Réflexion d´un prêtre catholique sur le port du voile
J'habite à côté d'une mosquée et je trouve le voile plutôt décent. Pourquoi ne pas plutôt réagir à la profusion de publicité pseudo-pornographique qui s'étale à longueur de rues ? Les adversaires du voile abordent la question exclusivement sous l´angle du danger communautariste. Ceux qui professent une même foi partagent des signes d´appartenance et de reconnaissance.
Le vêtement fait depuis toujours partie de ces signes. Demandera-t-on demain aux enfants juifs de retirer leur kippa sur la place publique ? Contraindra-t-on les moniales à revêtir le pantalon à chaque fois qu´elles sortiront des limites de leur monastère ? Va-t-on obliger les évêques de France à ôter leur clergyman pour s´exprimer sur un plateau de télévision ?
Les prêtres qui enseignent la religion dans une école, pourront-ils encore porter la croix au revers de leur veste ? Et les moi nes tibétains devront-il troquer leur robe safran contre un complet veston ? Seule une société totalitaire pourrait en arriver à de telles extrémités. Une société démocratique se reconnaît dans sa capacité à gérer une diversité stimulante.
Ma grand-mère et les femmes alsaciennes et catholiques de son âge ne sortaient jamais, surtout pas à la messe, sans être revêtues d´une coiffe ou d´un foulard. De fait, chaque fois que j´ai abordé cette question du voile ou du foulard avec des amis musulmans, ceux-ci n´en ont jamais parlé comme d´un signe d´appartenance ethnique ou religieuse. Ils y voient surtout une manifestation de pudeur. Cette pudeur qui est foulée aux pieds dans notre société moderne ! Et c´est peut-être là l´angle sous lequel il faut aborder la question.
La mini jupe et le bikini sont-ils des vêtements plus neutres que le voile ?
Certainement que non ! Ils portent simplement un autre système de valeur radicalement opposé à celui que symbolise le voile. N´est-ce pas aux femmes musulman elles-mêmes de décider quel système de valeurs leur convient mieux ?
En portant le voile, des femmes refusent de provoquer les regards des mâles gourmands comme de vulgaires objets de plaisir. Car le voile touche au statut de la sexualité dans notre société : une société où les love parades semblent moins choquer que les manifestations de la piété musulmane ; une société dont l´intelligentsia tolère des propos orduriers déversés à longueur de jour et de nuit par des radios dites « jeunes » ; une société où domine une idéologie ultra-libertaire qui ne se dit pas.
Cette idéologie là, les jeunes ont le droit de la contester. Le voile ne pose pas de problème lorsqu´il est porté par les grands-mères musulmanes. Il fait peur quand ce sont des jeunes filles scolarisées qui le portent. Le nombre de jeunes filles adeptes de la cigarette ne choque pas : au moins elles prouvent qu´elles sont émancipées des vieux tabous ! ! !
Le voile pose effectivement la question des valeurs vécues par les jeunes. Car il ouvre à un débat sur le type de société dans lequel nous voulons vivre demain. Quelles valeurs pour quelle société en Europe ?
Les religions juives et chrétiennes, les différentes familles de l´islam et d´autres lignées spirituelles auront une contribution décisive à apporter à ce débat. Certes on peut penser qu´elles véhiculent encore certains archaïsmes. On ne peut nier qu´elles portent surtout des valeurs humaines éternelles. La pudeur et la modestie en font partie.
Aumônier catholique à l'hôpital à Colmar