Le Récit des Premiers Arrivés
  • Titre: Le Récit des Premiers Arrivés
  • écrivain: Al-Shia.org
  • Source:
  • Date de sortie: 8:4:49 2-9-1403

Sourate l'Echéant comprend trois "scènes" ou "paysages" qu'on peut appeler des récits de milieu, c'est-à-dire des récits où prédomine la description du milieu par opposition au récit où prédomine un "personnage", ou celui où prédomine la péripétie ou l'événement.

 

Ainsi, les récits qui mettent en scène la vie des Saints par exemple, l'élément prépondérant c'est l'hagiographie d'un Prophète (Adam, Ibrahim, Noé, etc.), de telle sorte que tous les rouages du récit s'articulent autour de ce héros.

 

Quant aux récits d'événements ou de péripéties, le héros y disparaît, ou presque, au point que même son nom n'y figure pas. Le lecteur se trouve devant une série d'événements qui polarisent son attention et occupent la place centrale du récit.

 

Enfin, il y a un genre de récit coranique où l'élément prédominant est la description du milieu, lequel peut être un lieu ou un espace géographique particulier, appartenant à ce bas-monde ou à l'Autre monde.

 

La Sourate "l'Echéant" dont nous traitons ici, fait donc partie de ce dernier genre romanesque, le récit du milieu. Ce milieu est divisé en trois parties.

 

La première partie, c'est le milieu des "Premiers arrivés", c'est-à-dire l'élite humaine pour laquelle un endroit spécial a été préparé, "Les Jardins du délice".

 

La deuxième partie, c'est le milieu des "Compagnons de la droite", lesquels sont moins privilégiés que la catégorie précédente, et la place qui leur a été aménagée est différente de celle destinée à ladite catégorie.

 

La troisième catégorie est le milieu des "Compagnons de la gauche", pour lesquels la demeure choisie est l'Enfer, demeure qui sied bien à leur attitude dans la vie "de la mise à l'épreuve", la vie d'ici-bas.

 

Arrêtons-nous maintenant sur la première catégorie (celle des "Premiers arrivés"), pour voir de plus près le paysage de leur environnement.

 

Lisons tout d'abord le texte romanesque les concernant:

 

«Les premiers arrivés qui seront bien les premiers,

»voilà ceux qui seront les plus proches de Dieu,

»dans le Jardin du délice;

»il y en aura une multitude parmi les premiers

»et un petit nombre parmi les derniers arrivés»(1)

 

Avant d'aborder la description faite de cette catégorie de personnages, il convient de connaître leurs traits tels que le récit lui-même les a dépeints.

 

Allah - IL est Très-Haut et Glorifié - les a qualifiés de: «premiers arrivés» et de «les plus proches de Dieu».

 

Concernant leur nombre, ils ont été décrits comme étant un grand groupe de «premiers arrivés» et un petit groupe de «derniers arrivés».

 

Il s'agit de savoir maintenant comment cette catégorie de personnages a-t-elle pu obtenir des privilèges (que nous verrons lorsque nous développerons notre exposé sur le milieu qui leur a été préparé) qui les classent comme étant «les premiers arrivés» par rapport aux autres, et comme étant de grand nombre dans un temps antérieur et de petit nombre dans la période ultérieure?

 

Les textes exégétiques diffèrent quant à l'identification des "premiers à obéir à Allah" et à appliquer le principe de Lieutenance (Khilâfah) sur la terre".(2) Les uns les mentionnent nominalement, d'autres se contentent de les généraliser, d'autres encore donnent plus de détails à ce sujet.

 

Toutefois, le texte d'exégèse qui affirme que «les premiers» sont les envoyés de Dieu et l'élite parmi la création, et qui est attribué à l'Imâm al-Sâdiq (p), semble concorder avec le privilège accordé aux Envoyés (P) et aux Imâms d'Ahl-ul-Bayt (p) en tant que représentant le sommet du concept de l' "adoration" ou de la "piété", comme on le sait.

 

Il est naturel que s'ajoutent à cette catégorie (comme le laissent entendre certains textes exégétiques et comme le commande l'apparence du texte romanesque du Coran) les personnes exemplaires qui étaient plus promptes que les autres à croire aux Messages divins, ou les personnes exemplaires qui se sont montrées plus sincères et plus dévouées que les autres dans leurs pratiques religieuses, et ce peu importe que cela désigne de grands nombres de nations précédentes et un petit nombre de la nation du Prophète Mohammad (P), ou un petit nombre parmi les gens des temps ultérieurs par rapport aux premiers temps en général.

