Culture et philosophie
Parmi les principes essentiels que compte le monde dans lequel nous vivons se trouve le principe que toute chose doit présenter une efficacité déterminée, et la chose dont l’efficacité n’est pas déterminée est généralement déclarée futile et absurde. Cependant, jusqu’à l’époque moderne, la philosophie n’a pas cette prétention d’être utile à la vie ordinaire ni d’influencer le progrès pour la subsistance quotidienne. Comme le dit Aristote : « La théologie est le plus noble des savoirs car on ne lui demande aucun profit. »
Les grands sages du passé ne font pas non plus du « sublime » le moyen de parvenir au « vil ». Selon eux, la philosophie incarne le savoir supérieur, le plus noble d’entre les savoirs avec aidé duquel un homme peut parcourir les étapes de l’existence et ne faire qu’un avec le monde de l’esprit. Ainsi, lorsque nous disons qu’il n’est pas question de profit en philosophie, cela ne veut pas dire que la philosophie est vaine et absurde.
Relation entre philosophie, perte et profit
A notre époque, il se peut que ceux qui ont la cupidité de comparer la religion avec les opinions communément admises dans le monde moderne s’appuient sur la parole du Sceau des prophète (s), qui dit : « Je prends refuge en Dieu contre le savoir inutile. » Il est possible qu’ils tirent comme conclusion de cette phrase de l’Envoyé de Dieu (s), que le savoir désigne simplement le savoir de la subsistance, et comme la philosophie ne sert pas à la vie quotidienne, elle est de la catégorie de ce savoir dont on doit se préserver en se réfugiant en Dieu. Selon eux, les insinuations des philosophes sont basées sur des informations et des connaissances vaines qui ne leur sont venues en tête ni par la compréhension ni par la réflexion, et qui n’ont pas été obtenues en vertu de la nécessité de la subsistance, sachant qu’ils ont par exemple pour dessein la curiosité et la manie de se mêler de tout. L’idée que le savoir doit apporter la puissance à l’être humain et forger l’arme lui permettant de tenir le monde en captivité est apparue à l’époque moderne.
A l’époque grecque, les sophistes considèrent de manière implicite que le savoir est profitable et apporte la puissance, c’est pourquoi ils s’opposent à la philosophie dont on ne tire aucun profit. Au lieu de répondre à leurs objections, Socrate et Platon qui se situent à l’opposé des sophistes, s’efforcent de faire apparaître le caractère infondé de leurs querelles et de leurs propos.
Par exemple, lorsque Caliclès reproche à Socrate de s’adonner à la vaine occupation qu’est la philosophie alors qu’il est un vieil homme, Socrate ne cherche pas à se défendre et se contente de le tourner en dérision. Cependant, dans le tribunal d’Athènes, lorsque la philosophie fait l’objet d’une accusation officielle, il défend la philosophie, qui est sa profession, et dit : « S’il y a des gens qui sont incommodés par le dard de ma langue, je n’ai pas l’intention de les tourmenter. Je suis le taon des Athéniens et je vois qu’ils sont endormis dans le défilé du danger. Je les pique afin qu’ils se réveillent de leur insouciance et avant que le malheur et les épreuves ne s’abattent sur eux, afin qu’ils sortent de la situation dans laquelle ils se trouvent. »
Socrate ne dit pas que la philosophie apporte du profit, il en fait au contraire la gardienne, la protectrice de l’existence humaine dans les moments difficiles et malheureux. Bien entendu, l’opinion de Socrate ne consiste pas à faire usage de la philosophie les jours difficiles ; il dit que si vous êtes tourmentés par les paroles philosophiques et si les philosophes ont des mots amers, c’est parce que ce n’est pas le moment de s’endormir.
Normalement, les gens qui vivent sans crainte de l’avenir et demeurent dans le sommeil et l’imagination, se trouvent tourmentés par tout ce qui nuit à leur tranquillité. Comme les gens de la ville de Sabâ qui, tant qu’ils étaient occupés aux plaisirs, à la gaieté et aux délices disaient aux prophètes (as) qui les informaient à propos de lendemains difficiles et d’épreuves à venir, sur un ton de remontrance témoignant de leur tourment : « Nous étions un perroquet bavard et reconnaissant, vous avez fait de nous un poulet pensant à la mort. » (D’après Rûmî / Mawlavî).
