Ghadîr Khûm : Introduction
Nous débutons avec ce premier épisode une série d'articles destinés à réfuter en détail ce qui constitue un des principaux arguments de la propagande Imamite : l'évènement de Ghadîr Khûm1 . Cet évènement d'après la propagande Imamite est considéré comme l'aboutissement et la finalité de la mission prophétique, à savoir la désignation de Ali Radiyallahou Anhou comme successeur du Prophète Sallallahou Alayhi wa Sallam.
Ce jour là est tellement important chez les Imamites qu'ils en ont fait un jour de 'Id (Fête) au même titre que 'Id al-Adha (la Fête du Sacrifice) et 'Id al-Fitr (la Fête de clôture du Ramadan), et qu'ils ont institué un certain nombre d'adorations (Prières, Jeûne, Invocations particulières) comme nous le verrons en détail par la suite. Nous allons dans ce premier épisode, vous présenter le récit tel qu'il est raconté et mis en scène par les propagandistes Imamites, et dans les prochains épisodes nous reviendrons en détail sur chaque point de cette mise en scène.
Ghadîr Khûm, n'évoque vraisemblablement pas grand chose pour une grande majorité de Musulmans. Nombreux sont ceux qui ont entendu pour la première fois ce nom, sans savoir ce qu'il évoquait, au contact des prêcheurs Imamites. Ces derniers ont alors tout loisir de leur raconter, à leur façon, cet évènement et de leur expliquer que si cet évènement n'est pas connu du plus grand nombre c'est que les savants [sunnites] essayent de camoufler cette histoire. Et les propagandistes de poursuivre et d'expliquer qu'il s'agit en fait d'une vaste démarche de désinformation entreprise par les savants sunnites afin de cacher la vérité, pour ne pas dire un complot !
Malheureusement et c'est là où se situe le véritable danger, le propagandiste Imamite est aidé dans son travail par le niveau d'ignorance généralement élevé au sein de la communauté musulmane. Le Musulman ignore sa religion, sa croyance, son histoire, sa culture... bref le terreau idéal pour le propagandiste Imamite qui lui aussi n'est pas plus au fait de ses croyances mais qui en sait énormément sur les sujets polémiques avec les Musulmans. En traitant ce sujet, nous espérons faire connaître davantage cet évènement et ce à quoi il renvoi réellement, afin que le Musulman s'enrichisse d'une science et d'une connaissance, qui seules pourront lui permettre de repousser et de parer à ce genre de propagande.
Dans cette première partie qui inaugure la série, nous allons relater l'évènement tel que conté et mis en scène par les Imamites :
Dix années après l'émigration à Médine, le Messager d'Allah ordonne à ses proches compagnons d'appeler tous les gens dans les différentes régions pour l'accompagner dans ce qui sera le dernier pèlerinage [du Prophète sallallahou alayhi wasallam]. Au cours de ce pélerinage, le Messager (sallallahou alayhi wasallam) apprend aux gens comment accomplir correctement les rites. C'était la toute première fois que les Musulmans se réunissaient en si grand nombre dans un même lieu en la présence du Messager d'Allah. Sur le trajet vers la Mecque, plus de 70 000 personnes accompagnaient le Prophète (sallallahou alayhi wasallam), le 4ème jour de Dhul-Hijjah ils étaient plus de 100 000 a être présent à la Mecque.
Le 18ème jour de Dhul-Hijjah, après avoir accompli son dernier pélerinage, le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) était sur le chemin du retour en direction de Médine, il est à ce moment là, lui et l'immense caravane de ceux qui l'accompagnent, dans un lieu connu sous le nom de Ghadir Khum (qui se trouve à quelques kilomètres de Juhfah). Localisation géographique de Ghadîr Khûm Cet endroit est un carrefour où les caravanes des différentes régions se séparent, chacun emprunte la route qui les mène chez eux : vers l'E'gypte, vers la Syrie, vers l'Irak, ...
C'est précisément à cet endroit que le verset suivant est révélé :
"ô Messager ! Transmets ce que ton Seigneur t’a révélé ! Si tu négliges de le faire, tu n'auras pas transmis son message ! Dieu te protégera des hommes, mais Dieu ne guidera jamais les mécréants."