 

Passons maintenant à la description faite du milieu ambiant préparé pour les Premiers. Le Ciel semble leur avoir octroyé tout d'abord trois moyens de satisfaire leurs besoins: le manger, le boire, le siège. Puis le Ciel a varié chacun de ces moyens.

 

Et enfin, IL les a soumis à une sélection spécifique, concernant le bien-être (le luxe) dans le mode de satisfaction.

 

Concernant la place réservée à la position assise des intéressés, la description est la suivante:

 

«Placés côté à côté sur des lits dressés.

»Ils seront accoudés, se faisant vis-à-vis». (3)

 

Le seul fait de préciser qu'ils sont assis "accoudés" c'est-à-dire à l'aise et décontractés constitue un signe de "bien-être". Et si l'on y ajoute le fait qu'ils soient assis sur des lits et non sur le sol du Paradis, le "bien-être" atteint un degré supérieur.

 

En outre, lorsqu'on apprend que les lits eux-mêmes sont décrits comme étant tressés, c'est-à-dire bien tissés et aux chaînons enchevêtrés, le "bien-être" paraît toucher son zénith, si on se place sur le plan du besoin esthétique.

 

Mais pour que la satisfaction de besoin se réalise d'une façon complète, elle a été liée à la préparation d'un climat psychologique et social (pour ceux qui sont assis sur les lits) on ne peut plus positif: ils sont assis les uns devant les autres, et non pas isolés, ni parsemés çà et là.

 

Le fait de s'asseoir l'un devant l'autre signifie que l'on n'a pas besoin de faire le moindre effort ou mouvement pour parler à son interlocuteur ou vis-à-vis, ce qui constitue un signe évident de confort.

 

Cependant le bien-être de la position assise n'est pas tout le bien-être auquel ont droit les personnages de cette catégorie. Car au plaisir que procure cette façon confortable de s'asseoir, s'ajoute le plaisir procuré par la qualité de la boisson et de la nourriture destinées aux bienheureux de cette catégorie, comme nous le verrons plus loin.

 

Mais là encore, manger et boire des choses délicieuses ne suffiraient peut-être pas à réaliser le plus haut degré du bien-être, s'ils ne sont pas accompagnés d'autres moyens ou ingrédients de l'esthétique et du confort.

 

Sans doute la première chose que les personnes assises "sur des lits de repos tressés" désireraient, c'est d'avoir à leur disposition des gens qui les servent et leur apportent ce qu'elles délectent. Or, là encore elles sont bien servies car: «Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux». (4)

 

Que ces éphèbes soient créés par le Ciel spécialement pour servir les gens assis "sur les lits tressés", ou des enfants de ce bas-monde, n'ayant pas fait de bonnes choses, ou des enfants de polythéistes, dispensés du Compte, parce que non majeurs, ils sont dans tous les cas réquisitionnés spécialement pour prendre soin de cette catégorie privilégiée des habitants du Paradis, et circuler entre eux afin de leur apporter toutes sortes de boissons et mets qu'ils affectionneraient, leur évitant de déployer le moindre effort alors qu'ils sont assis confortablement entre amis dans cette séance éternelle.

 

Récapitulons: "les Premiers" se trouvent dans "les Jardins du délice"; ils sont assis, accoudés, sur des lits tressés, les uns devant les autres, dans un confort inégalable, dispensés de déployer le moindre effort pour satisfaire leurs besoins pendant qu'ils sont assis entre eux dans une position de repos total. De plus la nourriture leur est gracieusement offerte avec le plus haut degré de confort et de bien-être, puisque des éphèbes immortels sont là pour leur servir à boire et à manger.

 

Maintenant, il s'agit de savoir de quelle façon fastueuse les boissons et la nourriture leur sont présentées et avec quel degré de confort, de bien-être ou de luxe?

 

Concernant la boisson, le récit coranique dit:

 

«Des éphèbes immortels circuleront autour d'eux,

» portant des cratères, des aiguières et des coupes remplies d'un breuvage de source,

»dont ils ne seront ni excédés, ni enivrés». (5)

 

Il va sans dire que l'on peut s'abreuver avec n'importe quel ustensile disponible. Toutefois, le Ciel tient à abreuver Ses serviteurs dévoués (qui ont été les premiers à faire le bien) avec les instruments les plus luxueux qui sont séants au même degré de bien-être dont ils bénéficient lorsqu'ils sont assis sur des lits tressés entre amis chéris.

