Le Récit de Noé
  • Titre: Le Récit de Noé
  • écrivain: Al-Shia.org
  • Source:
  • Date de sortie: 8:30:59 2-9-1403

Récit

 

Le récit commence ainsi:

 

«Nous avons envoyé Noé à son peuple: "Avertis ton peuple avant qu'un douloureux châtiment ne l'atteigne!"»(1)

 

Cette introduction romanesque ou ce prologue nous suggère que les péripéties et situations du récit s'articulent autour d'un avertissement direct et d'un châtiment imminent au cas où l'avertissement serait sans effet.

 

Et lorsque nous lisons tout le récit (lequel couvre la totalité de la sourate qui lui est entièrement consacrée), qui regorge de situations passionnantes, nous constaterons qu'il se termine par l'exécution du châtiment qui a balayé et éradiqué le peuple incriminé.

 

Toutefois, le lecteur hésiterait, à ce stade, à déduire, sur un plan purement romanesque, cette conclusion tranchante avant d'avoir terminé la lecture du récit.

 

Cette hésitation tient sans aucun doute à la technique romanesque utilisée dans ce récit, car celui-ci ne débute qu'au milieu de péripéties ambiguës dont le lecteur ne connaît aucun détail. Autrement dit le récit commence avec "un avertissement" qui devrait être précédé forcément de péripéties qui le justifieraient, péripéties d'une telle gravité qu'elles requièrent la menace d'un "châtiment douloureux" brandi par le Ciel de cette façon remarquable.

 

En d'autres termes, la première question que se poserait le lecteur après avoir lu ce prologue est de savoir ce que le peuple de Noé a commis pour avoir droit à un tel avertissement? Et c'est sans doute la première chose qu'il chercherait à connaître dans la suite du récit

 

Donc ce début romanesque, «Nous avons envoyé Noé à son peuple: "Avant qu'un douloureux châtiment ne l'atteigne"» implique, sur le plan de la forme architecturale du récit, l'existence de péripéties qui précèdent l'avertissement, une mise en garde effective que Noé lancera, et l'attente d'un châtiment qui emporterait le peuple fautif au cas où il s'obstinait dans l'erreur.

 

Maintenant que fera Noé vis-à-vis de son peuple après avoir reçu l'ordre du Ciel de lancer à ce dernier une mise en garde? Noé a averti les siens ainsi:

 

«Ô mon peuple! Je suis pour vous un avertisseur explicite.

»Adorez Dieu! Craignez-Le! Obéissez-moi!». (2)

Cet avertissement décèle certains faits précédents, ramenant le lecteur au début de la situation.

Mais alors! Quel type d'exigence l'avertissement a-t-il formulé?

C'est l' "adoration d'Allah" et l' "obéissance à Noé" en ce qui concerne son appel à l'adoration d'Allah.

 

De là, nous déduisons que le peuple en cause adorait quelqu'un d'autre qu'Allah, et était en situation de refus de l'adoration du Créateur. On doit inférer également que ce refus ou cette rébellion avait revêtu une forme particulière qui commanda un avertissement d'une telle sévérité.

 

Mais le Ciel, toujours Compatissant envers Ses serviteurs leur laisse des occasions diverses pour qu'ils se ressaisissent et retournent à la raison. Ainsi, IL leur promet d'abord de leur pardonner et d'oublier leurs erreurs passées. IL leur promet ensuite qu'il ajournera sine die tout châtiment qu'ils auraient mérité. IL leur fait comprendre, enfin, que le châtiment mis en sursis sera appliqué irrévocablement au cas où ils n'en tiendraient pas compte.

 

Tout ceci est exposé dans la réplique suivante de Noé:

 

«IL vous pardonnera vos péchés; IL vous accordera un délai jusqu'à un terme fixé par Dieu, mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé. Si vous saviez!». (3)

 

La question qui se soulève dans l'esprit du lecteur maintenant est: Noé ayant commencé par exécuter effectivement les ordres du Ciel en disant clairement à son peuple: «Je suis pour vous un avertisseur explicite», en lui faisant miroiter le pardon du Ciel: «Il vous accordera un délai jusqu'à un terme fixé», et en brandissant la menace de l'irrévocabilité du châtiment en sursis: «mais quand vient le terme fixé par Dieu, il ne peut être différé», quelle est l'efficacité de son avertissement? Le peuple de Noé a-t-il répondu à son appel et s'est-il orienté vers l'adoration d'Allah?