Sourate al-Ma'idah (La table servie, 5), verset 67
La dernière partie du verset ci-dessus indique clairement que le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) était pleinement conscient de la réaction des gens concernant ce message à révéler mais Allah l'informe de ne pas s'inquiéter et qu'Il le protégera des gens. Suite à la révélation de ce verset, le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) fit halte sur cette place, Ghadîr Khum (l'étang de Khûm) sous une chaleur extrème.
Il fit rappeler les gens qui se trouvaient en tête du convoi pour qu'ils reviennent sur leurs pas, et attendit les pèlerins qui se trouvaient en queue du convoi, afin que tous se réunissent autour de lui. Il commanda à Salman (radiallahou anhou) d'aménager une tribune à l'aide de rochers et de selles de chameau, afin qu'il puisse faire son annonce. Le soleil était à son Zénith (Dhuhr) et la chaleur était extrème dans cette vallée, les gens se couvraient les pieds et les jambes avec leur tunique, et ils prirent place tout autour de la tribune, en s'asseyant sur les rochers brulants.
Ce jour là, le Messager d'Allah fit halte durant cinq heures en ce lieu, et parmi celles ci, il passa trois heures sur cette tribune. Il récita une centaine de versets du Saint Coran, il rappela et avertit soixante-treize fois les Musulmans au sujet de leurs actions et de leur future, puis il prononça un long discours et déclara enfin :
"Il semble que l'heure approche où je serais rappelé (par Allah) et que je répondrais à cet appel2. Je vous laisse, deux choses précieuses qui, si vous vous attachez à elles, vous ne vous égarerez jamais après moi : c'est le Livre d'Allah et ma progéniture, les gens de ma Demeure. Ces deux là ne se sépareront jamais l'un de l'autre jusqu'à ce qu'ils me viennent auprès du Bassin3".
Puis le Messager d'Allah poursuivit : "N'ai je pas plus de droits sur les croyants que ceux qu'ils possèdent vis à vis d'eux mêmes ?"
Les gens s'écrièrent d'une seule voix : "Oui, O^ Messager d'Allah."
Le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) saisit alors la main de Ali et proclama : "Celui dont je suis le Chef (Mawla), [qu'il sache que] Ali est son chef (Mawla), ô Allah, aime celui qui l'aime et sois hostile à celui qui lui est hostile."
Le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) venait à peine de conclure son discours que le verset suivant fut révélé : "Aujourd'hui j'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait, et J'ai agrée l'Islam comme religion pour vous."
Sourate al-Ma'idah (La table servie, 5), verset 3
Ce verset indique clairement que l'Islam, sans la clarification de la question de la succession après le Prophète (sallallahou alayhi wasallam), n'aurait pas été complet, et que le parachèvement de la religion a été réalise après que le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) ait annoncé qui serait son successeur immédiat.
Après son sermon, le Messager d'Allah demanda à chacun de venir prêter allégeance à Ali et de le féliciter. Parmi ceux qui vinrent lui prêter allégeance, il y avait Umar, Abu Bakr et Uthman. Il est rapporté que Umar et Abu Bakr dirent à cette occasion : "Félicitations O^ Ibn Abi Talib ! Aujourd'hui tu es devenu le Maitre (Mawla) de tous les croyants et croyantes."
C'était la volonté d'Allah de rendre cet évènement populaire à travers les récits rapportés par les nombreux narrateurs, toutes époques confondues, de sorte qu'il constitue une preuve irréfutable pour l'Imam de la Guidée. Allah ordonna au Prophète (sallallahou alayhi wasallam) de transmettre aux gens [ce message] à un moment, le pélerinage, où serait présent un maximum de personnes, afin qu'ils puissent se faire les transmetteurs de cet évènement. Leur nombre était évalué à plus de cent-mille personnes, Ibn al Jawzi (al Manaqib) déclare à propos du nombre de ces personnes :
"Ils étaient avec le Messager (sallallahou alayhi wasallam), parmi les compagnons, les arabes [bédouins, nomades], ceux qui résidaient autour de la Mecque et de Médine, 120 000 personnes, et ils étaient ceux qui furent présent au Pèlerinage d'Adieu et qui ont entendu son discours".