 

Ainsi, au lieu d'une seule sorte d'ustensile, le Ciel leur en a destiné trois dont chacun présente par son aspect esthétique, aux "Premiers" une double satisfaction du sens de la vue (le plaisir de l'œil) et du sens du goût.

 

Il y a donc les "cratères" ou les "jattes" avec leur rebord large, les "aiguières" limpides et brillantes, avec leur anse et leur trompe, et les coupes dont l'aspect plaisant se passe de description.

 

Il est évident aussi que chacun de ces trois types d'ustensiles a un aspect esthétique différent. Les coupes sont différentes des aiguières, de même que celles-ci et celle-là diffèrent des cratères. Chacun d'eux se distingue des autres non seulement par son aspect extérieur, mais également par la façon de les tenir dans la main et d'en verser le contenu dans la bouche. Tout ceci indique que le Ciel veut réaliser à Ses serviteurs les plus obéissants le plus haut degré de bien-être qu'IL leur a promis.

 

Jusque-là, on a pu remarquer, dans le milieu de "Jardins du délice" réservé par le Ciel à Ses serviteurs les plus dévoués, une concordance dans le bien-être relativement à la façon de s'asseoir et de s'abreuver.

 

On va constater maintenant la même concordance de bien-être dans la façon de servir à manger à cette élite.

 

Lisons le récit coranique à ce propos:

 

«les fruits de leur choix

»et la chair des oiseaux qu'ils désireront». (6)

 

La nourriture ici est de deux sortes: fruit et viande.

 

Lorsque nous transposons ces deux sortes de nourriture dans notre expérience ou goût terrestre, nous dirions que la chair des oiseaux est plus attrayante que la chair des troupeaux par exemple. Et si l'on ajoute à ce fait, que les chairs des oiseaux sont très variées et que chacun de nous peut s'estimer chanceux d'avoir dégusté la chair de l'une de ces nombreuses espèces d'oiseaux, on peut imaginer combien est grand notre plaisir lorsqu'on évoque la possibilité de nous délecter à notre guise et à volonté d'une variété infinie de chairs d'oiseaux.

 

Donc le choix de la chair des oiseaux à l'exclusion des autres chairs, puis la possibilité de manger tout ce que nous désirerions de la variété infinie de ces chairs si prisées, représentent le sommet de la satisfaction de nos besoins vitaux.

 

Ceci concerne évidemment le besoin le plus pressant ou le plus impérieux dans la vie d'ici-bas. Quant à un besoin moins impérieux que la viande, en l'occurrence, le fruit, là encore "les Premiers", ces privilégiés du Paradis, ont l'embarras du choix: «les fruits de leur choix». (7)

 

Continuons à suivre la description faite par le récit coranique de la nourriture et de la boisson et examinons cette description avec notre optique terrestre.

 

"Les premiers" à avoir obéi à Dieu boivent donc dans des coupes, des aiguières et des jarres une boisson coulante, c'est-à-dire quelque chose qui coule comme le fleuve, ou le fleuve lui-même.

 

Il ne faut pas perdre de vue que la qualité de ce qui coule est très évocatrice pour la satisfaction d'un besoin vital et d'un besoin esthétique.

 

En effet, tout ce qui coule, comme le fleuve et qui est perceptible par l'œil, porte plusieurs significations. Lorsqu'on laisse promener son regard sur un courant abondant et inépuisable, on se sent rassuré et on ressent un équilibre intérieur dépouillé de toute angoisse relative aux perspectives de l'avenir.

 

Le courant exubérant, bien fourni, permanent, procure en même temps un plaisir esthétique pour l'œil, car la vue du fleuve évoque une beauté et une attirance.

 

Mais le récit coranique couronne tous ces plaisirs et bien-être dont jouissent nos héros du Paradis par une qualité bien particulière, difficilement concevable pour un esprit terrestre, lorsqu'il ajoute: «dont ils ne seront ni excédés, ni enivrés». (8)

 

Ce commentaire, nous le comprendrions sans doute mieux lorsque nous le transposons dans notre expérience ou vie terrestre où la structure de la physiologie humaine est faite de telle sorte que les pulsions cherchent à être satisfaites d'un côté, et qui seront satisfaites effectivement de l'autre. En d'autres termes notre organisme est fait de telle manière qu'il provoque en nous la sensation (ou la pulsion) de la soif, et ce besoin (ou cette sensation) sera satisfait une fois que nous aurons bu une quantité déterminée d'eau, qui correspond au besoin de l'organisme.