 

La seconde partie du récit répondra en détail à cette interrogation.

 

Il apparaît que lorsque Noé (P) s'est conformé aux ordres du Ciel et a lancé un avertissement à son peuple, il n'a eu comme réaction qu'une fin de non-recevoir. Il apparaît aussi qu'il a dû connaître tellement de déconvenues qu'il ne lui restait qu'à s'adresser au Ciel pour se plaindre des réactions négatives suscitées par son Appel à l'adoration d'Allah.

 

En effet, Noé s'est écrié amèrement en s'adressant à Allah:

 

«Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour.

»Et mon appel n'a fait qu'augmenter son éloignement». (4)

 

Ce dialogue unilatéral avec le Ciel dénote le sentiment d'amertume qu'éprouvait Noé lorsqu'il invitait son peuple à Allah. Il peinait jour et nuit pour propager le Message du Ciel, consacrant la totalité de son temps à cette tâche.

 

Mais les gens étaient tellement fermés à son appel que celui-ci n'a fait qu'augmenter l'éloignement de son peuple.

 

De là, nous comprenons le pourquoi de l'"avertissement" et du "châtiment douloureux" que cet avertissement a brandi. Car on a affaire à un peuple que l'Appel à Allah n'a fait que l'en éloigner encore davantage (d'Allah).

 

Ces gens avaient été tellement embobinés et aveuglés par Satan et avaient repoussé Noé si farouchement qu'il s'en est plaint auprès d'Allah dans les termes suivants:

 

«Chaque fois que je les ai appelés pour que Tu leur pardonnes, ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles; ils se sont enveloppés dans leurs vêtements; ils se sont obstinés; ils se sont montrés extrêmement orgueilleux». (5)

 

Cette figure: «leurs doigts dans leurs oreilles» et cette autre figure: «se sont enveloppés dans leurs vêtements», conjuguées avec l' "obstination" et l' "orgueil" pour représenter les quatre niveaux de comportement ou les quatre réactions de la part de ces gens à la demande de pardon faite par Noé en leur faveur, nous montrent clairement que les orgueilleux ont atteint un tel degré d'orgueil qu'il n'est plus possible de s'attendre à ce qu'ils puissent entendre raison.

 

Arrêtons-nous un instant aux deux figures précitées: «ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles», et «ils se sont enveloppés dans leurs vêtements» pour mieux saisir combien elles sont révélatrices de la personnalité des orgueilleux.

 

Si ces gens orgueilleux et imbus de leurs idées reçues, s'étaient contentés de refuser le message de Noé (P), on aurait pu dire que leur refus tient tout simplement à l'étroitesse de leur esprit. Mais voilà. Il ne s'agissait pas d'un simple refus. Leur attitude a pris la forme d'un comportement enfantin presque pitoyable, lorsqu'ils ont «mis leurs doigts dans leurs oreilles».

 

Cette figure ou cette image laisse voir que les orgueilleux ont refusé même d'écouter la voix de Noé (P), et d'entendre même la "demande de Pardon". Leur perversité a atteint un tel degré qu'il est permis de conclure qu'ils portent au fond d'eux-mêmes une haine noire envers les voix de la piété.

 

Les malades psychiques ou les pervers diffèrent les uns des autres dans le degré de la dépravation dont ils sont atteints. Un pervers, pourrait éprouver de la haine pour sa propre personne, pour les autres et pour les valeurs de piété, mais il se contente d'emmagasiner cette haine sans la refléter sur son comportement extérieur ou sans l'extérioriser à travers une parole ou un geste. Il l'intériorise quitte à en endurer les flammes.

 

Mais lorsque sa perversité déborde de l'intérieur et s'extériorise, cela signifie qu'elle a atteint un stade dangereux. Si cette extériorisation se limite à la parole, elle indique un certain degré de la perversité. Mais si elle se reflète sur les gestes ou le mouvement, par exemple, lorsqu'on met les doigts dans les oreilles, en signe de refus de l'écoute d'un conseil, là, la maladie ou la perversité aura atteint son paroxysme, et suscite un sentiment de pitié.