Le monde où se réalise la pensée philosophique
La philosophie ne consiste pas simplement en des débats abstraits, il s’agit au contraire du savoir du commencement et de l’achèvement ; la finalité de ce savoir du commencement et de l’achèvement ne saurait être obtenue sans débats abstraits. Celui qui n’est pas lié à la philosophie et qui la regarde de l’extérieur ne voit que des mots, des expressions, des significations et des réalités abstraits. Il la juge absurde et lorsqu’il sort ses significations de leur contexte et à l’occasion cherche à les rendre dans un langage qui n’est pas philosophique, elles apparaissent aux yeux des gens comme autant de choses laides et à l’opposé de ce qui est simple, naturel et beau.
Cependant, les philosophies n’ont pas prémédité d’engendrer des propos particulièrement pompeux et ardus qui mettent les gens dans la peine, et dans l’obligation de les comprendre. La philosophie est difficile à sa mesure, mais sa difficulté ne se trouve pas dans les mots et les formulations. Le monde du philosophe n’est absolument pas le même que le monde de tous les jours. Il est vrai que le philosophe vit comme tout un chacun et partage civilités et habitudes, mais au moment de la méditation et de la réflexion, il se rend dans un monde où tout le monde ne peut pas se rendre.
Sadr al-Mota'alehîn (Mollâ Sadrâ) rapporte d’Aristote – parmi les œuvres de Platon attribuées à Aristote – que la philosophie consiste à se rendre de l’innéité (fitrat) première à l’innéité seconde. Nous sommes tous dans notre innéité première et c’est avec cette disposition que nous vivons.
Nous avons des attachements, des penchants, des joies, des craintes, et des espoirs partagés et analogues et tant que nous sommes dans cette innéité, notre horizon s’en trouve limité et nous agissons dans les limites de cet horizon. Nous étudions le savoir et nous réfléchissons à des moyens et à des expédients afin de résoudre des problèmes. Nous parlons du bien et du mal, de l’utilité et de la perversité, du choix de ce qui est bien et de l’abandon de ce qui est mal…
Bien entendu, lors de son voyage vers l’innéité seconde, le philosophe n’abandonne pas les coutumes et les civilités de l’innéité première, au contraire, il s’en libère et ouvre les yeux sur un monde dans lequel se trouve le principe des civilités et des habitudes de l’innéité première, ainsi que l’origine de l’utilité et de la perversité de la vie quotidienne.
Le voyage vers la seconde innéité n’est pas réservé aux philosophes, il compte au contraire parmi les accès qu’ont les êtres humains pour travailler cette innéité. Les prophètes (as), les Walîs (1) (as), les Elus de Dieu, les poètes, les philosophes, les conciliateurs et les grands révolutionnaires conçoivent cette innéité selon des degrés et des procédés différents.
Ainsi, le problème de la philosophie n’est pas simplement un problème de mots et d’expressions. Du fait que le philosophe rende compte d’un monde qui se trouve au-delà du monde qui nous est familier, notre lecture de son discours fait qu’il nous semble extraordinaire (2) , éloigné de la réalité et chimérique. Nous imaginons que l’innéité première est cachée à elle-même et que toute chose en ce monde, provenant de l’intérieur de ce monde et ce, selon une raison convenant à ce monde, s’inscrit dans un ordre, une disposition, bien que l’innéité première se trouve cachée à l’innéité seconde. C'est-à-dire que dans le cas où l’être humain ne disposerait pas d’innéité seconde, l’innéité première serait en butte à la dispersion et l’ordre de la vie ordinaire s’en trouverait anéanti. Ne voyez-vous pas qu’au cours de l’histoire de l’humanité, dès lors qu’en un lieu et lors d’une époque il existe une pensée importante, ainsi que de grands penseurs et d’illustres enseignants, la vie ordinaire et quotidienne des gens s’organise autrement, tandis que lorsque l’on se trouve en l’absence de réflexion, on assiste à une cacophonie de réflexions erronées accompagnées du désordre, de la dispersion et de la corruption ?
Les transformations de l’Occident et la philosophie
Alors même que l’Occident s’enorgueillit des splendeurs de son savoir et de sa technique, l’Occident c’est la philosophie. Le savoir et la technique moderne revendiquent la succession de la philosophie, mais lorsque l’on entend cette revendication, il ne faut pas s’affoler ; quand bien même la survenue de cette succession serait nécessaire, il faudrait tout d’abord qu’il s’agisse bien de philosophie et non d’un savoir venue la supplanter.