 

Mais si nous imaginons que le processus de la satisfaction de ce besoin (de boire) serait un processus continuel et ininterrompu, qui ne soit pas précédé d'une "tension" (le besoin impérieux de boire) par exemple, ou que cette "tension" ne soit pas associée (comme cela se produit dans notre vie d'ici-bas) à des possibilités d'échec (non-satisfaction du besoin) ou tout simplement à la crainte de l'échec, si nous concevons donc une telle structure ou physiologie nouvelle de l'être humain auprès de Dieu, nous saisirons mieux et plus clairement la valeur du boire que nous n'interrompons pas, dont nous ne serons pas saturés et qui ne nous cause aucune nuisance, et ce même sans nous limiter à une quantité convenable de la boisson consommée. N'est-ce pas le plaisir illimité!

 

Du même coup, nous comprendrons mieux le sens de ce commentaire qui nous laisse transposer notre processus de satisfaction de besoins (de boire) dans la vie de l'Au-delà où les habitants des Jardins du délice peuvent boire à leur volonté sans crainte et sans inquiétude aucune. En un mot, le plaisir dans la vie terrestre à un début et une fin, alors qu'il est infini pour les habitants du Paradis. De là nous percevons clairement combien est considérable et immense le don ou le bienfait que le Ciel accorde à Ses serviteurs les plus pieux.

 

En tout état de cause la description romanesque du milieu ou de l'environnement des "Premiers" sur les plans du boire, du manger et de la manière de s'asseoir et de fréquenter les compagnons chéris, incarne le sommet du bien-être dans la satisfaction du besoin de l'homme dans ce domaine.

 

Mais ce privilège ou ce bien-être ne s'arrête pas là. Il déborde vers un nouvel élément, puis vers le type de relation morale entre les "premiers" à avoir obéi à Dieu, à L'adorer et à assumer la fonction de "Lieutenance" de Dieu sur la terre.

 

Récapitulons pour mieux en saisir la portée: le Ciel a préparé pour ceux qui sont les "premiers" à Lui obéir, la satisfaction de besoins vitaux avec le plus grand degré de bien-être imaginable, comme nous l'avons remarqué: une boisson servie dans des jattes, des aiguières et des coupes; des fruits à leur choix; des chairs d'oiseaux à leur appétit; des houris aux yeux grands et beaux... Ces besoins vitaux ont été doublés des besoins psychologiques dont le premier est la rencontre entre des gens qui s'aiment et qui sont assis les uns devant les autres sur des lits tressés.

 

Et maintenant le texte romanesque couronne ce besoin psychologique par un trait spécifique de comportement, à savoir la concordance sociale absolue qui marque la relation sociale des privilégiés des "Jardins du délice":

 

«Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché,

»mais une seule parole: Paix!... Paix...». (9)

 

Mais avant d'aborder ce phénomène social qui prévaut dans les "Jardins de délice", il convient de prêter attention au commentaire du récit sur les besoins vitaux qui sont préparés pour les "Premiers", en l'occurrence les besoins relatifs à la faim, à la soif, à la sexualité et au sens esthétique. Ce commentaire est: «en récompense de leurs œuvres». (10)

 

Il est la somme idéologique de tous les besoins vitaux énumérés par le récit.

 

Ainsi, la nourriture, dissociée du concept d'adoration ou de lieutenance sur la terre ne signifie plus qu'un besoin dont l'importance s'estompe fondamentalement. Il en va de même pour les autres besoins relatifs au boire et au sens esthétique.

 

Nous sommes maintenant devant deux milieux: le milieu de la vie d'ici-bas et le milieu de l'Au-delà.

 

Concernant le milieu d'ici-bas, le récit l'a rayé (d'une façon indirecte) de la mémoire de l'homme, et l'a réduit en un seul but idéologique et psychologique «en récompense de leurs ouvres», c'est-à-dire que l'action pour Allah est le seul justificatif de la préparation luxueuse des besoins vitaux dans la vie de l'Au-delà.