 

Les orgueilleux du peuple de Noé (P) ont dévoilé le zénith de la perversité intérieure dont ils souffraient, lorsqu'ils ont traduit en acte la haine qu'ils intériorisaient, en fermant leurs oreilles avec leurs doigts, en guise de refus enfantin de l'appel au bien que Noé leur a adressé.

 

C'est un fait établi dans le domaine psycho-pathologique que le retour au comportement infantile indique clairement le haut degré de la maladie dont souffre le sujet. Ce stade de maladie se traduit par l'incapacité du sujet à l'adaptation, une crise intérieure, la perte de tout moyen de soulagement de son état dépressif, ce qui l'accule au retour à des comportements auxquels il était habitué dans son enfance, lorsqu'il protestait contre la non-satisfaction de ses besoins par toutes sortes de gestes et de comportements susceptibles d'attirer l'attention ou la pitié des adultes; tout ceci en raison de son immaturité.

 

On dirait donc que les orgueilleux, en posant leurs doigts dans leurs oreilles, par réaction à l'appel au message du Ciel lancé par Noé (P) et à la demande de pardon faite en leur faveur, ont fait un retour au stade infantile pour soulager leurs dépressions et leurs conflits intérieurs, exprimant ainsi leur incapacité totale à s'adapter à la situation et à la traiter avec discernement.

 

Mais il y a un autre indice de "retour en enfance" qui est encore plus symptomatique de cet état pathologique du peuple de Noé, à savoir l'enveloppement de leurs visages avec leurs vêtements pour éviter de voir leur interlocuteur en train de les appeler à Allah et d'implorer pour eux Son Pardon.

 

Le lecteur peut s'imaginer une scène dans laquelle un sujet atteint de cet état morbide, avec lequel on discute sur une question idéologique ou intellectuelle, et où il couvre subitement son visage avec son vêtement pour ne pas voir son interlocuteur qui ne fait que discuter. Ceci ne pourrait se produire qu'avec de petits enfants dépouillés de toute éducation sociale, et atteints d'un tel degré de perversité qu'il est nécessaire de les isoler et de les placer dans un établissement pour inadaptés sociaux.

 

Et lorsque nous transposons cette scène chez des adultes, nous pouvons déduire qu'ils ont atteint le zénith du retour au stade infantile, un stade dans lequel ils sont incapables même de regarder en face quelqu'un leur demander gentiment de se ressaisir et implorer pour eux le pardon.

 

S'ils s'étaient contentés de détourner le visage ou de se détourner pour éviter de le voir ou d'être vus par lui, leur état pervers aurait été moins grave. Mais le fait qu'ils aient recouru à l'enveloppement de leurs visages avec leurs vêtements, indique qu'ils ont été atteints du plus haut degré du "retour en enfance".

 

Ainsi, le texte romanesque dépeint les orgueilleux comme formant une poignée de dépravés, à travers deux figures: «les doigts mis dans les oreilles» et «le visage enveloppé par les vêtements».

 

Mais le récit ne se contente pas de ces deux images, il les a renforcées avec d'autres manifestations intérieures de la maladie d'orgueil: «Ils se sont obstinés», «ils se sont montrés extrêmement orgueilleux».

 

Il va de soi que l'entêtement et l'obstination représentent un aspect criard des tensions du pervers. Quant à l'orgueil, il est inutile de le commenter, car sa place dans la perversité est évidente.

 

En tout état de cause, lorsque le récit a fait suivre les deux images extérieures (du comportement des orgueilleux) d'une description intérieure des sentiments de ces orgueilleux, notamment en employant l'adjectif substantivé "orgueilleux" au superlatif "extrêmement", il visait à montrer la symétrie entre la description intérieure du peuple de Noé et la description extérieure de leur attitude, la symétrie entre l' "obstination" et l' "orgueil" d'une part, et «les doigts mis dans les oreilles» et «l'enveloppement des visages avec les vêtements» d'autre part.