Il est évident que Galilée, Kepler, Newton, Lavoisier, Bichat, Claude Bernard et Adam Smith occupent une position élevée au sein de l’histoire de l’Occident, or l’Occident c’est aussi l’Occident de Platon, d’Aristote, de Francis Bacon, de Galilée le philosophe, de Descartes, de Kant et d’Hegel.
Si les savants et les ingénieurs sont ceux qui réalisent le monde occidental, le plan de leur réalisation et de l’ordre qu’ils mettent en place sont le fruit des philosophes. Prenez garde de croire que la ville moderne est une ville éclairée au moyen de lampadaires électriques, ce qui nécessite la découverte de l’électricité ; une telle ville ne peut être fondée suite à une découverte fortuite de la lampe électrique. Les fondateurs de la modernité sont Thomas Moore, Francis Bacon, Descartes et en dernier lieu, Kant, Baudelaire et Hegel.
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La philosophie en tant que parole de l’existence
Si la technique, le savoir et la politique modernes sont fondés sur la philosophie, nous devons également collaborer un minimum à la technique et au savoir. Nous devons veiller sur l’arbre du savoir dont Descartes a parlé. Si le discours de Descartes qui porte sur la relation entre philosophie, savoir, technique et morale correspond simplement à l’avis d’un philosophe, il doit être également pris comme un avis discutable. Descartes donne une importance disproportionnée à l’influence de la parole des philosophes qu’il considère comme les souverains de l’histoire. Désignons deux points : l’un est que la philosophie ne constitue pas le recueil des avis des gens ; la philosophie est la parole de l’existence, tandis que les philosophes sont les représentants de l’existence. Les philosophes ne disent rien par eux-mêmes ; au sein de l’innéité seconde, l’être humain est extérieur à lui-même et à l’égotisme. (Même lorsque les philosophes ont posé les bases de la construction de l’être humain, ils se sont trouvés extérieurs à l’égotisme). L’autre point s’interroge comme suit : les plans de Galilée, de Bacon et de Descartes ne se sont-ils pas réalisés avec précisions, et Kant n’est-il pas le maître de la modernité ?
Dans le cadre de l’étude de la philosophie, vu que nous prêtons normalement attention aux détails, aux questions et au procédé de l’argumentation et que nous quêtons à propos de ces détails afin de décider de les écarter ou de les attester, de les dépasser ou de les confirmer, nous nous occupons moins de l’effet que produit la nature et la réalité d’une philosophie. Kant est sans doute le fondateur de la philosophie critique, et la philosophie critique représente un événement important dans l’histoire de l’humanité, elle a changé le visage de l’histoire.
La nécessité d’utiliser une langue conforme à la pensée moderne
Mais alors, les chercheurs ont-ils le droit de s’enquérir à propos des détails des idées d’un philosophe ? Pourtant, après en avoir scruté les détails et décortiqué les questions, il faut s’arrêter sur la nature de cette philosophie, afin de discerner sa problématique fondamentale et le changement ou la révolution que cette philosophie opère la vision de l’humanité. Il est très facile pour nous de rejeter le « je pense » de Descartes ; nous pouvons même le considérer comme une plaisanterie. Cependant, le « je pense » de Descartes correspond à l’avènement de l’humanité moderne, soit le fait que l’être humain figure la source de la pensée. L’existence de l’être humain c’est la pensée, et la pensée c’est le doute.
Considérant ce point, la philosophie se transforme immanquablement et très rapidement en philosophie critique, ajouté à cela le fait que le savoir soit bridé par la philosophie critique, et la volonté fait un pas en avant et se pare du rang de primauté sur le savoir, tout en devenant l’évaluatrice de la personne humaine. Alors que l’être humain doit donner sa forme au monde, et changer le monde, comment ne peut-il pas être la source même de la volonté et de la liberté ?
Il est à regretter que les savants en philosophie et les philosophes du monde musulman ne se mettent pas à initier une relation avec l’Occident, et ne lisent pas davantage les œuvres des philosophes occidentaux dans le but de réaliser ce que sont leurs desseins et afin de dialoguer avec eux dans leur propre langue philosophique. Il se peut qu’ils répliquent : « Nous qui avons Fârâbî et Ibn Sînâ (1) , quel besoin avons-nous de Saint Thomas, de Bacon et de Descartes ? Lorsque nous pouvons lire les Mashâ?ir (2) , les Shawâhed al-rubûbiya (3) et les Asfâr arba?a (4) , qu’avons-nous à faire de la Critique de la raison pure (5) , de la Critique de la raison pratique (6) , de la Phénoménologie de l’esprit (7) , de La volonté de puissance (8) et de L’E^tre et le néant (9) ? »
Le premier traducteur du Discours de Descartes écrit dans l’introduction de la version persane que les philosophes européens par rapport aux sages musulmans sont comme une lampe vis-à-vis du soleil… Il est évident que si l’on me demande les noms de quelques-uns des plus grands penseurs de l’histoire, je placerai dans ma liste, certaines grandes figures de la pensée musulmane. Je crois en l’importance et au respect dus à Ibn Sînâ, Jalâl al-Dîn Mawlavî (10) et Sadr al-Dîn Shirâzî, mais s’il est question de seriner partout leurs paroles, de conseiller à tout le monde d’apprendre leurs discours et d’enquêter et d’analyser toutes les réponses émises à leur sujet, cela revient à se fermer l’esprit.