Certains exégètes sunnites déclarent même que les trois premiers versets de la sourate al-Ma'arij furent révélés suite à cet évènement lorsqu'une dispute survint après que le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) fut arrivé à Médine : Le jour de [l'évènement de] Ghadîr Khûm, le Messager d'Allah somma les gens de reconnaître Ali comme leur Maitre : "Ali est le Maitre de qui je suis le Maitre." Cette information se répandit rapidement dans toutes les régions, urbaines et rurales.
Lorsque Harith Ibn Nu'man al-Fahri4 pris connaissance de cette nouvelle, il prit son chameau et vint à Medine pour trouver le Messager d'Allah (sallallahou alayhi wasallam) et lui dire : "Tu nous as commandé de témoigner qu'il n'y a nul divinité sauf Allah et que tu es le Messeger d'Allah. Et en cela nous t'avons obéi. Tu nous as ordonné d'accomplir les cinq prières quotidiennes et nous t'avons obéi.
Tu nous as ordonné d'observer le Jeûne durant le mois de Ramadan et nous t'avons obéi.
Ensuite, tu nous as ordonné d'accomplir le pélerinage à la Mecque et nous t'avons obéi.
Mais tu ne t'es pas contenté de tout cela et maintenant voilà que tu saisis la main de ton cousin et l'imposes sur nous comme notre Maître en disant : Ali est le Mawla de qui je suis le Mawla.
Est ce là un commandement venant d'Allah ou une initiative de ta part ?
Le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) répondit : Je jure par Allah en dehors duquel il n'y a nulle autre divinité, c'est un commandement venant d'Allah, à lui la Gloire et la Puissance.
En entendant cela, Harith tourna le dos et s'en retourna vers sa chamelle en disant :
"ô Allah! Si ce ce que dit Muhammad est véridique, alors fais pleuvoir sur nous des pierres venant du ciel et expose nous à des châtiments et punitions sévères". Il n'eut pas atteint sa chamelle qu'Allah, qui est exempt de tout défaut, projeta sur lui une pierre qui l'atteint sur la tête, qui pénétra son corps, le traversa et en ressortir par le bas, en le laissant mort sur place. Et c'est à cette occasion qu'Allah le Très Haut, révéla les versets suivants :
"Un demandeur a réclamé un châtiment inéluctable, pour les mécréants que nul ne pourrait repousser, et qui vient d'Allah, le Maître des voies d'ascension."
Sourate al-Ma'ârij (Les voies d'ascencion, 70), versets 1-3
L'Imam Ali, en personne, rappela cet évènement à plusieurs parmi ceux qui en avaient été témoins en diverses occasions, parmi celles-ci :
- Le jour de la concertation (Shura), qui vit l'élection de Uthman.
- Durant le califat de Uthman
- Le jour de Rahbah (l'année 35), où vingt-quatre compagnons du Prophète (sallallahou alayhi wasallam) se levèrent et jurèrent qu'ils avaient été témoins et avaient entendu ces propos du Prophète (sallallahou alayhi wasallam), douze parmi eux avaient assisté à la bataille de Badr.
- Le jour de la bataille du Chameau (en l'an 36) lorsqu'il fit un rappel à Talha.
- Le jour des Cavaliers où neuf témoins attestèrent.
A propos de la bataille du chameau, al-Hakim et Ahmad Ibn Hanbal et d'autres encore rapportent : "Nous étions dans le camp de Ali le jour de la bataille du Chameau, lorsque Ali fit appeler Talha pour discuter avec lui (avant que la bataille ne commence). Talha vint le trouver et Ali s'adressa à lui en lui disant : "Je t'adjure par Allah, n'as tu pas entendu le Messager d'Allah dire : "De qui je suis le Mawla, Ali est son Mawla, ô Allah, aime celui qui l'aime et sois hostile à celui qui lui est hostile ?"
Talha répondit : "Oui".