 

Le lecteur pourrait s'attendre que le récit se termine par la description réaliste qu'il a faite du peuple de Noé, et qu'il n'en reste que l'occurrence du châtiment promis par Noé (P), étant donné que les "orgueilleux" se sont montrés tellement irrécupérables, irréductibles, intraitables et obstinés qu' «ils ont mis leurs doigts dans leurs oreilles» et qu' «ils se sont enveloppés dans leurs vêtements» par aversion pour la vérité.

 

Mais, le récit ne se termine pas là, voulant sans doute mieux nous faire saisir l'étendue de la Miséricorde d'Allah et la patience inimaginable de Son Messager, car voilà que Noé poursuivant ses complaintes auprès du Seigneur contre ces "orgueilleux", continue de relater ses déboires:

 

«Je les ai ensuite appelés à haute voix,

»j'ai fait des proclamations et je leur ai parlé en secret absolu.

»Je (leur) ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner». (6)

 

Il est à noter que Noé (P) a employé deux fois la forme extrême, absolue ou superlative: une fois dans «en secret absolu» (asrartu lahum isrâran) et une fois, comme nous l'avons vu dans «extrêmement orgueilleux» (istakbarû istikbâran).

 

L'emploi de cette forme montre que l'appel de Noé (P) a requis tellement d'effort, d'assiduité et d'insistance, qu'il était inutile de continuer. Et de l'autre côté, l'obstination du peuple de Noé a atteint un tel degré qu'il n'était plus possible d'espérer qu'il pourrait infléchir. En d'autres termes, Noé a épuisé tout ce qu'il fallait pour ramener son peuple à la raison, et celui-ci a tout fait pour refuser l'appel de Noé. Il y a donc symétrie opposée entre la persistance de Noé à demander le pardon à son peuple, et la persistance de celui-ci dans son refus de cette demande pieuse.

 

On peut remarquer la persistance de Noé (P) dans cette parole «j'ai appelé mon peuple nuit et jour» et dans celle-ci «j'ai fait des proclamations (publiques) et je leur ai parlé en secret absolu».

 

Ainsi il n'y a pas un moyen auquel il n'ait pas recouru en épuisant toutes ses ressources. Il appelait son peuple pendant le jour à demander pardon; il le faisait également pendant la nuit. Il lui lançait cet appel publiquement; et il le répétait discrètement. Mieux, il a déployé tous les efforts possibles pour les conseiller en secret, puisqu'il dit: «Je leur ai parlé en secret absolu», dans l'espoir de pouvoir les amener à accepter le conseil, loin du climat de suivisme, d'imitation et de crainte des autres.

 

Car il est possible par exemple, que certains orgueilleux, refusent, par souci de suivisme et sous l'effet de la "suggestion collective", de répondre à un appel au bien, mais que lorsqu'ils se trouvent soustraits à de telles influences, ils pourraient faire preuve d'un esprit de discernement et de penser uniquement en termes d'objectivité.

 

Toutefois, Noé ne s'est pas satisfait de ces tentatives, il a multiplié les moyens de persuasion pour convaincre son peuple et le faire entendre raison, en lui rappelant les bienfaits d'Allah et en lui expliquant que s'il demande pardon à Allah, IL le lui accorde et de plus:

 

«IL vous enverra, du Ciel, une pluie abondante;

»IL accroîtra vos richesses et le nombre de vos enfants; IL mettra à votre disposition des jardins et des ruisseaux». (7)

 

En continuant à se plaindre de l'attitude de son peuple, Noé explique qu'il a tout d'abord fait miroiter la "récompense future" pour l'amener à avoir foi en Allah, en invoquant à plusieurs reprises le Pardon d'Allah: «Chaque fois que je les ai appelés pour que Tu leur pardonnes», «Implorez le Pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner». Il a ensuite essayé de les intéresser à des récompenses immédiates: pluies, biens, enfants, jardins, fleuves, etc.

 

Donc, Noé aura évoqué toutes les sortes de récompenses, y compris la satisfaction des besoins essentiels et secondaires, dans l'espoir de conduire son peuple sur le droit chemin. Car chez les humains, la "récompense", aussi bien que le "châtiment" pourraient constituer un stimulus à une réaction ou à une réponse positive, de même que la vérité objective, non associée ni à l'un (récompense) ni à l'autre (châtiment), pourrait l'être.

