La relation d'amour
La relation avec Allah
La relation avec Allah, sous sa forme la plus saine est constituée d'une série d'éléments harmonieux et concordants qui, réunis, forment la relation correcte avec le Créateur.
Les références islamiques refusent de concevoir la relation avec Allah sur la base de l'élément unique, tel que la peur ou l'espoir, l'amour ou le recueillement, et considèrent qu'une telle relation est dépouillée d'harmonie et d'équilibre. Les éléments qui composent la relation avec Allah sont très nombreux et mentionnés en détail dans les versets coraniques, les hadith et les Prières de demandes.
Ce sont essentiellement: l'espoir (en Allah), la peur (d'Allah), l'imploration, le recueillement, l'humilité, l'appréhension, l'amour, le désir, la familiarité, l'anâbah (le retour vers Allah, repentant), le tabattul (retraite spirituelle, récollection), l'istighfâr (demande de pardon), la crainte, l'obéissance, l'asservissement (à Allah), le thikr (l'invocation d'Allah), la pauvreté (le besoin d'Allah), l'i'tiçâm (se protéger par Allah).
Ainsi, dans un do'â, l'Imâm Zayn al-'A^bidîn (p) dit:
«ô Seigneur! Je Te demande de remplir mon coeur d'amour de Ton Amour et de Ta crainte, de croyance et de Foi en Toi, de Ton appréhension et de Ton désir».(1)
De ces éléments multiples se forme un beau spectre harmonieux de la relation avec Allah. Chacun de ces éléments constitue une porte de la Miséricorde et de la Connaissance d'Allah. Ainsi, la demande de la miséricorde ouvre la porte de la Miséricorde d'Allah, et la demande de pardon ouvre la porte du Pardon d'Allah.
De même chacun de ces éléments est considéré en soi comme une voie pour le mouvement ou la conduite vers Allah. D'autre part, la crainte ou l'appréhension est une autre voie vers Allah. Le recueillement est une troisième voie vers Allah; l'espoir, le do'â ou l'espérance constitue une quatrième voie vers Allah.
L'homme doit se mouvoir vers Allah à travers différentes voies et ne pas se contenter d'une voie unique, car chaque voie conduisant à Allah a son propre charme, sa propre saveur et un délice particulier qu'on ne retrouve pas dans les autres voies. De là l'insistance de l'Islam sur le principe de la multiplicité des éléments de la relation avec Allah.
On a là un sujet vaste dans lequel nous ne voulons entrer ici.
L'Amour d'Allah - Le Très-Haut
Ce qui nous intéresse dans cet exposé c'est l'une de ces voies, celle de l'amour d'Allah, car elle est la meilleure d'entre elles, la plus sûre, la plus belle et la plus à même de nous attacher à Allah et de renforcer nos liens avec Lui.
En matière de comparaison entre ces différents éléments qui composent la relation de l'homme avec le Créateur, beaucoup de textes religieux nous fournissent suffisamment d'éclairage pour pouvoir constater que la voie de l'amour occupe une place de choix en Islam. Citons à titre d'illustration quelques-uns de ces textes:
Il est dit qu'Allah inspira au Prophète Dâwûd:
«ô Dâwûd! Mon invocation appartient à ceux qui M'invoquent, Mon paradis à ceux qui M'obéissent, Mon amour à ceux qui Me désirent, et Moi, J'appartiens à ceux qui M'aiment».(2)
L'Imam al-Sâdiq (p) dit:
«L'amour (d'Allah) est préférable à la peur (d'Allah)».(3)
Mohammad Ibn Yaqûb al-Kulaynî rapporte dans son corpus, "Uçûl al-Kâfî", le hadith suivant de l'Imam al-Sâdiq (p):
«Les serviteurs (d'Allah) sont répartis en trois catégories: une catégorie de serviteurs qui adorent Allah par crainte (de Lui); leur adoration est celle des esclaves, une deuxième catégorie qui adorent Allah par l'appât de récompense spirituelle (thawâb), leur adoration est celle des commerçants, et une troisième catégorie qui adorent Allah par amour, leur adoration est celle des hommes libres, et elle est la meilleure des adorations».(4)
Dans le même corpus précité al-Kulaynî cite le hadith suivant du Prophète (P):
«Le meilleur des gens est celui qui s'éprend de l'adoration, l'étreint, l'aime de son coeur et la pratique avec son corps, se fait disponible pour elle et ne se soucie point de quoi sera fait le monde d'ici-bas le lendemain: aisance ou difficulté".(5)
L'Imam al-Sâdiq (p) dit aussi:
«Les entretiens intimes (munâjât) des "connaisseurs" (les mystiques) avec Allah reposent sur trois fondements (ou sentiments principaux): la crainte, l'espérance et l'amour. La crainte découle de la science, l'espérance de la certitude et l'amour de la connaissance.