 

Si la nourriture, par exemple, constitue (dans le milieu terrestre) un simple moyen permettant à l'être humain de s'acquitter de ses devoirs d'adoration, elle se transforme (dans le milieu de l'Au-delà) en un autre moyen d'adoration également, mais d'un type différent. Mais comment comprendre cette différence entre les deux moyens?

 

Le rapport de l'être humain avec Allah demeure un pur besoin rationnel ou psychologique, que ce soit dans ce bas-monde ou dans l'autre.

 

Quant au besoin vital, c'est-à-dire biologique, tel que le manger etc... il est dans le cadre de la vie terrestre un moyen traversé par un conflit, et dans le cadre de la vie de l'Au-delà un moyen dépouillé de tout conflit.

 

Ainsi, lorsque nous ajournons la consommation d'un plat délicieux, nous aurons dépassé la phase de conflit entre le désir de manger le plat et la volonté d'ajourner la satisfaction de ce désir. L'exemple d'un tel ajournement est lorsque nous accomplissons le jeûne ou lorsque nous nous trouvons devant un plat dont la licité n'est pas encore établie pour nous, ou lorsque nous devons acquitter un devoir urgent. Dans tous ces cas, on est amené à ajourner la satisfaction d'un besoin vital et à dépasser la phase de conflit entre la satisfaction et l'ajournement de la satisfaction de ce besoin ou de ce désir.

 

On aura dépassé cette phase de conflit, lorsqu'on sera totalement convaincu que la nourriture n'est nécessaire que dans la mesure ou la limite où l'organisme en a besoin, et que l'accomplissement du jeûne ou d'un devoir urgent, ou l'abstention d'un plat dont la licité est douteuse, constituent le choix positif qui concorde avec la notion de lieutenance sur la terre (notion qui signifie que la seule raison d'être de l'homme sur terre est l'adoration d'Allah et l'application de Ses Instructions).

 

En revanche, dans la vie de l'Au-delà, un tel conflit n'existe évidemment pas, et en conséquence, le choix n'existe pas non plus. La nourriture demeure un moyen mécanique (comme la circulation sanguine, par exemple) dont le fonctionnement n'est pas doté d'un dispositif d'arrêt et de marche.

 

En outre, ce moyen ou instrument, s'il a acquis un tel mode de satisfaction, c'est parce qu'il constitue "une récompense" des œuvres d'adoration dans la vie d'ici-bas, ce qui signifie que l'action d'adoration - lequel est un besoin rationnel et psychologique - est la seule signification de l'existence de l'Homme.

 

De là, les relations sociales dans la vie de l'Au-delà, avec tout ce qu'elles comportent de significations psychologique et rationnelle demeurent le trait qui enveloppe le comportement décrit par le texte romanesque en guise d'épilogue: «Ils n'entendront là ni parole futile, ni incitation au péché, mais une seule parole: "Paix!.. Paix!..."». (11)

 

Si nous transposons la nature des relations sociales dans l'Au-delà (relations marquées, selon le récit par l'absence de paroles futiles et de péché, d'une part, et par l'échange de mots de salutation, de paix et d'amour, d'autre part) dans notre vie terrestre, nous réalisons leur haute valeur, ainsi que l'importance artistique d'une telle présentation romanesque.

 

Ainsi, au lieu de nous demander directement de nous doter d'un comportement fondé sur l'amour dans nos rapports humains terrestres, le récit l'a fait d'une façon indirecte plus subtile et plus suggestive, en nous informant que les gens du Paradis ne se font pas mal les uns aux autres ni ne s'accusent mutuellement, qu'ils se saluent aimablement et qu'ils se montrent affectueux les uns envers les autres.

 

Ce comportement qui caractérise les gens du Paradis, le récit nous appelle à l'adopter dans notre vie terrestre, mais sans nous le dire directement et nous inspire la nécessité de nous entraîner et de nous accoutumer à éviter les paroles futiles et les propos blessants et à les substituer par un langage d'amour et des mots utiles.

 

La seule différence entre nous-mêmes et les gens du Paradis, c'est que chez ces derniers l'absence de la parole futile et méchante ne résulte pas d'un conflit intérieur, alors que notre comportement à nous, qui vivons sur terre est fondé sur une structure de conflit, conflit que le Ciel nous demande de dépasser en acceptant de reporter (d'ajourner) la satisfaction du désir passager, et en nous entraînant à établir des relations fondées sur l'amour d'autrui et sur la suppression des propos vains dans notre langage.