De même qu’il existe des concepts philosophiques comme « l’existence » et que les questions historiques liées à « l’éloignement vis-à-vis de la nature de l’existence » se présentent continuellement à l’époque moderne, de même demande-t-on maintenant aux philosophes : « Qu’est-ce que les droits de l’humain ? Quels liens y a-t-il entre philosophie et politique ? Quels sont les obstacles intellectuels et moraux au développement et y a-t-il un rapport entre religion et développement ? » ; des notions vagues comme celle de valeur et d’antivaleur ont pénétré le langage, or dans le cas où ces points ne sont pas éclaircis, la voie de la réflexion se trouve obstruée, aussi il n’est d’autre moyen que de recourir à la philosophie.
Nos questions à propos de la religion, de la liberté, de la tradition et de la rénovation… se posent maintenant même. Si nos grands philosophes ne traitent pas ces questions, des individus incompétents s’en mêleront et noirciront quelques pages au sujet, par exemple, du développement que l’islam recommande. Le développement n'a nul besoin d’avocat car la politique ne peut s’en départir. La défense du développement et sa justification, en particulier au moyen de la quête de confirmations issues des traditions islamiques anciennes, est sans motif, superflu et relève de la propagation d’une réflexion simple et naïve. L’islam est une religion datant de mille quatre cents ans et jouissant d’une solvabilité absolue. Si l’islam avait recommandé le développement, il aurait fallu que cette notion apparaisse dans notre Livre saint, et plus important, que nous parvenions avant l’Occident à une certaine étape pour ne plus avoir besoin de l’imiter.
Parfois, on me dit : « Toi qui cite Muhyî al-Dîn (11) avec admiration, toi qui considère le Methnevî de Mawlânâ (12) comme un océan de trésors de significations et qui est attaché à Mullâ Sadrâ, pourquoi parles-tu de Nietzsche, de Husserl, de Max Scheler, de Heidegger, de Jaspers, de Merleau-Ponty, de Gadamer, Foucault, Derrida, et des post-modernes ? » Ma réponse est qu’ils sont les plus grands et les plus importants protecteurs du temps présent parmi les philosophes. Ils sont les porte-parole de cette étape historique de l’Occident et sans étudier leurs œuvres, il est bien rare que nous puissions savoir sous quelle forme se joue la pièce en cours et comment elle va s’achever.
Le développement, la modernité et leurs relations à la philosophie
Il se pose désormais des questions pour lesquelles il n’existe pas de position théorique, et face auxquelles les débats et les controverses philosophiques s’embrasent. A ces débats participent un groupe d’intellectuels et d’universitaires. Au sein de leurs discussions, ils désignent parfois les centres d’instruction religieuse et les savants qui y officient. Quoi qu’il en soit, l’un des points évoqué est le fait qu’au cours de ces deux ou trois derniers siècles, notre histoire soit parvenue au stade de la décadence. Une école pense que la voie du salut passe par une exégèse contemporaine de la religion et par l’instauration de la démocratie, tandis que l’autre croit que tant que l’on ne sera pas informé sur notre propre situation de déclin, que l’on ne saura pas que nous sommes tombés de notre piédestal, aucune voie de salut ne pourra s’ouvrir.
Ces deux écoles défendent la modernité, et bien qu’elles se placent théoriquement contre l’idéologie, elles ont fait de la modernité, de la situation et de l’ordre occidental leur but et leur unité de mesure tout en s’évaluant en fonction de la religion, de la tradition, de la morale, de la conscience de soi et de la pensée. Peut-être ignorent-ils qu’il s’agit là d’idéologie et, de surcroît, de mauvaise idéologie.