L'indice de la peur est la fuite, celui de l'espérance est la demande, et celui de l'amour est la préférence donnée au bien-aimé à toute autre chose. Lorsque la science entre dans la poitrine, le mystique craint, et lorsqu'il craint, il fuit, et lorsqu'il fuit, il est sauvé. Quand la lumière de la certitude brille dans le coeur, le mystique voit la Grâce, et lorsqu'il parvient à voir la Grâce, il espère, et lorsqu'il goûte les délices de l'espoir, il demande, et lorsqu'il obtient la satisfaction de sa demande, il trouve. Lorsque la lumière de la connaissance jaillit dans le coeur, le vent de l'amour souffle, et lorsqu'il souffle, le mystique se sent réjoui à l'ombre du Bien-Aimé auquel il donne la préférence à toute autre chose et s'attache à suivre scrupuleusement et minutieusement Ses Ordres et Ses Enseignements. Ces trois fondements sont comme le Haram (la ville de la Mecque), la Mosquée et la Kabah: quiconque entre dans le Haram jouit de l'immunité contre les poursuites des gens, et quiconque entre dans la Mosquée, ses sens sont assurés qu'ils ne seront pas utilisés pour commettre un péché, et quiconque entre dans la Kabah, son coeur est assuré qu'il ne sera pas occupé à autre chose que l'invocation d'Allah».(6)
On rapporte le hadith suivant du Prophète (P):
«Le Prophète Chuayb (p) pleura d'amour d'Allah jusqu'à ce qu'il fût aveugle. Allah lui a révélé alors: "O Chuayb! Si tu avais pleuré par peur de l'Enfer, Je t'en épargne, et si tu avais pleuré par désir du Paradis, Je te l'accorde". Chuayb répondit: "O mon Seigneur et Maître! Je n'ai pleuré ni par peur de Ton Enfer ni par désir de Ton Paradis, mais parce que Ton amour est entré dans mon coeur et je ne peux plus patienter jusqu'à ce que je Te voie". Allah - que Sa Gloire soit sublime - lui révéla alors: "Si c'est ainsi, Je te ferai servir par mon interlocuteur Mûsâ Ibn Imrân"».(7)
Dans le Livre d'Idrîs (p) on peut lire ceci:
«Bienheureux sont ceux qui M'ont adoré par amour et M'ont adopté comme Dieu et Seigneur, et qui ont veillé la nuit et travaillé le jour pour Ma Face, et non par crainte de l'Enfer ni par désir du Paradis, mais uniquement par amour pur, par une volonté claire et en abandonnant tout pour s'adonner totalement à Moi».(8)
et:
«Qu'il soit aveugle l'oeil qui ne voit en Toi un surveillant et qu'elle soit perdante la tractation d'un serviteur, qui ne recherche pas à lui obtenir une part de Ton amour».(9)
La foi et l'amour
Les enseignements islamiques nous apprennent que la foi, c'est amour:
- Selon l'Imam al-Bâqer (p):
«La foi est amour et haine».(10)
- Al-Fudhayl Ibn Yasar témoigne:
«J'ai demandé à l'Imam al-Sâdiq (p): "L'amour et la haine ont-ils un lien avec la foi?"