 

Noé a recouru jusqu'ici à l'un de ces trois procédés pour arracher une réponse positive à son peuple, puisqu'il a évoqué la récompense immédiate (dans ce bas-monde) et la récompense future (dans l'autre monde), et après avoir brandi la menace du châtiment (le deuxième procédé) toujours sans résultat, il a fait appel enfin au troisième procédé, à savoir l'explication des vérités d'une façon objective, dans l'espoir que cette méthode - qui traite des vérités vécues concrètement par l'homme - sera à même de conduire son peuple à adhérer au message du Ciel.

 

Il dit à son peuple: «Pourquoi n'attendez-vous pas de Dieu un comportement digne de Lui,

»alors qu'IL vous a créés par phases successives». (8)

 

Il a demandé à son peuple de glorifier Allah et de voir Sa Grandeur en lui rappelant des faits vécus par les gens eux-mêmes, et en tête desquels: la création même de l'homme, lequel a été créé par Allah par phases successives: goutte de sperme, caillot de sang, masse flasque, os, chair ... jusqu'à la forme finale.

 

Et après leur avoir remis dans la mémoire, la vérité la plus familière à leurs esprits, et la plus proche de leurs connaissances, à savoir l'homme lui-même, il a passé à la création du Ciel (dont la lune et le Soleil), vérité qui occupe toute la portée de leur vue.

 

«N'avez-vous pas vu comment Dieu a créé sept Cieux superposés?

»IL a placé la lune comme une lumière; IL y a placé le Soleil comme une lampe». (9)

 

Puis il leur a rappelé la création de la terre en attirant leur attention sur les bienfaits qu'ils en tirent quotidiennement, et ce après avoir évoqué la naissance de l'Homme de la terre elle-même:

 

«Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes,

»puis IL vous y renverra, et IL vous en fera surgir soudainement». (10)

 

Après ce rappel (dont nous expliquerons la fonction technique dans le récit plus loin), il a attiré leur attention sur les dons de la terre elle-même:

 

«Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis

»afin que vous suiviez des voies spacieuses». (11)

 

Par ce rappel de la création du Ciel (et de ses bienfaits pour l'homme), des sept Ciels et de la terre, Noé clôt l'exposition du troisième procédé qu'il avait suivi dans ses tentatives vaines de ramener son peuple à Allah, procédé consistant à projeter la lumière sur les vérités objectives que l'homme vit quotidiennement.

 

Avec ce troisième procédé, Noé aura épuisé les trois moyens possibles de persuasion: le "bâton", la "carotte" et le "raisonnement", sans réussir apparemment à convaincre son peuple.

 

Avant de poursuivre le reste des péripéties du récit, il est important de nous étendre sur certains traits de la technique romanesque que décèle sa trame.

 

Il est notable qu'au cours de sa narration de la création du Ciel, de la terre et de l'homme, Noé (P) a mis l'accent sur le phénomène de la naissance de l'humanité: «Dieu vous a fait croître de la terre comme les plantes» (12), puis sur le thème de la mortalité de l'homme: «Puis, IL vous y renverra» (13) et enfin, sur l'évocation du Jour de la Résurrection: «et IL vous en fera ensuite surgir soudainement». (14)

 

Le récit a abordé cette vérité relative à la naissance de l'homme, à sa mort et à sa résurrection dans le contexte des expériences familières de l'homme, telle que: sa constatation du processus de sa constitution qui commence par "une goutte de sperme" et se termine par la "forme finale", sa vision du Ciel, de la lune et du Soleil.

 

Il ne fait pas de doute que lorsque l'approche de ces vérités "invisibles" relatives à la naissance et à la résurrection de l'homme, est associée à des vérités "visibles", elle concourt à produire l'effet escompté que nous avons souligné plus haut.

 

L'autre trait de la technique romanesque qu'il est important de signaler réside en ceci que le récit ne présente pas ces vérités par le procédé de "narration" (c'est-à-dire la parole du Ciel), mais à travers un dialogue, le dialogue de Noé avec son peuple.