Ali dit alors : "Alors pourquoi veux tu me combattre ?"
Ahmad mentionne également dans son Musnad :
"Abu Tufayl rapporte que Ali réunit les gens dans la plaine de Rahbah (en l'an 35h) et les adjura au nom d'Allah que chaque personne présente qui avait entendu la proclamation du Messager d'Allah (sallallahou alayhi wasallam) le jour de Ghadir Khum, se lèvent pour témoigner devant tous qu'ils l'avaient entendu de la bouche du Prophète (sallallahou alayhi wasallam). Sur ce, trente personnes se levèrent et témoignèrent qu'ils avaient vu le Prophète saisir la main de Ali et dire à l'assistance :
"Il (Ali) a plus autorité sur ceux qui me croient qu'ils n'en ont sur leur propres vies, ô Allah, aime celui qui l'aime et déteste celui qui le déteste"5
Abu Tufayl poursuit en disant qu'il était dans un état d'agitation mental troublé car les Musulmans ne s'étaient finalement pas conformés à cette tradition (commandement du Prophète (sallallahou alayhi wasallam)), et il quitta la plaine de Rahbah. Il alla à la rencontre de Zayd ibn Arqam et lui raconta ce qu'il avait entendu de Ali.
Zayd lui dit qu'il ne devait avoir absolument aucun doute à propos de cette information car il avait lui même entendu le Messager d'Allah (sallallahou alayhi wasallam) prononcer ces mots. Abd al-Rahman Ibn Abu Laylah raconte : Je fut témoin des exortations de Ali aux gens dans la plaine de Rahbah pour lui prêter allégeance.
Ali dit: "Au nom d'Allah, j'adjure ceux qui parmi vous ont entendu le Messager d'Allah dire le jour de Ghadîr Khum "Ali est le Mawla de celui dont je suis le Mawla" de se lever et de témoigner de cela."
Douze compagnons parmi ceux qui participèrent à la bataille de Badr se levèrent pour attester de cela.
Il est aussi rapporté à ce sujet :
Lorsque Ali dit à Anas [ibn Malik]: "Pourquoi ne t'es tu pas levé pour témoigner de ce que tu as entendu du Messager d'Allah le jour de Ghadîr Khum ?"
Il répondit : "O^ Commandeur des Croyants, j'ai pris de l'age et je ne me souviens plus très bien."
Ali dit alors : "Qu'Allah te marque avec une tâche blanche (de la lèpre) que tu ne pourras masquer avec ton turban, si tu masques intentionnellement la vérité." Et avant même qu'Anas se lève de sa place, il lui apparut une grande tâche sur son visage. Par la suite Anas avait l'habitude de dire "Je suis sous la malédiction du pieux serviteur d'Allah."
Nous sommes restés le plus fidèle possible à la narration classique que font les Imamites de cet évènement. Le texte ci-dessus que nous allons décortiquer par la suite est une traduction littérale d'un texte repris dans un des sites imamites les plus connus sur la toile. Tous les ingrédients classique du récit sont là.
Dans le prochain article, nous toucherons un mot sur la structure et la forme du récit, avant de nous attaquer au fond par la suite.
Footnotes
1. Ghadîr signifie textuellement mare, étang, petit lac, ici il est donc fait référence à l'étang de Khûm, Khûm étant le nom donné à ce lieu. [back]
2. Le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) signifie ici son heure prochaine, où il sera rappelé à Allah, son départ imminent de ce monde ici bas. [back]
3. Le Bassin, en arabe al-Hawd, est le lieu où le Prophète (sallallahou alayhi wasallam) accueillera les gens de sa communauté le Jour du Jugement. [back]
4. D'autres récits mentionnent un certain Nadhr Ibn Harith. [back]
5. Un véritable mensonge dans la formulation !! Nous avons reproduit cette formulation telle quelle d'un texte de propagande imamite, cette formulation n'est pas une invention de notre part. Nous mentionnerons le récit en arabe, issu du Musnad de l'Imam Ahmad quand nous en arriverons à ce point, et vous pourrez observer de vos propres yeux la supercherie. [back]