L'Imam al-Sâdiq (p) m'a répondu: "Mais la foi est-elle autre chose qu'amour et haine!?"»(11)
- Selon l'Imam al-Sâdiq encore:
«La Religion est-elle autre chose que l'amour? Allah - Il est Puissant et Sublime - dit: Si vous aimez Allah, suivez-moi; Allah vous aimera et vous pardonnera vos péchés. Allah est Celui qui pardonne; Il est le Miséricordieux. (Sourate A^le 'Imrân, 3: 31)»(12)
- Selon l'Imam al-Bâqer aussi:
«La Religion, c'est l'amour et l'amour c'est la Religion».(13)
Le plaisir de l'amour
Si l'acte d'adoration d'Allah est fait par amour, par désir et par soif, il procure un plaisir inégalable.
L'Imam 'Alî Ibn al-Hussain, dit Zayn al-A^bidîn (p) qui est bien placé pour parler de la douceur de l'amour et de l'invocation d'Allah dit à ce propos:
«ô mon Seigneur! Qu'il est bon le goût de Ton amour et qu'il est doux le boire de Ta proximité».(14)
Cette douceur et ce plaisir que procure l'amour d'Allah sont solidement implantés et fixés dans les coeurs des intimes d'Allah et non accidentels ni fugaces ni passagers. Et lorsque le plaisir de l'amour d'Allah se fixe dans le coeur du croyant pieux, ce coeur est illuminé par l'amour d'Allah, et se met pour toujours à l'abri de Sa torture.
En effet l'Imam 'Alî (p) s'adressant à Allah dit:
«O Seigneur! Par Ta Puissance et Ta Majesté! Je T'ai aimé d'un amour dont la douceur s'est fixée dans mon coeur; or le for intérieur de Tes fidèles serviteurs monothéistes ne saurait concevoir que Tu puisses détester ceux qui T'aiment!».(15)
A` propos de cet état fixé et permanent d'amour divin, l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain (p) dit:
«Par Ta Puissance et Ta Gloire, ô Seigneur, même si Tu venais à me gronder, je ne quitterais jamais Ta porte, ni ne cesserais de Te flatter, ayant su l'immensité de Ta Générosité et de Ta Noblesse».(16)
Et lorsque le croyant pieux découvre le goût délicieux de l'amour d'Allah, rien ne pourra dès lors supplanter cet amour irremplaçable. Ecoutons ce que dit à ce propos l'Imam Zayn al-'A^bidîn (p):
«Qui eût pu songer à Te chercher un remplaçant après avoir goûté aux délices de Ton amour! ou désirer quelqu'un d'autre que Toi après s'être délecté de Ta Proximité!?»(17)
Si les gens vont à gauche et à droite ou s'attachent à ceci ou à cela, c'est parce qu'ils sont privés de l'amour d'Allah, car ceux qui ont eu la chance de connaître les délices de l'amour d'Allah, sont tellement comblés qu'ils ne désirent plus rien d'autre. C'est du moins ce que nous laisse deviner l'Imam 'Alî Ibn al-Hussain (p):
«Qu'a-t-il trouvé celui qui T'a perdu! et qu'a-t-il perdu celui qui T'a trouvé!».(18)
Il est à remarquer que l'Imam Zayn al-'A^bidîn demande pardon à Allah pour tout plaisir éprouvé en dehors du plaisir de l'amour d'Allah, pour toute occupation en dehors de celle de l'invocation d'Allah, pour toute réjouissance qui ne soit celle de la Proximité d'Allah, et ce, non qu'Allah ait interdit tout cela à Ses serviteurs, mais parce que de tels plaisirs et réjouissances distraient le coeur du croyant de son Créateur, ne serait-ce que pour un court laps de temps, car un coeur qui a goûté le plaisir de l'amour d'Allah ne saurait se détacher d'Allah, même l'espace d'une seconde.
Dans la vie des serviteurs pieux d'Allah tout effort, toute chose, tout acte et même tout sentiment s'inscrivent dans la prolongation de l'amour d'Allah, de l'invocation d'Allah, de l'obéissance à Allah. Tout ce qui sort de cette ligne ou de son prolongement est considéré par eux comme éloignement d'Allah, dont ils Lui demandent pardon. C'est pourquoi l'Imam Zayn al-'Abidin (p) dit:
«ô Seigneur! Je Te demande pardon de tout plaisir ressenti en dehors de Ton invocation, de tout repos sans Ta compagnie, de tout contentement sans Ta proximité, et de toute occupation sans Ton obéissance».(19)