 

Ayant expliqué le procédé romanesque par lequel le récit nous a amené à en déduire le message idéologique, il nous faut maintenant traiter en détail des concepts : "absence de parole futile", "absence de péché", "salutation et Paix", présentés par le récit à la fin de la description du milieu des "premiers" à obéir à Allah dans les Jardins du délice qui leur sont destinés.

 

Comme nous l'avons dit, ces derniers (les premiers à obéir à Allah) ne prononcent pas, au Paradis, des paroles inutiles: «Ils n'entendront là ni parole futile...». Or si nous transposons ce phénomène dans la vie d'ici-bas, nous remarquons que la "parole futile" peut se présenter sous différentes formes: parole sans finalité, parole de trop, plaisanterie, chant, polémique stérile etc...

 

Et comme nous l'avons dit aussi, le récit vise (du point de vue artistique) à transposer cette vérité dans notre conduite terrestre afin de nous amener à corriger et à discipliner celle-ci à travers la phase de conflit qui caractérise le comportement humain dans la vie d'ici-bas.

 

En effet, les traditions d'Ahl-ul-Bayt (P) nous commandent de nous taire lorsque la parole ne s'avère pas nécessaire. Et dans le domaine des maladies psychologiques, les Ahl-ul-Bayt (p) citent comme l'une d'elles l' "amour de parler", défaut dont il faut absolument se départir, par l'effort et l'exercice de l'âme.

 

Il est évident que lorsque quelqu'un a l'habitude de dire n'importe quoi, alors que la situation ne requiert pas qu'il parle, il cherche à attirer l'attention sur sa personne atteinte d'un complexe d'effacement et d'infériorité et essaie par tous les moyens de s'affirmer.

 

Quant à une personnalité saine, la confiance en soi, en son indépendance et en sa qualité, suffit à conjurer cette vile propension à dire n'importe quoi uniquement pour parler.

 

La deuxième valeur (message) idéologique du récit est l' "absence de péché": «Ils n'entendront là ni parole futile ni incitation au péché».

 

Il est clair qu'un mot blessant ou accusateur qui porte préjudice aux autres, est le symptôme d'une tendance agressive chez le sujet: haine, animosité, jalousie, envie.

 

Il est inutile ici de rappeler ce que les Ahl-ul-Bayt (P) ont dit à ce propos, puisque le Législateur insiste à la base sur la nécessité de purifier l'âme et de l'entraîner à l'amour au lieu de la haine.

 

Et c'est là le troisième message que le récit nous communique à travers sa description des «premiers à obéir à Allah» dans leur milieu de Paradis: «mais une seule parole: Paix!... Paix!...»

 

Car la salutation (même lorsqu'elle s'apparente à une affectation), n'est pas un simple mouvement verbal dépouillé de toute portée ou de toute signification concrète, mais traduit sinon un sentiment d'amour, du moins une tentative de s'exercer à l'amour et d'effacer des profondeurs de l'homme les vestiges ou les restes de la haine ou de la tension qui pourrait habiter un membre de la société humaine.

 

Mis à part les messages idéologiques du récit, celui-ci s'est terminé par une description qui oppose le psychologique au vital (la nourriture, la boisson, le sens esthétique), voulant nous montrer ainsi (par cet épilogue) que la moralité véritable qui se dégage du milieu des "premiers à obéir à Allah" est la marque d'amour qui caractérise les relations entre ces derniers.

 

En un mot les "premiers à obéir à Allah" forment une élite que le récit a décrite comme étant au sommet du bien-être vital et psychologique.

 

Ils sont suivis (au Paradis) par les "gens de la droite", lesquels sont moins bien lotis que "les Premiers".

 

Il est naturel que l'on s'attende que les "gens de la droite" soient moins bien traités, sur le plan de la satisfaction de leurs besoins au Paradis, que les "premiers à obéir à Allah", puisque le test ou l'épreuve terrestre que ceux-ci ont passé, a montré qu'ils avaient consenti plus de sacrifice ou d' "ajournement" que ceux-là concernant la satisfaction de plaisirs et de besoins dans la vie terrestre.

 

Voyons maintenant comment le récit dépeint le milieu paradisiaque destiné aux "gens de la droite":

 

«Les compagnons de la droite! Quels sont donc les compagnons de la droite?