Face à ces auteurs, certains considèrent le développement et la modernité comme du shirk (13) . Entre ces deux groupes s’en trouvent d’autres qui s’abstiennent de statuer sur la modernité et le développement et qui demandent ce qu’est la modernité, ce qu’est le développement, et si le développement correspond à l’intention du monde entier. C'est-à-dire : l’être humain a-t-il une histoire unique ? Et l’histoire qui concerne l’ensemble des êtres humains dans le monde, passe-t-elle par la voie que parcoure l’Occident ? Ou est-ce parce que nous avons enquêté et que le développement est un modèle parfait que nous devons aller dans son sens et rassembler les conditions de sa réalisation ? Ceux qui s’occupent apparemment moins de politique au sein de cette querelle disent que ce n’est pas le moment de s’occuper de cela et que nous ne sommes pas encore parvenus à la phase opportune pour exposer cette question. Alors quel besoin avons-nous d’exposer des questions qui affaiblissent notre courage pour cheminer dans la voie du développement ? D’autres gens, dont le discours est davantage idéologique, disent que ces questions proviennent d’un esprit réactionnaire et qu’elles mènent à penser que le développement génère l’associationnisme et la mécréance, et l’acceptent au mieux comme une nécessité historique.
Le but de la discussion et de la désignation de ces théories est uniquement de montrer de quelle manière les plus simples de nos questions politiques, sociales et culturelles se trouvent intimement liées à la philosophie. Des questions qui étaient apparemment uniquement politiques et sociales, sans aucun lien avec la philosophie, ont maintenant revêtu un aspect philosophique et sont exposées dans le langage philosophique ou pseudo-philosophique.
En réalité, la plupart de ces débats sont philosophiques et on peut y souscrire dans le cadre de la philosophie. Cependant, dans des cas où le recours à la philosophie est artificiel, il faut pourtant également se référer à elle afin d’en expurger le fondement, ou afin de remettre à sa place une question ayant été mal exposée.
Rapport entre philosophie, populisme et superficialité
Le problème vient du fait que les questions de philosophie incombant à l’innéité seconde et ayant pour objet les concepts de liberté et d’amour pour la vérité se trouvent mêlées de paroles employées dans la rue, et ainsi se confondent avec les questions inhérentes à l’innéité première. Parmi les erreurs qui en résultent se trouvent le fait que certains gémissent à propos de l’imitation, alors même que leurs discours sont en réalité une invitation à l’imitation ; ils se plaignent que la superficialité, le déclin et le populisme dominent la situation actuelle, or quand quelqu’un conjecture sur le fait que le déclin et la superficialité apparaîtront également en Occident, ils l’accusent d’être un réactionnaire et un fasciste et dans la plupart des cas, après avoir recommandé le civisme, les droits et la liberté des individus, ils lui attribuent le fait d’avoir commis des actes répréhensibles, de s’être adonné à des divertissements illicites, et des crimes.
Pourtant, ceux de l’autre groupe ne permettent pas que l’on dise quelque chose à propos de l’Occident ou qu’on aborde des questions qui lui sont relatives et recommandent que l’on parle de manière opportune. Or, qui sait ce qui est opportun, qui connaît l’opportunité de telle chose, de tel acte ? Visiblement, ce sont les philosophes et les penseurs qui connaissent l’époque et la divulguent dans leurs propos. Si nous trouvons de tels individus, comment leur demander ce que nous devons dire et ce que nous ne devons pas dire ? Il n’est pas bien, alors que nous ne sommes pas encore des philosophes, que nous nous considérions comme des auteurs de traités d’enseignement, de guidance, d’instructions destinées aux philosophes, aux penseurs, aux juristes et aux exégètes, et que nous écrivions des textes sur l’utilité et l’amendement. Toutefois, ces disputes ne sont pas que de mauvais exemples décevants, et il se peut qu’elles fournissent aux penseurs qui en sont capables de quoi réfléchir.
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back to 2 Le livre des pénétrations métaphysiques, de Mulla Sadra Shirâzî.
back to 3 Les témoins de l’épiphanie divine, de Mulla Sadra Shirâzî.
back to 4 Les quatre voyages de l’esprit, de Mulla Sadra Shirâzî.
back to 5 De Kant.
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back to 7 De Hegel.
back to 8 De Nietzsche.
back to 9 De Heidegger.
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back to 11 Ibn al-‘Arabî.
back to 12 Rûmî.
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Références :
Rezâ Dâvarî A^radakânî, Culture, sagesse et liberté, pp 11-13 et 16-20. Editions Shâqî, 1999.