'erreur».
'Omar s'interposa immédiatement ainsi: «L'homme est en délire. Le Livre de Dieu (229) nous suffit».
Quelques-uns parmi l'assistance dirent qu'il fallait apporter le nécessaire pour écrire; d'autres se rangèrent du côté de 'Omar. La discussion s'anima et des voix s'élevèrent très haut pour contrarier le Prophète. Les dames derrière les rideaux voulurent fournir le matériel de l'écriture mais 'Omar les rabroua: «Silence! dit-il. Vous êtes comme les femmes de l'histoire de Joseph. Lorsque votre maître tombe malade, vous fondez en larmes et dès qu'il va un peu mieux, vous vous mettez à faire des taquineries».
Ayant entendu ces propos, le Prophète dit: «Ne les grondez pas: elles valent sûrement beaucoup mieux que vous cependant». Maintenant quelques personnes se mirent à demander au Prophète ce qu'il désirait enregistrer.
Mais le Prophète récita sur un ton de colère le verset 2 de la sourate al-Hujurât (230) («O^ vous les croyants! N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète. Ne lui adressez pas la parole d voix haute, comme vous le faites entre vous, de crainte que vos oeuvres ne soient vaines, sans que vous vous en doutiez»). Et dit: «Allez-vous en! Laissez-moi seul! Car ma condition présente est meilleure que celle à laquelle vous m'appelez».
Après avoir marqué une pause, il poursuivit: «Mais faites attention aux trois injonctions suivantes: un, chassez tout Infidèle de la Péninsule; deux, recevez avec hospitalité les délégations et offrez-leur le repas avec largesse, de la même façon que je le faisais». Quant à la troisième injonction, on dit qu'elle a été oubliée par le narrateur ou que sa mention a été omise. (231)
Ibn 'Abbâs se lamenta sur l'irréparable perte subie par les Musulmans ce Jeudi, par suite de l'empêchement du Prophète d'écrire ce qu'il voulait pour la guidance de ses adeptes. Se rappelant cet événement, il pleura jusqu'à ce que ses joues et sa barbe fussent mouillées par ses lamies.
La maladie du Prophète s'aggravait chaque jour un peu plus et il en était très conscient. L'expédition de Syrie le préoccupait cependant sérieusement. Il continua à dire à ceux qui l'entouraient: «Envoyez rapidement l'armée d'Osâmah».
225. "Al-Milal wal Nihal"; "Charh Nahj al-Balâghah" d'Ibn Abi Hadîd; "Charh Mawâqif"; "Târikh Mudhaffarî" de Châhâb id-Dine; "Ibn Abî al-Dam".
226. "Rawdhat al-Ahbâb"; "Madârij al-Nubwwah".
227. "Rawdhat al-C,afâ"; "Madârij al-Nubuwwah".
228. "Ibn Khaldûn"; "Al-Tabarî"; "Abu-Fidâ'".
229. Une grande partie des Musulmans considère cette phrase de 'Omar comme un geste de séparation de l'orthodoxie établie par le Prophète qui avait ordonné à tout le monde à suivre le Coran et sa Famille, en déclarant: «Je vous laisse deux grands Préceptes dont chacun dépasse l'autre en grandeur: le Livre de Dieu et ma Famille. Ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils me rencontrent au Paradis».
230. Il est dit que ce verset fut descendu à la suite d'une dispute entre Abû Bakr et 'Omar concernant la nomination du gouverneur d'une ville, au cours de laquelle ils élevèrent la voix si haut en présence du Prophète qu'on pensa qu'il convenait d'interdire de telles indécences dans l'avenir (Sale). Le non-respect de ce Commandement conduit le Prophète à rappeler l'avertissement à cette occasion.
231. "Ibn Athîr"; "Al-Bokharî"; "Al-Mich-kât", etc.