»Ils se tiendront au milieu de jujubiers sans épines

»et d'acacias bien alignés.

»Ils jouiront de spacieux ombrages,

»d'une eau courante, de fruits abondants

»non cueillis à l'avance, ni interdits.

»Ils se reposeront sur des lits élevés.

»C'est nous, en vérité, qui avons créé les Houris d'une façon parfaite.

»Nous les avons faites vierges,

»aimantes et d'égale jeunesse ... ». (12)

 

Quiconque médite sur ce milieu paradisiaque préparé aux "gens de la droite" s'aperçoit qu'il est très différent de celui destiné aux "premiers à obéir à Allah" quant au degré de la satisfaction des besoins ou au degré de bien-être dans cette satisfaction, d'une part, et par l'absence de l'élément social ou de la définition des relations sociales entre les membres de cette catégorie, d'autre part.

 

Il va de soi que cette différence entre les deux milieux tient à la différence dans l'acquittement de chacun des deux groupes de ses devoirs de lieutenance sur la terre.

 

Mais les procédés romanesques que le récit suit à cet égard nous révèlent de nouveaux faits qui méritent un développement ici.

 

En effet, le premier élément qui disparaît dans le milieu paradisiaque des gens de la droite est le "lieu de repos" et les moyens de bien-être qui s'y attachent: il n'y a pas de lits qualifiés de tissés, sur lesquels ils (les premiers à obéir à Allah) sont accoudés, face à face...

 

Ces descriptions (les lits qui sont tissés, sur lesquels sont assis les "premiers" "accoudés", "face à face", comme des gens qui s'aiment) ont disparu dans la présentation du milieu paradisiaque des "gens de la droite" au point qu'aucune description de lieu de repos n'y est faite, sauf ces allusions «une ombre épandue» et «des couches exaltées» à propos desquelles nous ne sommes pas certains qu'elles désignent un lieu tapissé, puisque l'apparence du texte et certains exégètes laissent entendre qu'elles symbolisent les femmes.

 

La question qui se pose maintenant est: le récit a-t-il recouru au procédé de l'économie de la narration ou a-t-il voulu éviter la répétition, en supprimant une description devenue superflue, ayant déjà paru à propos du milieu paradisiaque des "Premiers?"

 

Il n'est pas possible de répondre, avec certitude, par l'affirmative à cette question, étant donné que nous savons forcément qu'il y a une différence de degré dans la foi des croyants et des gens pieux (dans ce bas-monde), ce qui nécessite qu'il y ait également une différence dans la récompense décernée au Paradis à chacun, suivant le degré de sa foi.

 

Toutefois, nous retrouvons ailleurs, dans d'autres versets coraniques des généralisations relatives à la place où l'on s'assoit dans le Paradis, comme: «couchés sur des lits d'apparat», (13) «des lits élevés», (14) «des tapis étalés», (15) «sur des lits de repos bien alignés» (16)... etc.

 

Ainsi, les lits d'apparat, les lits élevés, les tapis, sur lesquels on s'accoude ou s'assoit sont cités dans le contexte des gens du Paradis, sans que ces textes coraniques mentionnent la différence entre ces gens.

 

Ces détails n'empêchent pas que la question posée plus haut se pose encore: pourquoi n'y a-t-il pas une description du lieu de repos des "gens de la droite?" Ces derniers sont-ils compris dans les généralisations relatives à la description des gens du Paradis (en général), ce qui les englobe dans cette description (de lieu)? Dans l'affirmative, pourquoi la description du lieu a disparu ici et non pas dans le cas des "premiers à obéir à Allah".

 

Notes :

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1- Versets 10 - 14

2- Principe selon lequel l'Homme a été choisi pour représenter Allah sur la Terre. Voir Sourate 2, verset 30; Sourate 38, verset 26; Sourate 6, verset 165; Sourate 10, verset 14. NDT.

3- Versets 15 - 16

4- Verset 17

5- Versets 17 - 19

6- Versets 20 - 21

7- Verset 20

8- Verset 19

9- Versets 25 - 26

10- Verset 24

11- Versets 26 - 26

12- Sourates 27 - 38

13- Sourate "Les Fraudeurs" 83, verset 35

14- Sourate "L'Échéant" 56, verset 34

15- Sourate "Celle qui Enveloppe" 88, verset 16

16- Sourate "Le Mont" 52, verset 20