 

Mieux, même ce dialogue de Noé avec son peuple, le récit ne l'a pas transcrit directement, mais à travers la plainte de Noé contre son peuple, adressée au Ciel. En d'autres termes, Noé s'adresse à Allah et il Lui raconte qu'il a parlé avec son peuple de cette manière et de cette autre. Autrement dit, c'est Noé lui-même qui transmettait à Allah son histoire (récit) avec son peuple, et c'est le récit coranique qui nous transmet à son tour le récit (l'histoire) de Noé tel qu'il l'avait transmis au Ciel.

 

Nous nous devons de méditer donc sur ce procédé romanesque réjouissant et original dans sa façon de solliciter la réceptivité du lecteur au message que le récit vise à lui transmettre.

 

Ainsi, Noé est un narrateur qui raconte au Ciel son histoire avec son peuple: «Il dit: "Mon Seigneur! J'ai appelé mon peuple nuit et jour"; je (leur) ai dit: "Implorez le pardon de votre Seigneur; IL est Celui qui ne cesse de pardonner», et le récit coranique devient à son tour un narrateur qui nous raconte l'histoire de Noé telle qu'il l'a relatée au Ciel ... et ainsi de suite.

 

Donc nous sommes devant une structure romanesque qui recourt à un procédé littéraire très plaisant lorsqu'il nous invite, nous les récepteurs, à découvrir la méthode de Noé (P) de transmettre son message, en permettant de voir les plus petits détails de sa conduite et de son comportement, détails décrits directement par lui-même, et non relatés par quelqu'un d'autre. Procédé vivant qui stimule la réceptivité du lecteur ou de l'auditeur et le tient en haleine.

 

Revenons à présent aux péripéties du récit et à leur suite. Après avoir expliqué qu'il avait épuisé vainement trois procédés de persuasion (bâton, carotte et raisonnement) pour ramener son peuple vers le Ciel, Noé continue sa plainte auprès d'Allah contre la rébellion, l'ignorance, la ruse et le polythéisme de ces gens "orgueilleux".

 

«Noé dit: "Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi; ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte".

 

»Ils ont tramé une immense ruse et ils ont dit: "N'abandonnez jamais vos divinités; n'abandonnez ni Wadd, ni Souwâ', ni Yaghout, ni Ya'ouq, ni Naçr".

 

»Ceux-ci ont pourtant égaré un grand nombre d'hommes». (15)

 

Là se termine l'histoire de Noé avec son peuple, racontée à travers la plainte qu'il a adressée au Ciel.

 

Après quoi, le récit emprunte un autre tournant, menant vers la conclusion de la situation et la demande de l'anéantissement des orgueilleux, comme nous le verrons ailleurs.

 

Mais avant de clore ce chapitre, il est instructif de revenir un instant sur les détails relatifs à la dernière séquence de ses complaintes à propos de la rébellion, l'ignorance et la ruse de son peuple et de sa persistance dans le polythéisme.

 

En effet, c'est après avoir énuméré au Ciel tous ses efforts en vue de faire entendre raison à son peuple ingrat, que Noé a dit: «Mon Seigneur! Ils m'ont désobéi», ce qui signifie que les trois procédés qu'il avait suivis s'étaient avérés infructueux. Et là, Noé (P) tient à présenter d'autres réactions négatives de son peuple à son appel pieux, comme s'il voulait mieux montrer qu'il n'y avait vraiment plus rien à faire avec ce peuple désespérément irrécupérable. Et comme nous l'avons vu, ces réactions sont variées: «Ils ont suivi celui dont les richesses et les enfants n'ont fait qu'accroître la perte» (16), «ils ont tramé une grande ruse» (17) et «ils ont dit (aux autres): N'abandonnez jamais vos divinités...» (18) etc.

 

Notes :

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1- Verset 1

2- Versets 2 - 3

3- Verset 4

4- Versets 5 - 6

5- Verset 7

6- Versets 8 - 10

7- Versets 11 - 12

8- Versets 13 - 14

9- Versets 15 - 16

10- Versets 17 - 18

11- Versets 19 - 20

12- Verset 17

13- Verset 18

14- Idem.

15- Versets 21 - 24

16- Verset 21

17- Verset 22

18- Verset 23